Pour dire la vérité l’inspiration m´est venue en lisant l´information sur la visite de Monseigneur Kpodzro chez Monsieur Pascal Bodjona. Indépendamment de l´objet de cette rencontre des deux personnalités, j’ai décidé de parler de l’homme politique Bodjona qui, depuis sa sortie de prison en février 2016, est devenu totalement muet et avare en commentaires s´agissant de la situation politique de son pays, le Togo. Et notre pays, étant en crise politique depuis surtout le nouveau réveil du peuple le 19 août 2017, ce ne sont pas les sujets de discussion qui manquent. Mais pourquoi le natif de Kouméa, en dehors de quelques sorties publiques à l´église, semble ne plus s´intéresser à la chose politique, au moment où ses compatriotes, ne sachant plus à quel saint se vouer, cherchent comme un naufragé, la moindre brindille à laquelle s´accrocher?
En février 2016, au lendemain de la libération de Pascal Bodjona de la prison de Tsévié, nous avions publié un article où nous nous interrogions sur les tenants et les aboutissants de cet élargissement subit; où nous reprenions presqu’en refrain, les questions que se posait tout le peuple togolais médusé: quel est l’avenir politique de Pascal Bodjona? A-t-il un avenir politique? Si oui, de quel côté de la République posera-t-il ses valises? Retournera-t-il au RPT/UNIR où il a fait ses premières armes en politique, et dont il connaît la force de nuisance et l’énergie criminelle, ou rejoindra-t-il l´opposition?
« D’après les premières déclarations de l’ancien ministre, il ne fait aucun doute que le microcosme politique togolais devrait s’attendre à son retour. Mais la question qui pourrait aiguiser la curiosité des uns et des autres est celle-ci: de quel côté se trouve l’avenir politique de Pascal Bodjona? A-t-il bien appris la leçon pour savoir de quoi est capable le système qu’il a servi jusqu’au début de ses déboires judiciaires? Lui qui était au centre, sinon le centre, du système mafieux « fauréen » doit être mieux instruit sur les méthodes pas très catholiques de la maison...»
Voilà ce que nous écrivions il y a presque quatre ans. Depuis, la situation socio-politique du Togo va de mal en pis; Faure Gnassingbé refuse comme toujours de respecter les accords signés par son gouvernement pour la réalisation des réformes et l’amélioration du cadre électoral, et Monsieur Bodjona reste enfermé chez lui, laissant toutes les interrogations le concernant depuis sa libération sans réponse. Aujourd’hui il y a plus de questions qu’il n’y en avait quand l’ancien collaborateur de Faure Gnassingbé et ancien activiste du HACAME au début des années ´90 quitta la prison de Tsévié. Certains le disent pourtant incontournable dans le règlement de l’énigme togolaise, étant l’un des principaux artisans de la venue de Faure au pouvoir en 2005, et de son maintien en 2010. Au cours du dialogue pouvoir-opposition en février 2018 le Président du Ghana Nana-Akuffo aurait bénéficié des conseils du « gros enfant » de Kouméa pour pouvoir jouer à la médiation. Où s’étaient tenues les discussions entre les deux hommes, et quelle en était la teneur? Avaient-elles vraiment eu lieu? En dehors des rumeurs dont raffolent les Togolais, personne ne le saura jamais avec certitude.
Depuis, Bodjona ne s’est jamais clairement prononcé sur son avenir politique; il ne s’est pas non plus exprimé sur un éventuel retrait de la scène politique, ce qui aurait mis fin à toutes les spéculations. Que pense-t-il des élections présidentielles de 2020? Quel est son commentaire sur une éventuelle candidature de Faure Gnassingbé en février 2020? Que pense-t-il de la participation de certains opposants au scrutin présidentiel prochain malgré le déficit démocratique du cadre électoral? Que répond-il à la frange de l’opposition, qui est la plus importante, parce que proche du peuple, qui demande à Faure Gnassingbé de quitter le pouvoir à la fin de son troisième mandat pour une transition? Voilà des interrogations qui doivent défiler dans la tête de notre ami Pascal, quand il est seul devant son miroir et se rase les matins. On ne peut pas nous dire que ce beau parleur qu’est Pascal Bodjona a tout à coup perdu la langue et n’a pas de réponse à toutes ces questions.
Mais pourquoi ne dit-il rien? On dit souvent que la révolution mange ses enfants. Il en est de même pour la dictature de façon encore plus dramatique. L’ancien directeur de cabinet de Faure Ganssingbé, connaissant très bien les méthodes expéditives et sans pardon du système, qu’il a lui-même contribué en partie à mettre sur place, a-t-il peur de prendre son courage à deux mains pour se mettre du côté du peuple en réclamant un changement positif de paradigmes au sommet de l’état? Comme au Togo, les considérations tribales sont très souvent au dessus de l’intérêt général, hélas! Bodjona reçoit-il des pressions de ce côté-là, qui l’empêchent de céder à la raison? Et qui le mettent dans un embarras qui ne dit pas son nom? Ou Pascal Bodjona se sent-il encore politiquement et idéologiquement proche du parti au pouvoir, et n’attend que le moment propice pour retourner dans la maison bleue, malgré l´humiliation?
Ne sont-ils pas légion ces personnalités, civiles comme militaires, bien que persécutées et humiliées, qui ont repris du service auprès du dictateur depuis Éyadéma, la queue entre les pattes, comme si de rien n´était ? Vivement que Pascal Bodjona ne fasse pas partie de cette race-là!
Samari Tchadjobo
29 décembre 2019
Hanovre, Allemagne
Source : 27Avril.com