Libre Opinion : Togo, la lutte des castes 2 juin 2019

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Libre Opinion : Togo, la lutte des castes                                                                            2 juin 2019

Comment comprendre la sempiternelle crise au Togo si l’on ne pose pas les vraies questions sur notre société, nos sociétés et notre destin commun. Oui on peut évoquer les faits historiques affublant notre pays d’attribut péjoratif de terre des fuyards, résidus des anciens empires ayant trouvé refuge sur l’aire de repos, se peuplant année après année, des sans-gêne de même pedigree, des fuyards qui ne veulent rien et n’en veulent à personne. Fausse interprétation car l’antithèse nous est offerte par une classe d’hommes braves et nobles ; qui ont su comprendre le retournement géopolitique qui survint après la seconde guerre mondiale pour réclamer l’indépendance du Togo. Deux décennies de lutte contre le colon avec pour arme singulière, le courage et la force de conviction. L’on a beau, tantôt forcer le cours de l’histoire par la propagande via les hygiaphones du colon, tantôt par des circonlocutions béates pour faire accroire au peuple que la première République togolaise s’est fondée sur la ségrégation et les brimades et qu’alors faire un bémol sur le vil assassinat du premier président SYLVANUS E.K. OLYMPIO allait de bon aloi. Ayons ainsi le courage de nos convictions pour établir en comparaison la vision, rien que la vision de ce premier président qui gouverna le pays pendant deux ans et celle de son successeur qui dirigea le pays pendant trente- huit ans avec la manière que ma génération vécut. Autant dire de go que c’est le jour et la nuit. L’éclipse totale ! Eclipse des valeurs, éclipse de la noblesse, éclipse de l’intelligence, pensée unique en florès en sus. Tous ces errements de vision, omettons pour la compréhension du sujet à dessein, le florilège macabre des assassinats et crimes économiques indicibles dont le peuple souverain n’a jamais fait le bilan que dis-je le deuil. Mais ceci va laisser place à une nouvelle société depuis 2005 au décès du Timonier.

Un brillant journaliste et homme politique contemporain fit un diagnostic qui prend en compte le continuum de la guéguerre entre CUTistes et PROGRESsites pour expliquer le statu quo qui fait du TOGO le seul pays à n’avoir pas connu d’alternance politique depuis les années 90. Il a raison en partie. Factuellement le problème du TOGO trouve sa source dans la gentrification de notre société. La classification de notre société est du seul ressort des « lettrés » qui constituent bien une caste qui ne peut s’exprimer et exister que dans ce statu quo. Ainsi se sont constitués à bas bruit durant le règne du père des réseaux, qui, habités par les réminiscences de noblesse de leur patronyme ou de leur rang social ou politique procédaient par trahisons et traitrises contre rétributions diverses. Jadis l’agneau se voulant agneau, les secrets d’alcôve des sociétés ésotériques étaient tenus pour sauver le système et la caste en constitution.

L’année 2005 va marquer un tournant dans la gentrification. Les réseaux jubilant jadis sous des sérénades dans la cour royale, bien aidés par une certaine communauté internationale, seront les premiers à vendre à l’opinion le caractère métissé du fils-successeur- du père pour l’absoudre de la tache indélébile qu’il portera jusqu’à la fin de ces jours : le massacre d’un millier de nos concitoyens. Une fois ce coup réussi, les réseaux ne s’achalanderont plus d’aucune considération vertueuse.

Parjurer, mentir, imposer, s’imposer, avoir et toujours avoir deviennent leur devise. Qu’importe si les naïfs embringués relèvent des maisons d’asile si ce ne sont de véritables escrocs. Que donc on laisse coasser certains membres du réseau pour faire figure d’opposants ne laisse incrédule le bas peuple. Que donc on agite à la jeunesse meurtrie la scientologie tropicale via les sociétés ésotériques qui font florès pour leur bonheur, que les Eglises du Renouveau, les Salafistes parrainant des ONG islamiques sont appelés à la rescousse pour attraper les manants, il y a dans ce pays, sur cette terre de nos vaillants aïeux, des gens valeureux, heureux de leur conviction et de leur espérance en une autre gouvernance. La communication est bien au point pour ne donner à apercevoir par l’opinion une division factice purement politique entre deux groupes -majorité gouvernante et opposition- omettant de relever la stratification à grande vitesse de la société.

On oubliera que ce pays regorge d’universitaires, d’intellectuels, des sociétés savantes, des corps de métier et dont le silence doit interroger. Comment saisir ce manque de prise de position contre le mal Togolais si ce n’est par les alchimies des compromissions, des corporatismes malsains nourris par l’école ésotérique qui promeut l’individualisme à contre-courant des valeurs africaines. De quoi peut avoir peur un universitaire, un corps de métier ? Diantre, ce régime a tout chamboulé dans notre cher Togo.

Oui le problème ethnique existe dans notre pays. Mais pas dans le sens que la classe d’en haut sus décrite veut bien nous faire accroire. Le problème ethnique existe et est culturel. Si demain la Nation Togolaise nait, les différences culturelles vont se tasser d’elles-mêmes, les déficits et les bienfaits de chaque peuple du Togo seront sublimés par la quintessence institutionnelle et la bonne gouvernance. C’est à ce dessein que croit le peuple d’en bas.

L’avènement du 19 Août 2017 doit être compris comme une lame de fond, le pont de bascule d’une société qui a saisi et compris enfin le substratum du statu quo. Y répondre par la répression aveugle, agiter les menaces ethnico-religieuses, procéder à la fabrique d’acrimonies contre le PNP et son leader ne feront fondre la lame de fond tant les écumes ont inondé les esprits pour en faire une idéologie populaire. Le bas peuple a compris le jeu des tenants du statu quo. Cette caste n’a aucune considération ethnique. Y adhèrent ceux qui veulent par effraction des lois naturelles enjoliver leur pedigree, ceux qui veulent posséder pour posséder, ceux qui veulent paraître pour être fut-il au prix d’une déshumanisation.

La guerre est bien finie entre CUTistes et PROGRESsites et ce depuis le lendemain de l’assassinat du premier Président élu jusqu’à l’accord entre L’UFC et UNIR. Ce qui oppose les togolais de nos jours est une lutte de classe entre les possédants- tous voleurs et vivant de la République- et les dépossédés de tout, le bas peuple.

Les postures christiques gênantes d’une certaine opposition et les spasmes d’une société civile servile blindée d’alchimistes protéiformes de nos jours, traduisent à souhait la stratification de notre société. Oui tout parti politique a pour principal objectif de conquérir le pouvoir et l’exercer. Mais à quel prix ? A combien se monnaient les renoncements itératifs et les parjures ? L’on voit donc la conviction carriériste des opposants qui veulent conquérir les municipalités rurales et urbaines pour exister et survivre. C’en serait de bonne guerre dans un pays normal. Le monstre se taille un eugénisme constitutionnel, un pouvoir du crime sous une faitière légaliste et vous accourrez pour le soutenir. Si vous n’êtes pas de la classe des possédants, prouvez au peuple que votre conviction est celle du peuple qui ne souhaite qu’une chose, l’alternance et une autre gouvernance. Le parjure continue sous les fourches caudines des chancelleries occidentales dont vous avalez les conseils et les mises en garde comme des bleuets. Quelque Africain de nos jours, qui continue de croire aux schémas de l’occident est un traitre pour son peuple. Le faisant vous êtes les hégémons du néocolonialisme sauvage sur la terre d’Afrique.

Un bilan hâtif a été fait par la C14 sur la lutte menée. Il est dit et réitéré partout que ce fut un échec. Il en fut une catégorie de politiciens qui pleurèrent de n’avoir pas pu aller aux élections législatives de décembre 2018. Les regrets furent a l’acmé au point que d’autres, en génuflexions allèrent quémander des places à la CENI. Rien de ces bassesses n’émeut plus le bas peuple accoutumé à la légèreté des politiciens professionnels.

Personne n’a relevé pour le ventiler l’analyse de Mr Edem Edouard KODJO à la fin de la médiation de la CEDEAO. Au contraire, par les mêmes réseaux on distille des épiphanies de leur accommodation du régime à ceux qui n’ont encore rien compris de leur subterfuge.

Oh que de choses positives à tirer de cet assemblage de mercantilistes politiques et d’une frange forgée à l’espérance vertueuse : la minorité pilleuse dont parlait le chef de l’Etat est dévoilée à la face du monde, elle comprend les oligarques du régime et les faux opposants. Les masques sont tombés sans coup férir et sans gloire. Le peuple d’en bas y a vu l’homothétie des commerçants de la C14 avec le régime cinquantenaire. C’est le résultat positif à en tirer. Les coalisés rendront la lutte longue et ardue mais la croyance en l’alternance par des moyens pacifiques est consistante et inébranlable.

C’est bien connu les alpinistes sont solidaires car en cordées. Itou de la classe des possédants de la Terre de nos Aïeux.

ASMAH Dévia

Le Rendez-Vous N°339 du 31 Mai 2019

Togo-Online.net