Le mal politique togolais plus profond qu´au Mali, au Burkina, au Tchad ou en Guinée…

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«Le Togo est un cas d´école dans les transitions démocratiques pipées à l´avance. Une espèce de monarchie qui ne dit pas son nom. Le Togo est un problème pour le protocole additionnel de la CEDEAO et pour la charte de la démocratie et des élections de l´UA.» (Alioune Tine, expert indépendant).

Ces quelques phrases du Sénégalais Alioune Tine tirées de l´éditorial du quotidien «Liberté» du jeudi 8 septembre 2022 résument, comme s´il en était encore besoin, la situation de blocage total sur tous les plans qui est celle du drame politique togolais. L´expert sénégalais voulait par cette sortie tirer la sonnette d´alarme quant à l´aveuglement et surtout l´hypocrisie de beaucoup de chancelleries ouest-africaines et africaines qui consistent à faire comme si tout allait bien, sur le plan de la démocratie et surtout de l´alternance, dans ce petit pays dirigé par les Gnassingbé de père en fils depuis un demi-siècle. Alors que le Togo constitue l´une des plus dangereuses gangrènes, sinon la gangrène à cause de laquelle aucune initiative visant l´amélioration des textes politiques dans l´espace CEDEAO ou UA ne pourrait marcher, Faure Gnassingbé et son ministre des Affaires Étrangères sont entrain de se livrer à une comédie de mauvais goût, oh combien méprisante et surtout humiliante pour le peuple togolais!

Être responsable de la situation de blocage politique dans son pays, être responsable de la situation sociale désastreuse des populations à cause, en partie, du niveau très avancé de corruption et de détournements de fonds publics en toute impunité, être responsable des nombreuses violations des droits de l´homme, faites d´arrestations arbitraires, d´emprisonnements d´enseignants, d´élèves, donc d´enfants, d´opposants politiques, d´assassinats et de départs en exil de ses concitoyens pour des raisons politiques, et jouer au bon samaritain à l´étranger, est tout simplement criminel. Pauvres Togolais! Ils auront tout vu. Le père Éyadéma régna sans partage et dans la terreur pendant presque quatre décennies, avec lui c´était des sommets et des conférences organisés à Lomé, animés par des danseurs et danseuses à la gloire du timonier. Éyadéma parcourut le continent africain pour soi-disant réconcilier les frères ennemis des pays en crise, alors que «l´homme de la paix», comme la propagande officielle le désignait, entretenait chez lui au Togo des camps de concentration pour torturer ses opposants ou supposés tels; alors que des opposants étaient assassinés par ses hommes de main et que des centaines de Togolais durent prendre le chemin de l´exil pour sauver leur peau. Aujourd´hui, 17 ans après la mort du père et la prise du pouvoir dans le sang par le fils, les Togolais semblent revivre, épisode après épisode presque, le même film de la honte qui les humilie, qui les fait ressembler à ce prisonnier torturé et privé de tout, mais qui, pourtant, poussé par une force invisible, jubile; donnant l´impression d´être l´homme le plus heureux au monde. 

Voilà le drame togolais que tentent de minimiser aujourd´hui ceux qui en sont la cause par leur comportement méchant, en tentant d´exclure d´autres Togolais de la gestion du pays par tous les moyens. Les va-et-vient de Faure Gnassingbé et de Robert Dussey, son ministre des affaires étrangères, entre Lomé et Bamako, pour, soi-disant trouver des solutions à la crise malienne, la tenue à Lomé de la troisième réunion du Groupe de soutien à la transition au Mali (GST-Mali), sont normalement des initiatives à saluer pour la normalisation de la situation politique dans ce pays africain frère; mais il y a un problème quand celui qui se démène pour tenter d´offrir ses supposés bons offices à d´autres pour les aider à régler leurs problèmes, est la source du drame politique dans son propre pays. De quelle expérience dans le règlement des crises politiques par le dialogue dispose Monsieur Gnassingbé Faure, quand le Togo, le pays dont il est le premier responsable de fait, connaît cette situation de délabrement total sur tous les plans? C´est ici le lieu de nous étonner de cette légèreté et de cette naïveté des nouveaux responsables politiques maliens qui consistent à faire confiance à quelqu´un qui n´a pas été capable de balayer devant sa propre maison, et qui se maintient au pouvoir chez lui par la force avec, en partie, le soutien de la France; pays avec lequel le Mali est en conflit pour sa libération. Les autorités maliennes de la transition savent-elles au juste pour qui Faure Gnassingbé roule? Se sont-elles surtout souvenues, avant de s´engager dans l´aventure togolaise, de ce dicton du pays Tem qui stipule: «Si un ami promet de vous donner un chapeau, levez la tête pour voir celui que lui-même porte.»

La liste de toutes ces violations des droits du citoyen qui font en sorte que notre pays le Togo soit plus malade que tous ces pays d´Afrique occidentale et d´ailleurs, politiquement en crise, est longue, très longue. Un pays comme le Mali s´est débarrassé de la dictature de Moussa Traoré depuis 31 ans, alors qu´au Togo nous subissons toujours les affres de la suite de la dictature d´Éyadéma qui fut de la même génération que l´ancien dictateur malien. Toutes les tentatives entreprises depuis 1990 pour humaniser et démocratiser les institutions politiques au Togo pour un vrai changement démocratique ont échoué à cause, en grande partie, de la terreur militaire exercée sur les forces démocratiques par les tenants de l´ordre ancien sur lequel plane encore l´ombre de Gnassingbé Éyadéma. Donc chez nous au Togo, tout le travail reste à faire. Il faut recommencer à zéro; trouver, par exemple, une solution durable au problème de l´armée qui a plus l´air d´une milice au service du parti-état au pouvoir. Affaiblir ou anéantir la force de nuisance de ce parti des malheurs, comme feu Djobo Boukari appelait le RPT-UNIR; tel est le gros du travail qui incombe à l´opposition et au peuple togolais. Le Mali, le Burkina-Faso, le Tchad ou la Guinée n´ont pas ces problèmes qui n´ont même pas trouvé un début de solution comme au Togo.  

Résumons-nous pour dire que notre pays, le Togo, est en crise politique profonde de façon permanente; une crise atypique qui n´a rien à voir avec ce qui se passe dans la plupart des pays africains précités, et ce depuis un demi-siècle presque. Et Faure Gnassingbé, assisté d´une armée pas tellement nationale, d´institutions inutilement budgétivores, comme l´assemblée nationales aux ordres ou une primature qui joue le rôle de faire-valoir, se moque aujourd´hui des Togolais  en se comportant, par ses supposées médiations chez les autres, comme si tout allait bien, alors que le Togo est le pays le plus malade sur tous les plans de la sous-région ouest-africaine. Que ce soit sur le plan des violations des droits de l´homme ou sur celui de la cherté de la vie, les Togolais sont ceux qui tirent le plus le diable par la queue. Le prix du gaz au Togo, par exemple, -pour ne citer que ce produit-, est le plus élevé par rapport à celui en cours dans les pays voisins et surtout dans les pays de l´hinterland très éloignés des côtes.     

Étant aujourd´hui poussées dans leurs tout derniers retranchements sur tous les plans, les populations togolaises sont conscientes du fait qu´elles  vivent dans un pays dont la situation politique est la plus bloquée, la plus pernicieuse et la plus dangereuse de la sous-région, malgré les gesticulations de Faure Gnassingbé et compagnie pour faire croire le contraire. N´est-elle pas aussi, la crise politique togolaise, celle-là qui est la plus imprévisible et qui peut exploser à tout moment avec des conséquences incalculables? 

Samari Tchadjobo

Allemagne

Source : icilome.com