La « chicha mania « s’est emparée de Lomé. Longtemps apanage des Libanais installés au Togo, la chicha est rentrée progressivement dans les habitudes de beaucoup de compatriotes. Dans les pubs, bars et restaurants de la capitale, le tube fumant aromatisé fait tabac auprès surtout de la jeunesse, indifféremment de sexe et de classes sociales.
L’Esplanade situé à Gbonssimé, Premium à Bè, Akif sur le boulevard du 13 janvier, Mad Complexe à côté du Palais des Congrès…. Qu’ils soient restaurants, pubs ou night-clubs, tous ces endroits ont ce point commun d’attirer beaucoup de jeunes gens au profil divers, venus de tous horizons. Ils fréquentent ces lieux pour se retrouver entre amis, manger un morceau, boire un verre et surtout faire la fête.
Et à Lomé actuellement, il n’y a pas de fête pour ces « branchés » sans la chicha encore appelée narguilé, cette grande pipe à eau d’origine persane utilisée principalement dans le monde arabe pour fumer le tabac avec un mélange de mélasse et d’essences fruits. Proposée en moyenne à 2000 FCFA selon le site et la composition du contenu, elle fait le bonheur de ses consommateurs.
De fait, des soirées à thème « chichas » sont organisées dans certains pubs tandis que des groupes de fumeurs sont créés pour réunir les aficionados à cette « fumette » tendance. La plupart d’entre eux mettent en avant le côté convivial de la chose, soutenant que la chicha procurerait un nouveau plaisir avec sa fumée désodorisante qui n’indispose ni le fumeur, ni l’entourage. Eric, jeune étudiant quant à lui fait valoir que l’usage de la chicha permet d’être en groupe pour la partager contrairement à la cigarette qui est souvent personnelle ; en somme un objet ludique et social.
DANGER:
Contrairement aux idées reçues, fumer la chicha peut s’avérér tout aussi (si ce n’est plus) dangereux que fumer des cigarettes. Une séance de narguilé expose généralement les fumeurs à une quantité de fumée plus grande que pour les fumeurs de cigarette. En effet, un fumeur consomme généralement une cigarette en 5 à 7 minutes, inhalant un volume de fumée compris entre 0,5 et 0,6 litre de fumée. En comparaison, un fumeur de narguilé fume pendant 20 à 70 minutes et inhale entre 50 et 200 bouffées de 0,05 à 0,25 litre chacune. Une séance de narguilé expose donc le fumeur à un volume de fumée correspondant à plus de 100 cigarettes par session.
La concentration plus réduite de nicotine dans la fumée de tabamel peut amener les fumeurs dépendants au tabagisme à inhaler plus de fumée pour soulager leur manque. Ceci les expose à une quantité de produits chimiques cancérogènes et de gaz dangereux (tels le monoxyde de carbone) élevée, d’autant qu’une partie de la nicotine est absorbée par l’eau.
Par ailleurs, une séance de 45 minutes délivre environ 20 fois plus de goudron, 2 fois plus de monoxyde de carbone, et 3 fois plus de nicotine qu’une cigarette. La nature du goudron est toutefois différente en raison d’une température de combustion plus basse. Ainsi, si 30 à 50 bouffées sont prises dans la même soirée par chicha, cela signifie que le consommateur prend autant de fumée qu’avec 40 cigarettes. Des mesures montrent que l’augmentation du monoxyde de carbone expiré à la fin d’une chicha est équivalente à celle observée lors de la consommation de 30 à 40 cigarettes. ».
Afin de limiter les effets néfastes sur la santé, des mélanges de plantes sans tabac sont aussi proposés. Ils restent toutefois nocifs dès lors qu’il y a combustion et donc production de monoxyde de carbone. Une autre solution, les pierres à vapeur, enduites de glycérine aromatisée que l’on peut faire chauffer sans charbon, est apparue depuis peu. Elle est présentée comme moins nocive à la santé des utilisateurs et de leur entourage.
L’usage de narguilé pendant la grossesse conduit par ailleurs à des bébés présentant un poids plus petit à la naissance.
Au cours de la réalisation de notre sujet, nous avons découvert que la chicha est aussi l’occasion pour certains jeunes de découvrir et d’essayer différentes sortes de drogue ; encouragés par le goût et l’odeur des arômes, plus « fun » que ceux d’une cigarette. C’est le cas des fumeurs de cannabis.
Tout aussi dangereux, il y a ce mix spécial que font plusieurs consommateurs avec du sodabi, du « soukoudaye » (liqueur présentée comme de l’apéritif et vendue par des ambulants nigériens à 25 F le verre) , la drogue, le tout assaisonné par un arôme. Le fumeur, appelé « kpoga » fume la « mixture », rejette les fumées aromatisantes, qu’inhalent ses compères.
LE DISPOSITIF
Le narguilé se compose de plusieurs parties : la cheminée, le bol supérieur, le corps (ou réservoir), la pipe immergée et le tuyau. Le narguilé peut également posséder un plateau situé entre la cheminée et le bol supérieur.
Le bol contient le mélange de tabac, de mélasse et d’essences de fruits parfois appelé tabamel ou le charbon, qui est posé pardessus. Certains mélanges ne contiennent pas de tabac et sont uniquement composés de mélasse et de pulpe de fruits. Le bol se pose au sommet de la cheminée. Le corps du narguilé est rempli d’eau à moitié de sa hauteur, et de l’eau de rose ou d’autres additifs destinés à donner du goût peuvent être ajoutés. La pipe immergée est ensuite placée dans le réservoir, et reliée à la cheminée et au tuyau. La fumée du tabamel passe par l’eau et est filtrée dans celle-ci avant d’atteindre la bouche du fumeur, qui aspire dans le tuyau prévu à cet effet. L’eau est changée régulièrement pour en retirer les résidus.
Le tabamel utilisé dans les narguilés est spécialement conçu à cet effet : il a l’apparence d’une pâte humide, composé d’environ 30 % de tabac, qui est fermenté avec environ 70 % de mélasse, de miel et de la pulpe de différents fruits, qui sont destinés à donner à la fumée une saveur et un arôme fruité. On trouve des tabamels à tous les goûts: de la pomme à la cerise, de la menthe aux multifruits, et même le capuccino ou le cola. Le tabamel est chauffé dans le fourneau à la température d’environ 450 °C.
Les réservoirs sont de formes diverses (en forme de noix de coco ou autres) et peuvent être ouvragés en métal, en cristal, en verre, en cuivre ou en poterie. Certains sont rehaussés de dorures ou de parties argentées. Les parties métalliques du narguilé sont le plus souvent finement ciselées. Certains tuyaux sont également décorés. Enfin, le plateau du narguilé est lui aussi richement décoré (avec des perles, comme en Syrie) et ciselé. Les formes des narguilés sont très diverses et les décorations (qui vont de la plus «touristique» à la plus raffinée) reflètent les influences décoratives de la région où ils sont fabriqués. Le mécanisme du narguilé permet d’envisager une utilisation simultanée du même appareil par plusieurs fumeurs, comme cela se voit parfois en dehors des sociétés où son usage est traditionnel et où l’instrument peut être au cœur d’une pratique sociale ancienne.
Le dispositif coûte entre 20 000 et 80 000 FCFA selon sa qualité et se vend dans plusieurs échoppes, notamment à Dékon. Les accessoires comme les arômes sont vendus à 2500 FCFA et les tuyaux à 1500 le mètre.
QUE DIT LA LOI ?
La loi N°2010-017 relative à la production, à la commercialisation, à la consommation des cigarettes et autres produits du tabac et le décret n°2012-046 portant interdiction de fumer dans les lieux publics sont rentrés en vigueur depuis plus de cinq ans. Conformément à ces dispositions, il est formellement interdit de fumer dans tous les lieux publics. Tout contrevenant sera puni, conformément à l’article 865 du nouveau Code Pénal, d’une peine d’emprisonnement de six (06) mois à un (01) an et d’une amende d’un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA ou de l’une de ces deux peines.
La mise en œuvre du décret est satisfaisante au niveau des hôtels et restaurants a constaté l’Alliance Nationale des Consommateurs et de l’Environnement (ANCE) à l’issue d’une enquête menée l’année passée. Au total 398 lieux publics ont été suivis et évalués. 87 sur 117 hôtels, 109 sur 124 restaurants et 38 sur 157 bars respectent l’interdiction de fumer dans les lieux publics.
En revanche, les résultats sont plus mitigés au niveau des bars, parce que la plupart sont des lieux ouverts ou semi-ouverts, ce qui rend difficile le contrôle des clients fumeurs ainsi que l’application de cette mesure.
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