Le pardon de Soro à Gbagbo: le baiser de Judas

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La sortie médiatique de Guillaume Soro intervient deux jours après un stratégique remaniement ministériel qui s’est traduit par deux décisions qui ne trompent pas. Il y a d’abord le budget qui a été rattachée à la Primature, ce qui revient donc à confier à Amadou Gon Coulibaly les cordons des finances et ensuite la nomination de Hamed Bakayoko à la tête de la défense. Une manière pour Ouattara et le RDR de « dompter » l’armée très influencée par des chefs et des militaires acquis à la cause de Soro.

Politique et Ingratitude

Depuis 2002, Guillaume Soro s’est illustré à travers plusieurs choix politiques. Il a été le secrétaire générale de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), au même titre que [son successeur] Charles Blé Goudé, avant de faire éclater la rébellion de 2002.

Cinq ans plus tard, au lendemain des accords de paix de Ouagadougou de mars 2007, Soro, secrétaire général des Forces nouvelles (mouvement rebelle du nord du pays) prend la tête du « gouvernement de réconciliation nationale » de Laurent Gbagbo. Il occupe ce poste jusqu’au 4 décembre 2010, date à laquelle il remet sa démission à Laurent Gbagbo et reconnaît officiellement la victoire d’Alassane Ouattara. Le président, dont l’élection a été validée par la communauté internationale, saisit l’opportunité et décide de reconduire le dissident à la tête du gouvernement.

Trahison et ingratitude font partie de la politique. Aucun parti n’échappe à l’égoïsme et aux tentations hégémoniques. Jacques Chirac, en 1995, lâché par une partie des siens, trahi par Édouard Balladur, pourtant « un ami de 30 ans » à qui il avait permis d’accéder à Matignon, avait eu ce mot : « Souviens-toi qui t’a fait roi ! ».

Le même reproche a été fait à Emmanuel Macron, lorsqu’il avait fait part de sa volonté de se présenter à l’élection présidentielle française, semblant oublier qu’il avait été fait « presque » roi par François Hollande et Manuel Valls.

En 2012, Nicolas Sarkozy avait vu plusieurs ministres « d’ouverture » le lâcher pour soutenir François Hollande. Il avait parlé de trahison, d’ingratitude. En politique, il faut toujours Aujourd’hui, les divisions dans la coalition au pouvoir naissent de ce sentiment partagé d’ingratitude, et des soupçons de trahison. L’ingratitude étant une « valeur » en politique, les populations ivoiriennes constatent que l’obsession de 2020 a fait perdre à la classe politique le vrai sens des priorités.

Le baiser de Judas

En sa qualité de signataire des accords politiques de Ouagadougou, Soro avait l’obligation de jouer sa partition: le désarmement de ses troupes rebelles. Pendant que le Président Laurent Gbagbo ne se lassait pas d’appliquer ce qui relevait de sa compétence, Soro avait un autre agenda: ruser avec le désarmement jusqu’aux élections. Avec ses partenaires de l’Onuci, il enferma le désarmement dans un «long processus». Soro ne désarma donc pas ses hommes et ce qui devait arriver, arriva aux élections de Novembre 2010. Ses hommes s’adonnèrent à une fraude démentielle au nord. C’était cela son agenda secret.

Soro Guillaume, premier Ministre de Laurent Gbagbo et organisateur des élections présidentielles, avait un devoir de neutralité absolu. Il n’avait pas à prendre partie pour un camp. Pourtant, on a pu constater que Soro s’est retrouvé à mener des attaques contre les institutions depuis le Golf Hôtel. Il a sacrifié son statut de personnage neutre sur l’autel de la trahison avec un arrière goût de vengeance. Lors des accords de Ouagadougou, le président de l’assemblée nationale actuelle avait introduit auprès du Président Compaoré, médiateur, une clause qui prévoyait qu’à l’issue des élections présidentielles, le vainqueur devait garder Soro à la Primature. Mais Laurent Gbagbo rejeta cette clause et depuis, la question de l’avenir politique de Soro devint en marge des CPC (cadre permanent de concertation), une préoccupation pour les conciliabules Gbagbo, Compaoré et Soro. Avant, entre les deux tours et après le second tour des élections présidentielles, la hantise de demeurer à la Primature l’amena maintes fois à solliciter les services du Ministre Désiré Tagro et de bien d’autres personnalités encore en vie, pour convaincre le Président Gbagbo à adhérer aux supplications de son 1er Ministre. Mais le Président Gbagbo tenait à rompre avec le cycle de la rébellion.

La présence de Laurent Gbagbo au Golf Hôtel, à Korhogo puis à la Haye a, à sa base, l’acte de trahison de Soro Guillaume. Le braquage des élections au nord n’a été possible qu’après que Soro ait rusé avec le désarmement. Il en est de même pour le bombardement des institutions qui n’aurait jamais eu lieu si Soro et son chef Ouattara avaient accepté le recomptage des voix. Soro ne devrait donc pas se féliciter d’avoir « sauvé » Gbagbo en donnant des instructions pour que sa vie soit épargnée.

Source : www.cameroonweb.com