Le point de Kodjo Epou : Daboya ne finit pas d’amuser la galerie

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L’opération de purification du Togo a pris fin. Beaucoup plus un théâtre de rue qu’un rite sacré, elle n’a pas convaincu. Ni les esprits des victimes, ni les survivants, encore moins les divinités. Même pas les organisateurs. Aucune purification ne déclenche la réconciliation, elle la consacre. Comme de coutume, encore une charrue devant le boeuf en terre togolaise. Le bluff de la bande à Nana a néanmoins le mérite de mettre en relief la question qui taraudait depuis des années: qu’en est-il de la vérité. Cette cérémonie, pour tout dire, semble venir d’une mauvaise foi, d’une arnaque visant à brouiller l’ordre des valeurs. Bref, une facétie qui trahit les actes que Faure Gnassingbé n’ose pas poser, de peur de risquer son pouvoir.

Par Kodjo Epou

Awa Nana-Daboya, la juge récidiviste vient de dépouiller le rite de purification de son caractère sacré, par un spectacle obscène de femmes aux seins nus. Dans la pratique, on purifie pour délivrer une chose ou un être d’impuretés et de souillures morales, après que toutes les vérités sont dites et connues. Et, dans le cas d’une nation dont le sol a été souillé de sang, cette cérémonie vise à mettre le peuple réconcilié en état d’entrer en relation avec le bien, le divin. Elle vient pour consacrer, en dernière ressource, un processus de réparation et ne peut être réduite à un feuilleton de télé ou confusément assimilée à un cirque de propagande politique.

La démarche dont la détestable Awa Nana est la chef-d’orchestre n’est, aux yeux de beaucoup de Togolais, qu’une autre perfidie offensante apparentée à une profanation pure et simple, tant des esprits de nos martyrs que de l’intelligence togolaise. A tout prendre, le HCRRUN n’a rien purifié. Bien au contraire. Il en a rajouté à la souillure de la terre de nos aieux avec le sang de ces pauvres bêtes immolée en victimes expiatoires . Quelle famille, au Togo, peut se targuer de n’avoir jamais subi les exactions de la milice et de la police politique du régime? Tous ces crimes monstrueux – d’autres vont forcément suivre – sont indissociables du refus du RPT/UNIR et de son chef d’adhérer à la démocratie qui impose l’alternance politique.

Le purification de Faure, on le voit, semble forcée par un dessein obscur. Cela est une autre offense, une situation aggravante. En réalité, la constitution de 1992 votée dans l’enthousiasme général comportait suffisamment de garde-fous pour éviter au Togo les innombrables violences politiques qui l’ont régulièrement souillé. C’est l’absence totale de vérité, de bonne foi et de justice qui fait perdurer le mal. Si ce président etait sincère, il aurait dû, au lieu de chercher à nous introduire malicieusement son histoire de “remettre le compteur à zéro”, commencer par un acte de contrition qui suppose, entre autres, la remise en vigueur de cette constitution de 1992, texte fondateur de notre démocratie ? S’en dérober pour offrir aux Togolais un mélange des genres à l’instar de cette série de purifications contre nature, équivaut à un nouveau canular.
De quoi s’agit-il? Des consultations électorales approchent. Il faut procéder à quelques spectacles de charme visant à se donner bonne conscience, sans passer par la vérité et la justice. Voilà le sens qu’il faut donner au présent tour de piste de Faure Gnassingbé et la race de microbes dangereux qui jouxtent son pouvoir. Cette duperie qu’exécute la plus malhonnête des femmes publiques que le Togo ait connue, Awa Nana, n’impressionne ni ne séduit les esprits sains et avisés qui savent que l’héritier n’hésitera pas un seul instant à sacrifier encore de pauvres hères dès qu’il verra son pouvoir vaciller sous la pression de la colère populaire.
Cette purification est loin de réparer quoi que ce soit car, beaucoup trop de Togolais ont subi, certains de leur sang, d’autres de leurs larmes, le compte négatif du régime RPT. Ce sont donc des actes forts de contrition sincère qu’attendent les victimes, des actes capables de désarmer les esprits longtemps gouvernés par un parcours de ressentiment et de vengence ? La rage ne tombera point tant que les mêmes méthodes de gouvernance vont se poursuivre. Entre ce pouvoir et le peuple, il n’y a pas que le sang. L’autre triste réalité est qu’en plus du chômage et de la faim endémiques, le pays est, dans la sous-région, une horrible exception, le dernier en terme de démocratie, de droits de l’homme et de bonne gouvernance, un désert de droit et de lois bref une terre de barbarie triomphante ou rayonne une pitrerie effarante dans les services publics – santé, école, internet, routes, rails.

Les Togolais ont été trop longtemps chosifiés, humiliés, trompés et blessés dans leurs âmes pour ne pas voir la ruse derrière cette cérémonie. Ils en ont fini avec l’indulgence attendrie envers le régime et ne voient qu’une seule condition à la normalisation du pays: le départ du pouvoir de Faure Gnassingbé et du RPT/UNIR. Dans leur tête, l’alternance sera par elle-même une purification. A tout prendre, c’est Nicolas Lawson qui résume mieux cette aversion profonde et géneralisée qu’ont nos compatriotes pour un régime vastement impopulaire qu’apparemment plus rien ne peut sauver: “Faure Gnassingbé partira d’une manière ou d’une autre et le plus tôt possible. C’est à lui maintenant, poursuit le leader du PRR, de choisir s’il veut partir dans l’opprobre ou dans la dignité et la gloire”.

Kodjo Epou

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