L’inondation que connaissent plusieurs quartiers de Lomé depuis plusieurs jours, ne serait peut-être une surprise pour personne si les gouvernants, au nom d’une certaine politique des grands travaux lancée depuis des années, ne chantent pas à qui veut les entendre que le problème est résolu. Ils vont plus loin, comme Faure Gnassingbé, en déclarant que la capitale est désormais à l’abri de ce phénomène d’inondation. Il a fallu que cette saison pluvieuse pointe son nez pour convaincre l’opinion des contrevérités servies aux Togolais, surtout aux partenaires en développement dont ils visent les poches. Puisque ce sont ces derniers qui financent la construction de ces nouvelles routes qui, à chaque gouttelette de pluie, se retrouvent sous l’eau.
Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement ces quartiers, parents pauvres de la fameuse politique des grands travaux, qui vivent la misère des pluies, les transformant en de véritables îles. Même dans les quartiers où sont passés les bulldozers de Ceco-BTP, les grues de GER, les ponts roulants de CENTRO et autres, les populations n’ont pas eu le répit qu’elles espéraient. Elles continuent de lutter avec les eaux jusque dans leur chambre à coucher. Ce qui amène à s’interroger sur les infrastructures qu’ont laissées ces entreprises BTP détenues par des barons du régime en place et qui acquièrent ces marchés grâce à des relations de copinage. Passons !
Une descente dans certains quartiers de la capitale, mardi et mercredi derniers où la pluie est encore tombée, fait voir le quotidien des compatriotes qui ont eu le malheur de se retrouver dans ces endroits. La zone Sud de la capitale semble ne pas être la préoccupation, même si les travaux du quatrième lac sont en cours. Rares sont les habitants d’Akodessewa, Kagnikopé, Adamavo, Zorro bar, Adakpamé qui n’ont pas leurs pieds dans l’eau dans leurs maisons. Il en est de même à Dabadakondji, Attiégou, Avepozo où des témoignages sur les eaux infestées de reptiles, menacent les populations. « Mon cousin qui habite Dabadakondji a dû quitter le quartier, puisque sa maison est toute inondée. Quelques jours avant leur départ, ils dormaient sur des tables et sa femme préparait chez les voisins avant de ramener la nourriture à la maison, puisqu’il n’y a plus de place dans leur cour. Tout est occupé par l’eau », confie un riverain rencontré à Kagnikopé, qui lui-même a les pieds dans l’eau. Pour circuler dans ces quartiers, il faut se préparer à traverser les eaux, à se salir parfois avec la boue que forment ces petits lacs avec des ordures déposées par ces populations elles-mêmes. Parfois, l’on peut avoir un petit répit avec les ponts de fortunes installés par les riverains. Il faut néanmoins emprunter ces ponts avec toute la prudence requise pour ne pas se retrouver dans une situation dans laquelle nous avons surpris une femme qui vaquait à ses occupations mardi, mais n’a pu aller loin avec ses marchandises.
« Aidez-moi à me relever, mes enfants », nous a lancé cette dame dont le sort a eu tous les témoins de la scène. Ses sandalettes s’étaient en fait coincées entre les bambous qui ont servi à fabriquer ce pont de fortune. A force de se débattre en voulant se libérer, elle s’est retrouvée dans l’eau avec ses marchandises (produits de beauté) avant de se rendre compte de ce qui lui arrivait. « Ces genres de spectacles sont presque quotidiens, surtout pendant la saison de pluie où nous avons érigeons ces ponts de fortune. L’année dernière, un enfant de 3 ans, porté au dos par sa maman, a failli se noyer. La femme a glissé du pont. N’eût été la vigilance et la spontanéité des jeunes du quartier, le pire serait arrivé », confie un riverain. Il ajoute : « Comment peut-on vivre dans cette situation pendant des années ? Nous avons appelé à l’aide, en vain. Si vous continuez en allant à Adamavo, Mayakopé et autres, vous allez voir les mêmes dispositifs mis en place par les habitants de ces quartiers qui se débrouillent comme ils peuvent en ces temps de pluie ».
A certains endroits dans ces quartiers, il faut prévoir un sac de voyage pour ceux qui doivent se rendre au service ou au marché. Puisqu’il faut traverser les eaux avec des habits sales, avant de mettre ceux prévus pour aller au travail. Là aussi, ces riverains infortunés doivent pouvoir identifier un voisin qui a sa maison un peu sèche pour s’y préparer. Un peu plus vers l’Ouest de la capitale, c’est la même désolation.
Bè, un quartier des « sauve-qui-peut » pendant la saison pluvieuse
« Vous nous voyez, allez leur dire que c’est ce que nous subissons ici chaque année », nous lance une dame de la quarantaine, occupée à évacuer l’eau de sa chambre à l’aide d’une bassine. C’était à Bè-Kpéhénou, plus précisément à Afagnankomé. Presque toutes les maisons sont inondées dans ce quartier. Par endroits, on découvre de vieux puisards qui se déversent dans l’eau de pluie, un mélange qui s’avère dangereux pour les riverains. Sur le pavé (boulevard Félix Hounphouët Boigny), l’eau forme un lac qui s’étend à perte de vue. Impossible pour les usagers de prendre cette voie, puisqu’il y a des trous dont les gens ne connaissent pas exactement la position. « En temps de pluie, c’est le calvaire que nous vivons ici. il va falloir attendre quelques jours pour que l’eau se retire pour continuer nos activités », déplore un détenteur de boutique (remplie d’eau) au bord du pavé. Dans le quartier Bè-Kondjindji, près du terrain Agbo, impossible de sortir de la maison sans mettre pieds dans l’eau. Les eaux qui stagnent là-bas depuis plusieurs jours prennent une couleur verdâtre avec des algues et dégagent souvent des odeurs nauséabondes. Derrière le marché de Bè, à Pa de Souza, les maisons ne sont pas inondées, mais les riverains éprouvent d’énormes difficultés à sortir de chez eux. Parce qu’il y a d’eau presque partout dans le quartier. « Nous, nous avons la chance d’avoir nos maisons sèches. Nous ne vivons pas le calvaire des gens d’Adakpamé, Kangnikopé et autres. Seulement, quand nous sortons de chez nous, nous ne savons pas où mettre les pieds », nous dit Victor.
Les mêmes préoccupations se posent à Bè-Ahligo, Gbényédzi, Amoutivé et autres quartiers dans le canton de Bè, où les populations crient leur désarroi depuis quelques jours.
Une saison particulière pour les riverains du boulevard Jean-Paul II
Ils ont déjà organisé une manifestation pour attirer l’attention de l’autorité sur le calvaire que constitue cette route pour eux. Pendant la saison sèche, les riverains sont obligés de livrer une lutte âpre contre la poussière qui les envahit chez eux, les exposant à diverses sortes de maladies. Point n’est besoin de revenir sur l’histoire de cette route abandonnée par CECO BTP, après les retro-commissions perçues sur ce marché par des ministres -suivez les regards-. Mais toujours est-il qu’en cette saison de pluie, la vie n’est pas rose pour les riverains de Nukafu, Saint-Jo, Novissi et autres. Si dans certains quartiers comme Bè, Adakpamé, Kangnikopé, Ahligo, les gens peuvent espérer sortir d’affaire une fois au bord des goudrons, ce n’est pas le cas chez les riverains du boulevard Jean-Paul II. Après avoir franchi les obstacles dressés par les pluies chez eux, ils doivent encore faire face à cette énigmatique voie que jonchent des nids-de-poule qui sont cachés sous l’étendue d’eau. Il faut être un habitué de cette route pour savoir où passer. Les accidents sont fréquents sur la voie ces derniers jours à cause de cet état de chose.
Parfois, ce sont les riverains qui mettent des branches d’arbre à certains endroits, indiquant que le passage est dangereux. Un véritable repère pour les usagers qui arrivent à éviter des accidents gratuits et sauver ainsi leur vie. « On fait beaucoup attention, en rentrant chez nous, pour ne pas tomber dans ces trous laissés par cette entreprise BTP qui a abandonné le chantier. Nous vivons un véritable calvaire dans ce quartier à cause de cette route. Nous ne sommes pas à l’abri, que ce soit en temps de pluie ou pendant la saison sèche. Souvent, nous nous portons volontaires, après la pluie, pour nous mettre sur la voie et indiquer les passages les moins dangereux aux usagers. Sinon, les gens mourront chaque jour sur cette route », indique Claude rencontré dans les encablures de Shell Nukafu. Pendant ce temps, ceux qui, par leurs intérêts inassouvis, ont laissé cette voie dans cet état, prennent d’autres routes moins dangereuses pour sortir et rentrer chez eux.
Agoè, la surprise
D’aucuns diront peut-être que ce quartier est loin d’être une surprise, eu égard à l’amateurisme avec lequel ces entreprises de construction de routes ont fait preuve dans les travaux. Mais ce sont ces travaux dont se vantent les gouvernants quand ils parlent pompeusement de politique des «grands travaux» aux partenaires du Togo. Cette année encore, la saison des pluies les contredit. A chaque goutte de pluie, ces nouvelles routes deviennent impraticables. Les goudrons font place à des lagunes qui s’étendent à perte de vue, ne laissant aucune chance aux usagers qui persistent à les traverser. Du carrefour Bodjona en passant par la devanture de l’entreprise CECO-BTP jusqu’au CEG d’Agoè et environs, chacun reste ahuri devant le spectacle digne de l’apocalypse.
En dehors même des voies goudronnées, les habitants du quartier vivent dans l’eau. Il n’y a pratiquement pas de dispositif pour canaliser et drainer les eaux vers les exutoires ou les bassins de retenue d’eau qui, pendant ces temps, sont aussi inondés et délogent les riverains de chez eux. A plusieurs reprises, ces bassins ont causé de nombreux dégâts dans ce quartier d’Agoè. Certains habitants sont obligés d’abandonner pour le moment leurs habitations pour éviter de cohabiter avec les reptiles et autres animaux que déversent ces retenues d’eau dans les maisons. « Nous avons tenté d’alerter les autorités, mais personne ne semble nous prêter oreille attentive. Nous nous débrouillons, mais nos moyens sont limités. Ce n’est pas à nous, par exemple, de creuser d’autres retenues d’eau ou d’améliorer celles qui ont déjà été faites. Nous sommes conscients de ce que vivent nos frères et sœurs dans ce quartier. Il faut que quelqu’un décide de faire quelque chose pour nous aider », regrette un responsable du CDQ d’Agoè-Minamadou qui a requis l’anonymat. A certains endroits, ceux qui ont des engins n’osent plus les faire sortir. Ils préfèrent prendre des taxis ou des taxis-motos pour vaquer à leurs occupations quotidiennes. « Ceux qui pensent qu’Agoè est mieux que les autres quartiers de Lomé doivent se détromper. Les travaux qui sont faits dans le quartier n’ont pas arrêté le calvaire que nous avons toujours vécu ici. Pire, ils ont fait des routes sans canalisations ni caniveaux pour drainer les eaux. Et quand il pleut, ces eaux descendent depuis les goudrons pour rentrer dans nos maisons. C’est triste ! », renchérit un jeune cadre à Agoè-Limousine.
Ces quartiers que nous avons pu sillonner, ne sont que l’échantillon dans la situation que connaît la ville de Lomé, malgré les discours démagogique des gouvernants, en tête Faure Gnassingbé. Les populations sont véritablement aux abois et attendent du secours qui ne viendra peut-être jamais. Puisque ces mêmes dirigeants, lorsqu’il s’agit pour les partenaires de financer un projet, cherchent d’abord leurs propres intérêts en détournant la plus grande partie de l’enveloppe allouée. Ceci, sans se soucier des préjudices que cela peut causer à la population qui tire le diable par la queue tous les jours que Dieu fait.
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