Les Forces Vives disent ‘non’ au recensement électoral de la CENI controversée

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2003


Le Mouvement des Forces Vives « Espérance pour le Togo » désapprouve complètement l’opération de recensement électoral démarrée hier lundi par la CENI controversée du Prof. Kodjona Kadanga. Dans un message adressé à tous les citoyens togolais et aux différents acteurs impliqués dans la crise politique togolaise, le Mouvement estime que « le lancement du processus de recensement décidé unilatéralement par la CENI non consensuelle participe à l’aggravation de la crise et non à sa résolution pacifique ». « Nous ne voulons plus des élections sans les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales. Nous n’admettons pas un processus de recensement unilatéral et précipité. Car il porte déjà les germes réels d’une nouvelle crise », lit-on dans le document. Le Mouvement des Forces Vives « Espérance pour le Togo » demande à la communauté internationale « d’aider véritablement notre pays dans une diplomatie humaniste et vraie qui se met du côté des plus faibles et du peuple ». Lire le message dans son intégralité.

MESSAGE DES FORCES VIVES « ESPERANCE POUR LE TOGO » A TOUS LES CITOTYENS TOGOLAIS AUX AUTORITES DE LA REPUBLIQUE DU TOGO A LA CEDEAO, AUX PAYS AMIS ET A TOUTE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE AUX LEADERS RELIGIEUX (CATHOLIQUES, PROTESTANTS ET EVANGELIQUES, MUSULMANS ET DE DES RELIGIONS TRADITIONNELLES) ET AUX CHEFS TRADITIONNELS

Le Togo notre pays traverse une profonde crise à la fois politique et sociale. Elle est politique car les institutions devant réguler un vivre ensemble de qualité ne fonctionnent pas selon les

normes d’une véritable démocratie. Elle est aussi sociale car le bien-être des citoyens togolais est mis à rude épreuve par la permanence de la misère et la paupérisation galopante des familles et des populations. En effet, la bonne gouvernance et la juste répartition des richesses du pays ne sont pas encore réelles.

C’est face à la crise qui perdure, que la Conférence des Chefs d’Etat de la CEDEAO a donné des recommandations à travers un document officiel appelé « la feuille de route ». Pour veiller à son application et l’enrichir, il a été mis en place une organisation citoyenne regroupant des associations de la société civile, des leaders religieux, des chefs traditionnels, des citoyens de bonne volonté sans aucune distinction de sexes, de religions, d’ethnies, de classes sociales… Ce mouvement dénommé Forces Vives « Espérance pour le Togo » affirme d’une part que nous ne pouvons plus laisser la résolution des problèmes du pays entre les mains exclusives des hommes et des femmes politiques et d’autre part que la crise actuelle ne doit pas s’analyser comme un duel entre le pouvoir et l’opposition mais comme le combat de tout un peuple togolais qui lutte pour sa dignité, sa liberté et son développement durable.

C’est donc au nom de ce peuple, auquel nous appartenons tous, que nous, Forces Vives « Espérance pour le Togo », prenons la parole pour dire avec conviction et détermination les messages suivants car notre Nation togolaise est à une étape décisive et phase critique de son histoire. Car pour la première fois, la Conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO nous indique unanimement une voie de sortie pacifique de la crise togolaise.

1- Aux concitoyens togolais

Chers concitoyens, le 4 septembre 2018, jour de notre sortie publique, les Forces Vives « Espérance pour le Togo » ont dit dans leur Manifeste qu’elles veulent contribuer à la sortie de crise de façon pacifique en tenant compte des différents rapports de l’Union Européenne concernant :
➢ Les élections législatives du 14 Octobre 2007 au Togo,

➢ L’élection présidentielle du 4 mars 2010 au Togo,

➢ Les élections législatives du 25 Juillet 2013 au Togo,

➢ L’élection présidentielle du 25 avril 2015 au Togo.

Notre mouvement en harmonie avec le peuple togolais, les leaders religieux, la CEDEAO et les experts nationaux et internationaux est parvenu au constat qui fait l’unanimité aujourd’hui : Aucune élection ne peut plus se faire dans notre pays sans les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales. Car les différentes recommandations issues des élections n’ayant pas été prises en compte, le cycle élections, contestations, répressions (avec des morts, des blessés graves, des emprisonnements injustes, le blocage de l’économie du pays, la perturbation de la vie sociale et de la paix…) et nouvelle crise se prolonge sur la terre de nos aïeux avec de graves violations de la sacralité de la vie humaine bien que consacrée par l’article 21 de notre Constitution.

Pour nous et notre peuple, l’être humain n’est pas un moyen mais toujours une fin car il est un être sacré. L’ensemble des valeurs éthiques dans nos diverses culturelles le confirme et l’exige : « Tu ne tueras pas ».

Pas d’élection sans les réformes est le cri profond de vous et de nous tous. Et c’est dans cette optique que nous avons dit solennellement et dans notre Manifeste ainsi que dans le document remis au comité du suivi de la CEDEAO que dans le contexte actuel, la CENI non consensuelle ne peut pas conduire un processus électoral crédible et fiable. Car elle porte en elle-même déjà les germes d’une nouvelle crise sociopolitique.

L’une des conclusions de la deuxième réunion du Comité de suivi de la feuille de route de la CEDEAO est la recomposition de la CENI. Cette décision a permis à la Coalition des 14 partis de l’opposition d’y envoyer ses représentants. Le délai du 30 Septembre 2018 est accordé aux représentants de la C14 pour l’envoi des représentants.

Nonobstant cette recommandation, la CENI actuelle a continué ses travaux par la formation des membres des CELI et des Comités des Listes et Cartes sur le recensement électoral. Le calendrier du recensement a été arrêté, fixant à partir du 1er Octobre les opérations de recensement de la population en vue de l’établissement du fichier électoral dans deux zones (Du 1er au 08 Octobre pour la Zone 1 et du 17 au 24 Octobre pour la zone 2). Suite à cet appel de la CENI, la C14 a lancé un appel au boycott de ses opérations décidées unilatéralement par la CENI actuellement controversée.

La poursuite unilatérale des opérations relatives au processus électoral n’est pas conforme à l’esprit de l’accord intervenu entre les parties le 23 Septembre 2018 quant à la recomposition de la CENI.

Le lancement du processus de recensement décidé unilatéralement par la CENI non consensuelle participe à l’aggravation de la crise et non à sa résolution pacifique et consensuelle.

Concitoyens togolais, si nous voulons un processus crédible et fiable pourquoi nous lancer encore ainsi sur un chemin qui risque de conduire, de nouveau, aux déchirures du lien social déjà mis à mal par la misère et la paupérisation, fruits d’un mode de gouvernement qui n’assume pas le bien commun et l’intérêt général ?

N’est-il pas temps de dire non à un processus de manipulation et de manque de respect aux citoyens que nous sommes ? Pourquoi les autorités agissent comme si nous ne sommes pas des citoyens à part entière ayant en commun avec elles la patrie, la terre de nos aïeux? Comment une minorité d’hommes et de femme politiques peuvent décider sans arrêt à la place d’un peuple ignorant l’article 2 de notre Constitution ?

N’est-il pas temps de dire non à cette forme d’esclavage, de domination et d’irrespect total à l’ensemble de nous, citoyens dans notre diversité ? Le silence et la passivité devant une telle situation n’est-elle pas une démission grave par rapport à notre devoir citoyen? Notre hymne national ne nous appelle-t-il pas à ceci : « (…) Cultivant vertu, vaillance, pour la postérité. Que viennent les tyrans, ton cœur soupire vers la liberté, Togo debout, luttons sans défaillance, Vainquons ou mourons, mais dans la dignité, Grand Dieu, toi seul nous a exaltés, du Togo pour la prospérité, Togolais viens, bâtissons la cité »

Par ailleurs, la CEDEAO même a reconnu que la CENI qui organise les inscriptions du 1er octobre 2018, n’est pas représentative de tous les Togolais et a demandé sa recomposition.

Alors comment une CENI qui n’est pas encore installée peut ordonner un recensement ? Comment une CENI qui n’existe pas encore peut lancer une opération ? Vouloir aller se faire recenser n’est-ce pas jeter un discrédit sur la décision de recomposition de la CENI acceptée par les acteurs politiques devant le comité de suivi de la « feuille de route » ? Comment avoir un fichier électoral fiable avec une CENI déjà problématique à l’origine et qui a engendré des CELI et des Commissions de Listes et Cartes (CLC) non consensuel ?

Citoyens togolais si nous voulons les réformes dans leur intégralité avant toute élection ne débouchant pas sur d’autres crises et violences, nous ne devons plus laisser subsister des problèmes et conflits aux différents niveaux du processus :

➢ Au niveau du fichier électoral

Pour mémoire en 2015, bien que ce soit une révision électorale, le territoire, étant alors divisé en trois zones, la révision des listes électorales avait pris 10 jours par zone mais la CENI d’alors avait dû prolonger les délais.

Selon les expériences antérieures, il faudrait au minimum 12 jours par zone, si on choisit la même période pour toutes les zones. A condition toutefois que les kits biométriques soient en nombre suffisant !

Or, il est impossible que le nombre de kits dont dispose le Togo aujourd’hui (environ 3500) puisse suffire pour couvrir chaque zone si le territoire est réparti en deux zones. C’est ZETES qui est le prestataire qui livre les kits au Gouvernement Togolais. Or cet organisme lui-même reconnaît que la fabrication des kits livrés à Lomé peut prendre au minimum 3 mois. S’il faut commander des kits supplémentaires, ce qui est très probable, il faut compter au moins 3 mois d’attente.

Aussi, la durée optimale de la révision du fichier électoral est de 102 jours selon des techniciens.

➢ Au niveau du découpage électoral

Tous les rapports de l’Union Européenne sur les élections précédentes dans notre pays ont mis en exergue le problème du découpage qui ne respecte pas les standards et qui est ainsi source de frustrations et de fraudes. Ces rapports ont tous exigé la révision du découpage. Et cela n’a jamais été fait.

Le chronogramme proposé par l’ancienne CENI étant non consensuelle, il se révèle comme un outil de manipulation et de domination des populations intimidées d’une manière ou d’une autre.

Citoyens togolais est-ce ainsi que nous pouvons construire un Togo nouveau, un Togo de paix, la terre de nos aïeux appelé à être « l’Or de l’Humanité » ?

Dans la vie d’un pays, il arrive un temps où dire non est un acte de liberté et de souveraineté.

Dire non au processus de recensement actuel n’est pas un acte de désobéissance mais au contraire c’est un acte de liberté pour dire à nos gouvernants que nous ne sommes pas des esclaves et que nous devons être respectés car nous sommes des citoyens et citoyennes responsables et soucieux du bien-être de nous tous.

Un Etat n’existe pas sans les citoyens et la force d’un pays n’est pas seulement sa classe politique et la capacité de nous réprimer à tort ou à raison. La détermination et la capacité des citoyens à dire non à ce qui ne va pas dans l’intérêt général et le bonheur de tous est un devoir moral et constitutionnel. La loi doit être au service de toute la communauté nationale togolaise et non au service de quelques-uns.

DIRE DONC NON AU RECENSEMENT ACTUEL EST UN ACTE DE LIBERTE, UNE DEFENSE DE NOS DROITS HUMAINS ET UN DEVOIR CITOYEN.

2- AUX AUTORITES TOGOLAISES

Il n’y a pas de gouvernants sans peuple et c’est lui qui détient le pouvoir. Il vous a mandaté pour être au service du bien commun et non pour l’opprimer et l’appauvrir. Vous êtes là parce que les citoyens existent et les citoyens se donnent des chefs non pour les asservir mais pour les défendre et promouvoir leurs biens. C’est en cela que consiste la noblesse de la politique en tant que art, science et action de gouverner la cité. Vous ne pouvez pas faire seulement votre volonté et vouloir l’imposer à tout prix au peuple. Car vous êtes au service de la « VOLONTE GENERALE ». Dans ce sens, la souveraineté appartient essentiellement au peuple et non à ses représentants qui en sont de simples garants.

Pourquoi vouloir organiser des élections de façon précipitée alors que celles-ci ont toujours été des sources de tensions ? Pourquoi ne pas faire d’abord les réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales préconisées par toutes les recommandations de l’APG, la CVJR et tous les rapports issus des élections antérieurs et la « feuille de route »?

Pourquoi la précipitation dans l’organisation des élections alors que les racines du mal togolais sont identifiées et résident dans l’absence des réformes qui définissent clairement les règles et les standards du jeu démocratique et de l’Etat de droit ?

Le recours à l’argument de la légalité ne doit pas faire oublier que les citoyens sont le seul et vrai souverain et par conséquent, c’est le peuple qui donne la légitimité indispensable à toute légalité républicaine.

Nous vous lançons cet appel solennel en vous suppliant avec tout le respect que nous vous devons : « Entrez dans l’histoire de notre nation en choisissant le chemin de la paix et du développement durable qui passe par des réformes avant les élections ». Pour nous cette voie est celle du « sursaut patriotique ». C’est la voie de la sagesse qui fera de vous de véritables héros de notre nation et ainsi vous serez vénérés de génération en génération sur la Terre de nos aïeux. Nous vous en supplions, par cette voie, vous aller remettre le Togo dans son projet originel pour qu’il redevienne jour après jour « l’Or de l’Humanité »

3- A Union Européenne, la CEDEAO, aux pays amis et à la communauté internationale

A L’UNION EUROPEENNE : Vos observateurs ont fait des recommandations après toutes les élections antérieures dans notre pays, celles-ci ne sont jamais prises en compte. Dans ce contexte, pourriez-vous continuer à soutenir l’idée selon laquelle la voie de sortie pacifique de la crise et la gouvernance démocratique passe par les élections sans le préalable nécessaire des réformes démocratiques ? L’Europe a fait de la démocratie, l’Etat de droit, la bonne gouvernance, le respect des droits de l’homme et des citoyens, la pierre angulaire de l’Union Européenne. Vous avez le devoir de soutenir le Togo sur le chemin des valeurs précitées et elles passent par les réformes. Nous vous invitons à soutenir le peuple dans ce sens. Car vous ne pourrez pas résoudre les problèmes complexes : comme l’immigration clandestine, la violence et le terrorisme, si vous laissez faire les causes qui génèrent la misère, le mal être et la paupérisation au sein de nos pays.

L’humanisme qui est une de vos valeurs modernes vous demande de prendre partie pour les populations.

A la CEDEAO : Les Forces Vives « Espérance pour le Togo », voudraient remercier le Représentant résident et le comité de suivi pour l’accord des partis pour la recomposition de la CENI qui constitue un début de déblocage du processus électoral. Le mouvement se réjouit de tout ce que le comité de suivi met en œuvre pour une véritable sortie pacifique de la crise.

En effet, bien que la feuille de route proposée le 31 juillet dernier ne fût pas exempte d’insuffisances, les Forces Vives « Espérance pour le Togo » ont voulu construire à partir des éléments positifs de celle-ci. Mais sa mise en œuvre est source de réelles inquiétudes pour nous.

Dans la politique de la vision 2020 et pour la paix dans notre pays et notre sous-région, nous lançons ce cri de cœur et de raison : « La solution à la crise togolaise ne réside pas dans les élections précipitées, elle passe plutôt par les réformes avant les élections dans des délais raisonnables et respectueux des aspirations du peuple togolais et de la CEDEAO des peuples qui repose sur des standards politiques ».

Nous prenons positivement acte du recrutement des experts que nous encourageons à faire un travail scientifique et technique de qualité, reposant sur les valeurs et une conscience droite.

Les Forces Vives « Espérance pour le Togo », ont l’ambition de compter sur vous pour faire sa part en tant que société civile pour une reconstruction du Togo dans la justice, la vérité, le partage équitable des biens qui passe nécessairement par les différentes réformes et celles des institutions, capables d’organiser un vivre-ensemble pacifique et heureux pour tous les citoyens. Cette espérance a besoin des actes crédibles de votre part et non des actes d’une diplomatie au détriment du peuple togolais. En effet, nos cultures en Afrique nous imposent des valeurs à respecter et à cultiver. Nous comptons sur vous afin qu’elles soient au cœur de vos actions diplomatiques.

AUX PAYS AMIS ET A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE : Nous appelons les représentations diplomatiques au Togo spécialement celles de la Guinée et du Ghana, à poursuivre les actions auprès des autorités togolaises pour une recherche de solutions qui prend en compte l’intérêt supérieur des populations qui souffrent. Car nous, Togolais et togolaises nourrissons également l’espoir d’un développement socioéconomique harmonieux et durable en lieu et place des crises sociopolitiques récurrentes reposant sur l’absence des réformes sus mentionnées.

De tout ce qui précède, nous disons :

▪ A TOUS LES ACTEURS DE LA CRISE, que nous ne voulons plus des élections sans les réformes constitutionnelles, institutionnelles, électorales. Nous n’admettons pas un processus de recensement unilatéral et précipité. Car il porte déjà les germes réels d’une nouvelle crise.

▪ AUX AUTORITES TOGOLAISES, nous lançons cette supplication citoyenne : « il est temps d’écouter la voix de vos consciences, celle des citoyens et citoyennes pour aller prioritairement vers les réformes en prenant le temps raisonnable qu’il faut ».

▪ A la CEDEAO, A l’UE, AUX PAYS AMIS ET A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE, aidez véritablement notre pays dans une diplomatie humaniste et vraie qui se met du côté des plus faibles et du peuple en exigeant avec ce dernier le respect des droits humains.

▪ AUX CONCITOYENS TOGOLAIS ET TOGOLAISE : Ce temps exige de nous en tant que « seuls artisans de notre bonheur » de prouver notre dignité, notre engagement et notre détermination citoyenne en choisissant calmement mais résolument de dire non au processus de recensement en cours. Car tout processus électoral sans les réformes préalables revient à mettre à nouveau le pays en crise avec des violences et le blocage de la vie économique et sociale des citoyens.

Fait à Lomé le 01 Octobre 2018
Pour les Forces Vives « Espérance pour le Togo »
Porte-parole

Père Pierre Marie Chanel AFFOGNON

Source : www.icilome.com