Par Jean-Baptiste K.
La sortie récente de Mgr Kpodzro à la veille de la tenue du dialogue inter-togolais a plongé plus d’un dans une grande perplexité. Il semble qu’au-delà de la demande formulée d’un retour obligatoire de la constitution de 1992 comme soubassement de la démocratie au Togo, le fait de maintenir le chef de l’Etat dans ses fonctions jusqu’en 2020 pose plus de questions qu’elle n’en résout. Cette éventualité paraît non recevable dans la mesure où les développements de Mgr Kpodzro ne sauraient inférer une telle issue.
D’abord et s’agissant de la formulation de la demande, on peut relever une contradiction interne quai insurmontable. Le retour à la C92 originelle induit l’application immédiate de la disposition limitative : « En aucun cas nul ne peut faire plus de deux ». D’application immédiate et hors toute interprétation du principe de la rétroactivité de la constitution, le mandat actuel, le troisième, est saisi par les dispositions du C92 qui le rendent illégal. Faure devrait partir IMMEDIATEMENT.
La seconde faiblesse du raisonnement de Mgr Kpodzro réside dans le fait que le bénéficiaire de sa « clémence » n’a rien demandé et n’a jusqu’alors pas jugé opportun de parler réellement au peuple qu’il prétend diriger et qui demande sa démission. Il n’a, en aucun cas, situé la nation souveraine sur ses réelles intentions. Il n’a pas plus demandé à finir son mandat en cours. Il n’est pas question, face à autant de mépris et de désinvolture, de permettre à M. Gnassingbé de continuer sa « jouissance » du pouvoir en devançant ses désirs.
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Ensuite et s’agissant de la nature du régime et de sa capacité à persister dans son être, Mgr Kpodzro semble nous enfermer dans une issue amnésique. L’acteur principal de la conférence nationale souveraine, le président du haut conseil de la République (HCR), le témoin de l’échec de la transition de Me Koffigoh et de la récupération du pouvoir par le RPT à travers la violence, les forfaitures et la duplicité ne peut aujourd’hui indiquer à la nation le chemin de la réédition de l’histoire. Quelle assurance avez-vous reçue Monseigneur que le RPT/UNIR compte consentir à l’alternance en 2020 ? Faure n’a qu’un seul programme : le pouvoir à vie quel qu’en soit le prix à payer. Il l’a prouvé à suffisance et continue sur son élan meurtrier. Le pouvoir ou la mort. Il n’est pas question pour le peuple d’accorder deux années de plus à un tel tyran qui ne ferait que s’enrégimenter pour s’éterniser au pouvoir. Mgr si vous avez reçu des assurances, il aurait fallu le dire à l’appui de votre demande et les soumettre à l’appréciation du peuple. Autrement vous invitez à un naufrage collectif.
Enfin, Monseigneur, vous nous entretenez longuement sur l’influence satanique sur la gestion du Togo. De plus, vous nous révélez que M. Faure Gnassingbé a hérité des démons de son père et ne veut pas partir parce que les démons le tiendraient en esclavage en menaçant de le quitter s’il consentait à quitter le pouvoir. Là aussi, avec tout le respect dû à votre personne, vous paraissez confus et même léger. Auriez-vous reçu l’assurance de Satan qu’il arrêterait son emprise sur Faure Gnassingbé en 2020 ? Si le président ne veut pas partir immédiatement pour les raisons que vous indiquez, pourquoi donc partirait-il en 2020 ? La bible est truffée de séances d’exorcisme réalisé par Jésus lui-même toujours sur le ton de l’impératif présent. La seule concession a été la permission accordée aux légions de posséder les porcs et de se jeter immédiatement du haut de la falaise dans les flots (Marc 5). Point de clauses de rendez-vous avec le diable. A quoi donc invitez-vous le peuple face au démons qui le gouvernent ?
Vous nous faites part de la séance d’exorcisme que vous auriez présidée et l’apaisement qui en a résulté pour vous puisque vous avez « bien dormi le restant de la nuit ». Là aussi vous en dites trop ou pas assez. Avez-vous exorcisé M. Faure et êtes-vous sûr de sa dépossession au point de demander au peuple de le laisser continuer à présider à son destin pendant deux années encore ? Le régime s’est désormais amendé ? l’armée est-elle devenue républicaine et seulement encline à protéger le peuple au lieu de le tuer ? Si tel est le cas, il convient d’en convaincre le peuple au lieu de lui demander de baisser la garde face à ses bourreaux.
En définitive, Mgr Kpodzro, sauf le respect que tout le Togo vous doit pour votre qualité de prélat et de militant de la liberté, votre intervention, riche et impressionnante par ailleurs, confine plus à une contrition imparfaite et vous rapproche de M. Gilchrist Olympio qui se situe sur le même horizon de 2020 tout en laissant ses lieutenants dans les arcanes de l’exécutif. Le poids de votre parole, l’opportunité de son expression à la veille d’un dialogue lourd de conséquence pour la nation togolaise ne manquent pas de questionner sur les visées réelles qui les sous-tendent. Nous indiquez-vous les résultats des accords secrets auxquels vous êtes parvenus ? Préparez-vous le peuple à leurs acceptations ? Le peuple togolais est mature, il convient désormais de le traiter comme tel.
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