La décision de fermeture de la morgue du CHU Sylvanus Olympio à partir du 14juillet passe mal dans l’opinion et suscite beaucoup d’interrogations. « Dans le cadre de la redynamisation du secteur de la santé, une démarche sous la forme d’une balance à deux bras est menée par le gouvernement sous la conduite du chef de l’Etat : l’assainissement de la gestion fondée sur l’approche contractuelle d’une part, et la réhabilitation et l’équipement des structures sanitaires, d’autre part. C’est ainsi qu’au CHU Sylvanus Olympio, où la contractualisation a été lancée le 24 avril 2018 par le chef de l’Etat, des travaux de réhabilitation de la morgue vont démarrer le 16 juillet 2018 pour une durée de trois mois.
Pour la célérité des travaux, la morgue dudit CHU sera fermée à compter du 15 juillet 2018. A cet effet, le ministre de la Santé et de la Protection sociale présente ses condoléances aux familles éplorées dont les corps des parents défunts sont encore conservés à ladite morgue et les invite à procéder à leur retrait au plus tard le samedi 14 juillet 2018. Il convie par ailleurs les populations à se référer aux morgues disponibles, notamment celles du CHR Lomé-Commune, CHR Tsévié, CHR Atakpamé, CHP Aného et autres, pour d’éventuelles demandes de conservation de corps».
C’est par ce communiqué en date du 03 juillet dernier que le ministre de la Santé et de la Protection Sociale, Professeur Mustapha Mijiyawa entend entamer les travaux de réfection du CHU SO à partir de sa morgue. Tout comme beaucoup de Togolais, le Président de la Ligue Togolaise des Consommateurs Emmanuel Sogadji invite le ministre Mijiyawa à rapporter sa décision. « Monsieur le Ministre, la Ligue trouve bonne l’idée d’une réfection de la morgue en vue de la rehausser à la norme standard, sauf que le déplacement des corps vers d’autres centres occasionnera des coûts supplémentaires aux familles.
De plus, les morgues que vous avez indiqué ont visiblement une faible capacité d’accueil, ce qui amène la Ligue à douter de leur capacité à conserver les dépouilles venant de Lomé. En outre, la Ligue se pose la question de savoir ce qui sera fait des dépouilles problématiques, d’autant plus que leur mise en terre manu militari n’est pas possible. Pour éviter tout désagrément sur les populations, la Ligue propose que la procédure en cours soit suspendue le temps de prendre des mesures pour la conservation des corps dans l’enceinte du CHU Sylvanus Olympio ou ailleurs (au frais de l’Etat) avant le démarrage des travaux de réfection. Suspendre le projet de réfection et aménager un autre endroit provisoire pouvant accueillir les corps (cela permettra au CHU SO d’agrandir sa capacité d’accueil si cela était vraiment l’objectif de votre projet de réfection) », a indiqué M. Sogadji.
Méchanceté et paradoxe dans la promotion des morts
Ce n’est plus un secret pour personne. Le gouvernement togolais a cette vilaine habitude de faire les choses à l’envers. Les différentes situations de sinistres que le Togo a connues ont été gérées de manière à laisser croire à une parfaite moquerie à l’endroit des malheureuses victimes. L’on a encore en mémoire les actions de la Ministre de l’Action Sociale Ibrahima Mémounatou il y a quelques années, qui a offert des nattes aux populations inondées dans leurs maisons sous l’eau. On se souvient aussi du drapeau togolais offert à un malade admis au service de la pédiatrie du CHR d’Atakpamé et que ce dernier devrait forcement tenir dans ses mains fébriles parce que Faure Gnassingbé allait passer voir les malades dans cette salle d’hospitalisation. On ne peut non plus passer sous silence le fait que la direction du CHR Lomé Commune fasse d’énormes investissements pour construire une morgue au moment où la pharmacie dudit centre était vide et que les patients étaient dans l’obligation de se ravitailler ailleurs avant de se voir offrir des soins.
Bref, l’expérience a suffisamment prouvé que les autorités togolaises ne savent faire les choses que de façon gauche et inadaptée. La dernière trouvaille, c’est le CHU Sylvanus Olympio. Point n’est besoin de décrire l’état dans lequel se trouve cet établissement de « promotion » de la santé qui en principe devrait être le centre de référence au Togo. Rebaptisé ironiquement « mouroir » par bon nombre de Togolais, le principal centre de santé du Togo est dans un état catastrophique. Aucun service de ce lieu n’est en bon état : tout y est à l’abandon et c’est un secret de polichinelle que de dire que des mouvements d’humeur du personnel s’y déroulent quasi- quotidiennement. En dépit de cette situation qui doit préoccuper plus d’un au sommet de l’Etat, rien ne semble être fait pour inverser la tendance, rien que par pitié pour les populations démunies qui pensent y trouver le salut. En revanche, des actes qui frisent la provocation et le mépris sont plutôt brandis par les autorités du secteur de la santé.
C’est l’exemple de ce communiqué signé du Ministre de la Santé et de la Protection Sociale la semaine dernière et qui annonce la fermeture de la morgue pour une durée de trois mois en raison des travaux de réfection qui vont s’y dérouler. « Au Togo, on ne sait que prendre soin des morts », dira un citoyen qui a pris connaissance du communiqué. N’y a-t-il pas plus urgent à faire au CHU Sylvanus Olympio qu’une réfection de la morgue ?
D’après certaines sources, il s’agira principalement de travaux d’agrandissement du périmètre de conservation des corps de même que le renouvellement de certains matériaux pour en faire une morgue « moderne ». On évoque un budget avoisinant 400 millions FCFA. Que doit-on en dire ? Naturellement, les prévisions de décès doivent être en hausse, raison pour laquelle il urge pour les autorités togolaises de consacrer des ressources financières importantes pour réfectionner la morgue au lieu de s’occuper des services qui in fine devraient contribuer à réduire de façon drastique le taux de mortalité.
Certes, tout cela est fait sous le couvert du projet de contractualisation mais il ne faudrait pas manquer de souligner que la préservation de la vie doit être au cœur de toute politique de santé. Malheureusement, comme l’avait clairement dit l’ancien Premier ministre Arthème Ahoomey-Zunu, aucune autorité togolaise ne se soignant dans ces centres, on peut en faire ce qu’on veut. Un centre hospitalier universitaire sans scanner, et c’est la morgue qu’on réfectionne. La seule question qu’il importe de se poser est la suivante : pourquoi est- il si difficile voire impossible à ceux qui gouvernent le Togo de faire du bien ? Pourquoi ?
Source: Le Correcteur N’ 827 du 09 juillet 2018
Source : www.icilome.com