« Soyons réalistes, exigeons l’impossible » – Ernesto « Che » Guevara 1928-1967
« Au commencement était le verbe ». Il est des paroles créatrices, des mots qui guérissent et construisent. Des mots vivants qui apaisent et réconcilient. Il y en a qui ont le tranchant d’une épée et la perfidie de la traîtrise et du meurtre. Les grands hommes d’État s’illustrent souvent par la grandeur de leurs discours. Le verbe est aussi l’étalon le plus sûr des médiocres et des piteux. Incapables de se hisser à la hauteur de leur tâche, ils le font souvent savoir. Faure Gnassingbé est de cette seconde catégorie. Il ne sait pas que : « le malheur bouleverse comme la bile, ça remonte à la bouche et alors les paroles sont amères » (Jacques Roumain, Les gouverneurs de la rosée). Faure Gnassingbé est sorti de son mutisme ce week-end à la faveur du congrès de son parti. Il aurait mieux fait d’y rester. Le cynisme et l’indigente ironie d’un discours partisan ont fini de lui enlever l’honneur de présider aux destinées du Togo.
Le cynisme d’un discours partial et partisan
Après plus de deux mois de crise ouverte au Togo, le chef de l’État, premier magistrat du pays et garant des libertés et du bien-être du peuple semble sortir de sa léthargie et descendre de son piédestal. Il a quitté l’éther empuanti de son palais et a daigné parler. Au peuple togolais tout entier? Pas du tout. Faure Gnassingbé a parlé à « son » peuple, le seul qui a quelque importance à ses yeux, à ses partisans et soutiens du RPT/UNIR en conclave à Tsévié. Autant dire que Faure a parlé de la situation socio-politique du pays à une infime partie du peuple acquise à sa cause. Aucune prise de hauteur, aucune inclusion et pas l’ombre d’une main tendue à l’écrasante majorité du peuple togolais, à ses aspirations profondes de changement et à l’opposition. Faure mobilise juste ses troupes et les galvanise en vue du combat qu’il a choisi de livrer délibérément à la nation togolaise debout pour la reconquête de sa liberté confisquée. Il s’agit rien moins que d’un discours guerrier. Faure fourbit les armes pour rester ad vitam au pouvoir. Ceux qui ont rêvé d’un réalisme politique et d’une intelligence minimale qui lui dicteraient de tirer sa révérence au regard de la déconnexion totale entre le peuple et lui-même sont désormais fixés. Faure reste dans son délire d’une supposée légitimité qu’il n’a jamais acquise auprès du peuple togolais. A force d’être asséné, le mensonge d’État est devenu « sa vérité ». Il y croit réellement. Cela relève de la pathologie psychiatrique.
L’ironie déplacée et blessante d’un irresponsable majeur
Plus grave est sans aucun doute la lamentable ironie que le chef de l’État a cru bon de manier dans une situation aussi grave que la crise qui sévit depuis plus de deux mois au Togo et que sa soldatesque alimente en drames multiples et meurtriers. Le premier responsable a cru bon, en feignant maladroitement une surprise de cimetière, de se découvrir « dictateur sanguinaire ». M. Gnassingbé l’ironie et de la litote sont des figures de rhétorique de maniement difficile. N’est pas de Gaulle qui veut et votre saillie est de très mauvais goût. Macabre et grinçante, cette mauvaise ironie ne fait que rajouter à la douleur d’un peuple martyr qui continue de payer le prix fort sur votre ordre et au service de votre soif inextinguible du pouvoir. C’est de très mauvais goût et cela ne vous honore pas. Votre supposée simplicité et votre abnégation au service du peuple n’ont convaincu que le cercle de l’oligarchie mafieuse de profiteurs et de pilleurs qui vous ont applaudi à tout rompre. Ce ton décalé et indigne par rapport à la souffrance que vous infligez au peuple, cette ironie indigente et dégénérée sont la forme la plus abjecte du mépris que vous avez pour le peuple togolais éclaboussent bien plus leur auteur et la cour d’assassins et de voyous en cols blancs qui le soutiennent.
La réalité d’une dictature dynastique sanglante au Togo
Les dénégations ne peuvent tenir lieu de quitus et de permis de tuer en rond. Une dictature est un régime politique dans lequel le pouvoir est entre les mains d’un seul homme ou d’un groupe restreint qui en use de manière discrétionnaire. M. Gnassingbé vous êtes bien un dictateur, héritier d’un système dictatorial que vous perpétuez avec zèle en le perfectionnant. Car sous l’aspect lisse et civilisé d’une démocratie de façade, vous cachez l’une des pires dictatures que le monde ait connues. L’envers du décor juridique et institutionnel que vous brandissez est fait de meurtres, de libertés assassinées et de voix contestataires brisées ; de populations meurtries, paupérisées et affamées ; d’enfants dénutris et mal scolarisés ; de pauvres scrofuleux et de maladies nosocomiales contractées dans des hôpitaux et centres de santé mouroirs ; de jeunesses sacrifiées, reléguée à la mendicité, aux jobs de hasard et aux trafics de toutes sortes auxquels les expose le chômage endémique que l’échec patent de votre gestion a crée.
Oui, mille fois oui, vous êtes un dictateur sanguinaire c’est-à-dire quelqu’un qui n’hésite pas à répandre le sang. M. Gnassingbé vous êtes un putschiste, jamais réellement élu, arrivé par effraction à la tête de l’État et à la remorque d’un quarteron d’officiers véreux qui vous ont imposé dans une marée de sang de près de mille togolais. Ce sang versé par flots entiers, ces vies fauchées, ces destins brisés, ces exils forcés, ces voix étouffées, ces fosses communes et ces charniers et les cachots et meurtrières depuis plus de 50 ans vous les connaissez, vous les assumez et vous les poursuivez en les accentuant depuis le 19 août 2017. Votre fausse virginité outragée et l’indécence de votre surprise feinte n’y changeront rien. Vous êtes un criminel et un sanguinaire. Sans doute découvrirez-vous avec surprise, certainement par voie de presse intoxicante, les meurtres et les exactions que provoque la horde de chiens affamés, l’armée tribale et l’ignominie des milices qui ont déferlé sur les populations togolaises aux mains nues sous le regard goguenard des forces de sécurité et leur sourcilleux encadrement. Vous serez certainement très surpris M. le président, quand vous apprendrez que depuis 2 mois on tue, on bastonne, on juge sommairement, on casse, on brûle, on fait disparaître des citoyens, on embastille sans raison et sans requête judiciaire, on confisque à tour de bras, on terrorise, on met à sac, on tire à balles réelles parfois sur les populations, on lacère les corps et les vies avec des câbles en fer, on terrorise femmes, enfants et vieillards, on rend fantomatique par une féroce chasse à l’homme les villes de Sokodé, Mango, Bafilo et les villages environnants. Votre surprise sera grande de savoir que Kara est une ville en état de siège sans justification et que les autorités de l’opposition sont entravées dans leur mouvement, humiliées et empêchées de rentrer dans la ville de Kara notamment et que Lomé n’est plus que l’ombre d’elle-même ? C’est criminel.
Somme toute, qu’un chef de l’État tombe à ce niveau de cécité volontaire, de bassesse incommensurable et de déni de la réalité indique juste son incompétence et son manque de stature. Le peuple ne peut que lui opposer le sourire philosophique du mépris et poursuivre sa marche héroïque vers sa libération totale des rets d’un si médiocre usurpateur. M. Faure Gnassingbé a décidément administré la preuve qu’il ne mérite pas le peuple togolais qu’il prétend diriger et envers qui il n’a aucun égard. Même pas la politesse du ventre.
Monsieur le président, vous auriez mieux fait de demeurer dans votre mutisme. L’ironie dédaigneuse de votre parole ne sied guère à la gravité du moment. Vous n’avez assurément pas le sens de l’histoire. Peut-être auriez-vous celui de la formule : « Si la parole que tu vas dire n’est pas plus belle que le silence, alors tais-toi »(proverbe arabe).
Jean-Baptiste K.
27Avril.com