Lorsque les résultats des émissions de titres sont médiocres, on les passe sous silence. Mais quand c’est l’affluence, on en fait de gros titres. Mais ce que beaucoup semblent ignorer, est que ce sont des sommes à rembourser à court, moyen et long termes. Et justement, la courbe des taux des émetteurs du marché de titres publics place le Trésor du Togo en très mauvaise posture dans deux ans exactement, avec une courbe de taux zéro coupon qui culmine à plus de 11%, un point qu’aucun autre pays n’atteindra même dans les dix prochaines années. Pas de quoi donc se réjouir, surtout que les recettes à fin 2018 n’ont pas été au rendez-vous.
Vendredi dernier, pour une émission d’obligations de 20 milliards FCFA, le Trésor du Togo s’est retrouvé avec des soumissions atteignant 77 milliards FCFA. Il n’a été retenu au final que 22 milliards. Mais le nombre de soumissions est-il synonyme de bonne santé financière du Togo ?
Il existe dans les instruments de jauge de l’Agence Umoatitres une courbe appelée courbe de taux qui indique, à un instant T, les échéances de remboursement des emprunts contractés sur le marché Umoatitres. Et elle est disponible pour chacun des huit Etats de l’espace communautaire.
Ainsi, par définition, la courbe de taux indique « le rendement offert pour les titres de dette d’un émetteur à des échéances différentes ». Cette structure par terme des taux de rendement vise à améliorer la transparence sur le marché des titres publics, contribuer à une meilleure formation des prix lors des adjudications, sensibiliser les investisseurs sur la relation qui existe entre les marchés primaire et secondaire et fournir aux investisseurs locaux et internationaux une référence de prix pour les bons et obligations du Trésor émis par les Etats membres. Et l’intérêt de cette courbe réside en ce que les investisseurs s’en servent comme d’une référence du couple rendement/risque des différentes sortes de dettes par rapport aux taux de rendement sans risque attachés aux emprunts d’Etat. Mais la courbe de taux peut aussi servir d’indicateur pour anticiper l’évolution des taux d’intérêt. Celle la plus fréquemment utilisée est la courbe de taux zéro coupon.
A la date du 29 mars 2019, l’Agence Umoatitres a rendu disponible la courbe de taux zéro coupon des huit pays de l’UEMOA. Et si le Togo semble s’illustrer, ce n’est malheureusement pas dans le bons sens.
Ainsi, pour une maturité de 6 mois de la dette des bons et obligations contractées auprès de l’Agence Umoatitres, le Togo dépasse tous les autres pays et se situe à un taux zéro coupon de 6,8009%. Pour une maturité de 8 ans, il est encore le plus élevé avec 8,5934% pendant que ses deux « concurrents », le Bénin et la Côte d’Ivoire sont respectivement à 6,6862% et 6,3059%. Mais le plus inquiétant se produira dans deux ans. Car, pour une maturité de 2 ans à compter du 29 mars 2019, le taux zéro coupon du Togo sera de 11,2195% pendant que le moins élevé (Sénégal sera de 5,9120% et le plus élevé ailleurs de 8,2259% (Burkina Faso).
Nous avions remarqué que trop souvent, les taux d’intérêt des émissions de titres publics du Togo sont plus élevés, et donc plus attractifs pour les investisseurs. Cette situation est révélatrice et renseigne qu’en réalité, ce n’est pas la qualité de la signature du Togo qui attire les investisseurs, mais plutôt le taux couvrant le risque d’investir dans le pays. Ainsi, dans deux ans, non seulement le pays devra faire face à un remboursement plus élevé pour les titres UMOA, mais également par rapport à d’autres dettes qui arriveront à échéance. Pas de quoi donc se glorifier à chaque sortie sur le marché de titres publics.
Ci-dessous les taux zéro coupon comparatifs des huit pays de l’UEOMA.
Godson K.
source : Liberté No.2897 du 09 avril 2019
27Avril.com