Le Togo a besoin des Togolais

0
409
une togolaise

C’est désormais établi : l’injustice, l’incapacité et l’incompétence sont reines et maîtresses au Togo… Après plus d’une trentaine d’années d’une défaillance dictatoriale sans limites du père, on aurait pensé, avec un peu de bonté humaine, que le fils démontrerait une habileté quelconque à la vertu de la gouvernance publique et de la justice. Le résultat de sa proche vingtaine d’années d’usurpation est tout aussi désespérant et violent d’insuffisance et d’invouloir. Le Togo a besoin des Togolais capables… Libérer le Togo est véritablement Éthique…

En cette rentrée sociopolitique de septembre 2021, les faits demeurent têtus dans un Togo accablé par un tas d’évènements symptomatiques, aussi causasses les uns que les autres : un athlète paralympique recalé et resté au Togo, Aliou Bawa, qui néanmoins découvre qu’il est en pleine compétition au Japon où quelqu’un d’autre usait et abusait de son nom.

Le Président de la Cour suprême et du Conseil supérieur de la magistrature dit-on, Abdoulaye Yaya, qui n’en pouvait plus que d’étaler au grand jour l’affairisme, la corruption et « le côté nébuleux de la justice » togolaise, laquelle n’aurait de modèle que son propre déclin. Pendant ce temps, le Collectif des syndicats de la santé n’en pouvait plus également, et après des décennies d’attente et de patience il déclenche des heures d’arrêt de travail sous la forme d’une grève perlée, animée par des cris de « Démission ». Au Togo, nul ne démissionne pour sa malfaisance… Hélas !

Tout cela, c’est sans compter la brigade de raquetteurs que constitue l’OTR, l’Office Togolais des Recettes, en razzia assidue dans les entreprises locales comme tout le long des frontières et des postes douaniers, au détriment des voyageurs et surtout des commerçantes togolaises. L’insécurité et la précarité de la vie sont ainsi expérimentées au Togo quotidiennement : sortir et revenir chez soi vivant, tous les jours, devient une prouesse hasardeuse, tellement l’on peut se faire jeter en prison ou être tué sans retenus par toute personne prétendument en autorité, et surtout lorsque cette personne est en tenue de policier, gendarme ou militaire.

Justice et Humanité… Une Cause

Au Togo, il suffit d’être questionné dans la rue et d’avoir une réponse quelconque pour se retrouver battu, jeté en prison, y demeurer sous l’étiquette de « prisonnier politique » ou n’en ressortir qu’à l’article de la mort. C’est ce qui est arrivé à « Abdoul-Moutawakilou YAKOUBOU décédé le jeudi 26 août 2021 au CHU-Tokoin des suites de ses tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants qui lui ont été infligés en détention ». Abdoul-Moutawakilou YAKOUBOU, inhumé le lendemain de sa disparition, était une victime toute désignée : il fallait qu’il soit Togolais et il était Togolais ; il avait aussi le malheur d’être enseignant, donc suspect ; pire encore, il était Secrétaire général de la Section Kpalimé du Parti National Panafricain, le PNP. Il n’était donc pas fait pour vivre longtemps sur la Terre qui l’a vu naître…

Yao DOUMASSI, est encore en vie, en sursis sans doute puisqu’il est en détention politique pour n’être que Togolais et conducteur de taxi-moto, les fameux zémidjan qui pullulent dans les coins et recoins du Togo, comme mode de survie de la Jeunesse togolaise.

Après avoir déposé un client à sa destination, le 22 novembre 2019, Yao DOUMASSI avait eu le malheur de tomber sur une horde de personnes en treillis qu’il croit être des militaires et qui l’ont arrêté, frappée, mise en détention, torturée, présentée à un juge, jetée en prison depuis deux ans. Procès ou pas, il y a tout au Togo sauf une Justice ; c’est bien ce que vient de conclure le fameux président de la Cour suprême du Togo… Lui, Abdoulaye Yaya, ne pouvait pas se tromper ni être soupçonné d’opposant du régime, puisque c’est eux de la Cour suprême qui avalisent la perpétuation du régime.

C’est sur ce Togo qu’une cohorte de prédateurs afflue pour se faire du beurre et de la virginité longtemps perdue, de Tony Blair à Dominique Strauss Kahn, le DSK, en passant par quelques ténébreux aventuriers affairistes de pays voisins et lointains, tous des Adowuinon patentés qui savent bien l’état du Togo pour y jeter leurs griffes et prélever des prébendes.

Aucun pays ne se développe sans ses femmes et ses hommes de métier, de compétence, de vertu et de sacrifice aux premières loges. Or, c’est seulement la soumission à la dictature qui est la chose la plus partagée autour du Togo. La montagne togolaise a pourtant besoin, et désespérément, des mains laborieuses et non profiteuses, dirons-nous pour paraphraser Pablo Neruda, le Nobel pétrisseur des montagnes, grand penseur, diplomate et homme politique chilien.

Ainsi, la cause du Togo et de ses infortunés citoyens est bien celle de la Justice et de l’Humanité, une cause de Liberté, de Dignité et d’Éthique. L’infortuné Yao Doumassi dans sa nuit inaugurale d’arrestation et de bastonnade du 22 novembre 2019, a beau crié à ses tortionnaires qu’il n’est pas politicien, ne faisait pas de politique et ne connaissait rien de la politique, il ne savait pas que la politique togolaise, la mauvaise politique dictatoriale au Togo, pouvait l’agripper à tout instant de la vie, dans la rue comme dans son lit. Pourvu qu’il soit Togolais !

Togolais et Politique… Un Devoir

Maçon de profession et conducteur de zémidjan pour survivre, Yao DOUMASSI avait oublié l’enseignement de vieux Mādibā face à la réalité totalitaire des régimes d’indignité, d’infidélité et d’imposture une fois installés. Les régimes de dictature font de chaque citoyen un être politique une fois que l’on y est venu au monde. Et il le dit parfaitement, lui-même, Nelson Mandela : « Je ne peux pas identifier un moment où je me suis politisé, où j’ai su que j’allais passer ma vie dans la lutte de libération. (I cannot pinpoint a moment when I became politicized when I knew that I would spend my life in the liberation struggle.) »

Nelson Mandela ajouta clairement d’ailleurs, dans un retentissant paragraphe de sa célèbre autobiographie, « Longue marche vers la Liberté » que : « Je n’ai eu aucune épiphanie, aucune révélation singulière, aucun moment de vérité, mais une accumulation constante de mille affronts, mille indignités, mille moments oubliés, a produit en moi une colère, une rébellion, un désir de combattre le système qui a emprisonné mon peuple. Il n’y a pas eu de jour particulier où j’ai dit, désormais je me consacrerai à la libération de mon peuple ; au lieu de cela, je me suis simplement retrouvé à le faire et je ne pouvais pas faire autrement. »

Sport, justice, santé, éducation, sécurité, internet, transports, agriculture, commerce sont autant de cris de désespoir des hommes et des femmes du Togo. Ces cris de désespoir sont des sacres et des confirmations que la lutte pour la Dignité des Togolais est toujours à l’ordre du jour. Cette incarnation est la raison de cette insoumission collective à une dictature sans nom ni avenir, et contre laquelle le Togo a besoin de tous ses enfants.

Le poids de la République et de son histoire, le devoir de travailler à son retour et à son avenir, les conflits de cette longue marche vers la Dignité des Togolaises et des Togolais, les contradictions et les hésitations sont la conviction qu’aucun déterminisme ni fatalisme ne prévaut au Togo. Depuis leur naissance, à tous les âges, les citoyens du Togo ont conservé une marge de Liberté et une possibilité de choix souvent exprimée et déniée.

L’histoire du crime continu qui se commet au Togo, sans cesse, ricoche sur la détermination et la conviction des patriotes divers. Subir la dictature, la violence militaire et l’imposture politique, endurer le « brigandage au moyen du gouvernement » imposé, c’est persister dans la volonté de se renouveler et de se lever un jour prochain pour être définitivement libre de savoir tout ce que l’on ne voudra plus jamais au Togo, et agir en conséquence.

Pierre S. ADJÉTÉ
3 septembre 2021

Source : 27Avril.com