Les recettes publiques en Afrique en hausse, mais « encore insuffisante pour financer le développement »

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À l’occasion de la publication de l’édition 2017 des « Statistiques des recettes publiques en Afrique », co-rédigé par l’OCDE, Federico Bonaglia, Directeur adjoint du Centre de développement de l’OCDE revient pour Jeune Afrique sur les évolutions fiscales sur le continent.

Le rapport Statistiques des recettes publiques en Afrique 2017 fournit des données internationalement comparables sur les recettes fiscales et non fiscales de 16 pays africains : Afrique du Sud, Cabo Verde, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana, Kenya, Maroc, Maurice, Niger, Ouganda, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Swaziland, Togo et Tunisie.

Jeune Afrique : Quels sont les points saillants de ce rapport?

Federico Bonaglia : On note dans les seize pays étudiés une augmentation importante du ratio impôt/PIB. Ce ratio a augmenté depuis 2000 dans tous ces pays. Cette croissance a été majoritairement tirée par l’augmentation des impôts sur les biens et services, et notamment de la TVA.

Ceci étant, la moyenne non pondérée du ratio impôt/PIB des pays étudiés, égale à 19% en 2015, reste faible. Elle est inférieure à la moyenne en Amérique Latine (23%) et à celle des pays de l’OCDE (34%).

De plus, cette augmentation de la mobilisation des recettes domestiques est encore insuffisante pour financer le développement de ces pays. Sans compter que l’aide au développement vers l’Afrique a diminué en 2015 et en 2016 à 50 milliards de dollar (contre 54 en 2014)La question est de savoir comment les pays africains peuvent opérer une transition en remplaçant l’aide par des ressources domestiques, ce qui n’est pas encore le cas.

En attendant, ils doivent se tourner vers les marchés internationaux pour se financer via l’emprunt, avec toutes les problématiques que l’on connait liées à la possible augmentation des taux d’intérêt et au fait que certaines devises africaines ont été dépréciées significativement vis-à-vis du dollar américain.

À quoi est due cette augmentation générale des recettes fiscales en pourcentage du PIB ?

Elle est due à deux facteurs. D’abord, la bonne performance des économies africaines, et notamment leur forte croissance, ensuite l’augmentation des capacités à taxer, notamment de la TVA, des administrations fiscales.

 

 

La fiscalité des pays étudiés est-elle plutôt régressive ou progressive ?

Notre étude ne rentre pas dans ce détail. Mais on peut faire des conjectures et conclure que dans la majorité des pays étudiés, la fiscalité est plutôt régressive : les recettes provenant des taxes de biens et de services (comme la TVA) – qui touchent tous les contribuables de la même façon, quel que soit leur niveau de revenu –  représentent en moyenne 57% des recettes fiscales de ces pays, contre une moyenne de 33% dans les pays de l’OCDE. Au Togo, par exemple, ces recettes atteignent même 78% des recettes fiscales, alors que l’impôt sur le revenu génère moins de 20% des recettes fiscales.

La part des impôts sur le revenu et les bénéfices représente, elle, seulement 32,4 % des recettes fiscales totales. Les problèmes d’évasion fiscale, fraude et optimisation sont loin d’être résolus.

Quels sont les axes d’amélioration de la fiscalité des pays étudiés ?

Il faudrait faire émerger les entreprises du secteur informel, qui échappent à l’impôt et qui génèrent une part très importante du PIB des pays de la zone.

Il faudrait aussi mieux lutter contre l’évasion fiscale des grands groupes et des grandes fortunes, via l’échange d’informations  bancaires et le renforcement des capacités des administrations africaines. L’OCDE et le PNUD travaillent déjà sur cette problématique, par exemple au travers de la mobilisation des « inspecteurs fiscaux sans frontières », mis à disposition par des administrations des pays de l’OCDE.

Un autre point important est le renforcement de la capacité des pays au sous-sol riche à élaborer des contrats avec les compagnies minières. Certains gouvernements ont signés des contrats miniers pas toujours très équitables. Nous travaillons avec ces pays pour qu’ils négocient mieux ces contrats dans le cadres de l’initiative CONNEX du G7.

La question des niches fiscales doit aussi être abordée. Les incitations fiscales pour attirer les investissement des entreprises ont de très faible retombées économiques. Ces incitations sont créées par les agences de promotion de l’investissement, souvent sans dialogue avec les administration fiscales. Ces incitations peuvent entraîner les pays dans une compétition fiscale négative.

Jeune Afrique