Les Latta sont des gens heureux, très heureux sous le règne des Gnassingbé. D’abord le père, un excellent pilote de l’armée de l’air, même si la flotte aérienne togolaise n’existe que de nom. Directeur de l’ANAC (Agence Nationale de l’Aviation Civile) depuis des années, il s’est vu confié depuis bientôt un an le poste du Directeur Général de la SALT (Société aéroportuaire de Lomé-Tokoin) après le départ inattendu de MalickNatchaba, le fils de l’autre ; rejoignant ainsi la longue liste des cumulards de la République pendant que les jeunes diplômés cherchent, en vain, un premier emploi.
En 2012, alors ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Gnama Latta a tenté maladroitement de justifier la répression contre les militants du CST (Collectif Sauvons le Togo) en déclarant que c’est le vent qui a orienté les gaz lacrymogènes dans l’enceinte de l’église catholique d’Amoutivé. Ne maitrisant pas les codes et le langage de ce département pour justifier les bavures des soldats, comme d’autres savent bien le faire, il fut débarqué sans explication. Le Colonel Gnama Latta est au petit soin de l’aéroport international de Lomé, justifiant tout et parfois n’importe quoi. Ensuite le fils Mathias Essotina Latta, sulfureux hommes d’affaires qui a réussi à tracer son chemin à l’ombre de son père et avec sa caution.
Entre le père et le fils, c’est un jeu de rôle bien défini. Pendant que le premier déjà admis à la retraite dans l’armée continue de cumuler les postes à l’aéroport et dans les conseils d’administration des sociétés d’Etat, le fils, lui, fait les affaires avec l’armée togolaise, principalement les officiers supérieurs. Directeur Général de plusieurs sociétés les unes aussi scabreuses que les autres, il est passé spécialiste de la sécurité maritime. A son actif, une école de formation dans le domaine maritime (ECOMARITO), mais aussi une société de sécurité maritime. Avec cette dernière, il engrange les contrats pour la sécurité des navires en rade sur les côtes togolaises avec l’appui de l’armée, ou disons ses amis officiers de l’Etat-major.
Le principe est simple, les sociétés privées de sécurité maritime n’étant pas autorisées à disposer des armes, c’est l’Etat-major des FAT qui met à leur disposition des armes et des soldats pour sécuriser les navires qui mouillent les côtes togolaises. Naturellement la hiérarchie militaire et les sociétés privées se partagent les bénéfices de ce juteux business. Les soucis de partage de cette manne avaient poussé la hiérarchie militaire à mettre le grappin sur le fils Latta il y a moins de deux ans. Les interventions de son père auprès de ses frères d’armes n’ont rien changé. Sous la contrainte dans les locaux de la gendarmerie, il a dû sortir le chéquier pour payer une partie et le reste par échelonnement.
Depuis cette mésaventure, le plus congolais des Togolais se faisait discret. Selon plusieurs sources, il continue d’entretenir ses réseaux, surtout dans les milieux des hauts gradés, même s’il n’est plus aussi présent que sur les questions de sécurité maritime.
Depuis quelques jours, une limousine de marque Hummer H2 de 18 places défraie la chronique et suscite des débats sur les réseaux sociaux. C’est la dernière trouvaille du fils de Gnama Latta qui, visiblement, a un faible pour les voitures de luxe, et parfois extravagantes. Jusque-là, rien d’anormal, c’est son droit le plus absolu. Mais c’est lorsque les choses ne se font pas dans les règles de l’art que l’on se pose des questions. En effet, en décryptant le dossier d’immatriculation de cette limousine dont la Rédaction s’est procuré copie, on constate que l’immatriculation est faite au nom d’une dame, ménagère de profession, si on s’en tient aux renseignements sur sa carte d’identité nationale. Dame Datti est-elle vraiment une ménagère ou juste une personne qui permet à certains de dissimuler leurs biens ? Les sources évoquent la seconde hypothèse.
Pourquoi Mathias Essotina Latta a-t-il immatriculé la limousine au nom d’une ménagère habitant le même quartier que lui tout en prenant soin d’être la personne à prévenir, comme l’indique la carte d’identité de la dame Datti ? Que se reproche-t-il et que cache cette opération de dissimulation ? Pourquoi les services des douanes où ceux des transports routiers, de l’immatriculation ou des contrôleurs financiers n’ont pas cherché à comprendre pourquoi l’immatriculation se faisait au nom d’une ménagère ?
En attendant de trouver des réponses à ces préoccupations, Mathias Essotina Latta est déjà en circulation avec sa limousine, disons celle de sa ménagère, avec le numéro spécial d’immatriculation TG-40 40 -AY.
Dissimulation des biens, une pratique généralisée chez les barons d’UNIR
Le cas de Mathias Essotina Latta est loin d’être isolé. On assiste depuis un certain temps à une pratique généralisée du côté des barons du régime. Officiers supérieurs, ministres en fonctions, directeurs de sociétés d’Etat, ils sont nombreux à immatriculer leurs biens (immeubles, voitures de luxe, terrains) au nom d’un tiers, parfois avec des actes notariés sous seing. « Ces derniers temps, nous avons remarqué que plusieurs barons du régime immatriculent leurs voitures de luxe au nom d’un frère, d’un cousin, d’un fils, d’une maitresse ou carrément d’une inconnue », a déclaré sous anonymat un agent des services de transport routier. Une information confirmée par un autre employé des services d’immatriculation.
Au cadastre c’est le même constat inquiétant. Le phénomène prend de l’ampleur ces temps-ci au point qu’on se pose des questions sur ce que les gens redoutent. L’achat des bijoux mis en sécurité dans les coffres-forts en banque aussi a pris de l’ampleur, sans oublier ceux qui se mettent à acquérir des nationalités étrangères, surtout européennes et américaines, par le biais des mariages arrangés. Un compte en banque bien garni peut susciter plus de curiosité que des bijoux dans un coffre-fort dans la même institution. Les assurances qui pullulent aujourd’hui dans la capitale sont aussi sollicitées pour la dissimulation de l’argent voire le blanchiment. Le cas Mathias Essotina Latta n’est que la face visible de l’iceberg.
Au sein du régime RPT où le détournement, le pillage, le vol, la corruption sont des pratiques banales depuis 50 ans sur fond d’impunité, certains sont plus ou moins conscients qu’un jour, ils auront des comptes à rendre. Alors ils se précipitent, surtout en ces temps d’incertitudes politiques, à brouiller les pistes en mettant leurs biens au nom d’autres personnes. Pendant ce temps, que fait la fameuse Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées ? Visiblement rien.
Source : www.icilome.com