Macron veut rompre avec le passé colonial et reconcilier les mémoires

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Attendue, guettée, scrutée, la parole d’Emmanuel Macron sur le terrain du passé colonial français est en train de produire les effets escomptés. C’est-à-dire qu’elle a produit un halo plutôt positif, si l’on en croit les différentes réactions en provenance du continent africain. Il faut dire que le président français avait déjà annoncé la couleur lors de son élection : il fera tout pour qu’au cours de son quinquennat les Français renouent avec leur histoire. Il semble qu’il souhaite aussi appliquer cette ambition à l’Afrique.

Une rupture affichée pour la restitution des biens culturels mal acquis

Outre le renforcement d’une « Francophonie conquérante » et l’annonce d’une « saison des cultures africaines » en France en 2020, Emmanuel Macron s’est positionné sur le sujet ultra-sensible des biens culturels mal acquis, que « le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées européens ». Chaleureusement applaudi par toute l’enceinte de l’université de Ouaga-I, il a poursuivi : « Je veux que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. » C’est une question qui empoisonne les relations franco-africaines depuis quelques années et plus particulièrement depuis juillet 2016, date à laquelle le Bénin a fait sa demande officielle de restitution d’objets royaux emportés par l’armée française à la fin du XIXe siècle. La France de François Hollande avait catégoriquement refusé, au motif que ces biens sont légalement inaliénables. Même si pour l’instant l’annonce ressemble à un vœu pieux, car il faudrait que la France vote une loi au Parlement pour pouvoir restituer ces objets. L’espoir est de mise, comme le jugent les internautes, dont Marie-Cécile Zinsou, à la tête de la Fondation Zinsou au Bénin et très en pointe sur le sujet.

Emmanuel Macron favorable à une « réconciliation des mémoires »

Vaste chantier. Mais ce n’est pas la seule rupture annoncée par Macron. Jeudi 30 novembre, lors d’un entretien enregistré à Accra au Ghana, sous forme d’échanges avec la jeunesse africaine, et diffusé sur la chaîne internationale Trace TV de l’entrepreneur français Olivier Laouchez, Emmanuel Macron est allé encore plus loin. Il a prôné une « réconciliation des mémoires » tout en rejetant « déni » et « repentance ».

Interrogé à distance par une Française d’origine congolaise sur d’éventuelles mesures de « réparation », le président français, qui vient d’effectuer une tournée en Afrique de l’Ouest et s’apprête à aller en Algérie cette semaine, a estimé que « la réparation est mémorielle ».
« Cette jeune femme n’a pas vécu la colonisation, donc elle ne peut construire sa vie, son projet de vie, la relation avec le pays où elle est, la France, avec ça. Je ne vais pas dire la France doit verser un subside, ou reconnaître ou indemniser, ce serait totalement ridicule. En termes de mentalité, c’est pas une façon de construire son avenir », a lancé Emmanuel Macron sur Trace TV, la chaîne des cultures afro-urbaines très suivie dans le monde avec 200 millions de téléspectateurs dans 160 pays, et par les jeunes, notamment en Afrique, où est installé son PDG.

Le chef de l’État français a surtout vu dans cette entrevue exceptionnelle sur un média jeune l’occasion de se livrer à quelques confidences sur son expérience au Nigeria en tant que stagiaire à l’ENA. L’expérience l’a, dit-il, « profondément changé ». Occasion justement pour lui de s’interroger sur le fait que les jeunes Africains anglophones s’interrogent moins sur leur passé colonial que les jeunes francophones. Comme il le fait observer, « le Nigeria, déjà à l’époque de mon stage (il avait 23 ans, NDLR) ne regarde pas tellement la Grande-Bretagne ».

« Par contre, pour que (cette jeune femme) puisse pleinement se construire, avoir sa place, il faut qu’il y ait une réconciliation des mémoires, c’est ce à quoi je tiens beaucoup. C’est-à-dire que dans la mémoire française, dans l’histoire de la France, comme dans l’histoire de l’Afrique, on doit parler de ces pages noires, comme des pages glorieuses », a ajouté le chef de l’État.

Le président français a cité en exemple le Memorial ACTe, ouvert en 2015 en Guadeloupe (centre de mémoire sur la traite et l’esclavage), qui, selon lui, « a permis de reconnaître la mémoire de l’esclavagisme, la place que cela a eu, en particulier dans les territoires d’outre-mer français, mais aussi sur tout le continent africain ».

« Nos générations n’ont pas vécu cela. Parfois, des générations de dirigeants africains l’ont vécue, ce sont les premières qui sont sorties de la colonisation », a-t-il relevé, considérant que « si nous, nous restons piégés par l’histoire, elle est sans fin ». Surtout lorsqu’on se souvient qu’Emmanuel Macron avait braqué une partie des Français avec ses propos sur la colonisation lors de son déplacement en Algérie pendant la campagne…

Source : www.cameroonweb.com