Le jour où le fils du président tchadien a été assassiné

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Le corps sans vie de Brahim Déby a été retrouvé dans le garage de son immeuble à Courbevoie.

Brahim Déby, 27 ans, fils du président tchadien, a été tué dans le sous-sol de son immeuble à Courbevoie (Hauts-de-Seine). 7 heures du matin, le gardien de ce bâtiment de grand standing au 7 rue Baudin a découvert, étendu dans son sang entre les escaliers et le parking, le corps de ce locataire qui présentait «une plaie apparente à la tête». La brigade criminelle de Paris et le parquet de Nanterre retiennent la thèse du meurtre prémédité : «Il était apparemment attendu après avoir garé sa voiture». De plus, «le ou les malfaiteurs ont vidé l’extincteur, rempli d’une poudre blanche, sur lui».

A première vue, le légiste et les policiers venus sur place ne distinguaient «pas de trace de blessures par balles ou de coups de couteau». L’autopsie pratiquée hier soir a conclu à un décès «par asphyxie résultant de l’absorption de la poudre blanche de l’extincteur». Les policiers ont fouillé et prélevé des empreintes dans sa Mercedes noire de location – immatriculée en Allemagne – et dans son appartement au 7e étage, dans un immeuble qui en compte 17. La France, par la voix du ministère des Affaires étrangères, a présenté ses condoléances à sa famille et à ses proches, et indiqué que cette «affaire criminelle relève des autorités judiciaires».

Cocaïne. Le profil du jeune homme et ses activités douteuses en France orientent l’enquête «plus sur un règlement de compte que sur une affaire politique». «Je ne pense pas que ce soit politique», a d’ailleurs confirmé à l’AFP une source diplomatique tchadienne.

Fils unique de la première femme du président de la République du Tchad, Idris Déby Itno, Brahim, né en 1980, naviguait en eaux troubles et carburait à la cocaïne depuis pas loin de deux ans. Auparavant, ce diplômé d’une maîtrise de gestion qui a étudié à Montréal était le secrétaire particulier et sténographe de son père. Il était même appelé à lui succéder un jour. Jusqu’à ce que la seconde femme d’Idriss Déby, Hinda, ne le détrône.

C’est pourtant Brahim qui avait présenté la brillante Hinda, rencontrée pendant ses années d’école, à son père qui l’avait épousée en secondes noces en septembre 2005. Dès lors, la première dame avait pris le relais de Brahim aux côtés d’Idriss Déby, et exercé une grande influence politique. Le fils aîné du président a certes conservé un poste de conseiller technique à l’aménagement du territoire, à l’urbanisme et à l’habitat, mais, mis sur la touche, a commencé à perdre pieds.

Indulgence. Grand amateur de virées nocturnes, Brahim Déby a eu des ennuis au VIP Room, une boîte de nuit du quartier des Champs-Elysées à Paris (VIIIe). Un soir de juin 2006, il est mêlé à une bagarre déclenchée, semble-t-il, par les lignes de coke qu’il prenait sur la table d’un salon. Dans le feu de l’action, un pistolet semi-automatique glisse de son pantalon. Une arme portée sans autorisation. Les policiers découvrent en perquisition chez lui 375 grammes de cannabis et 2 de cocaïne. A son procès le 3 juin 2006, Brahim Déby fait profil bas. Le procureur Stéphane Hardouin tance le fils du président tchadien qui avait utilisé la valise diplomatique pour introduire son arme. Le magistrat stigmatise aussi son sentiment de «toute-puissance» vis-à-vis des lois françaises. Me Max Ahoueke, avocat de la famille Déby, plaide l’indulgence car «ce sont des enfants gâtés qui n’ont pas atteint la maturité de leur âge» et excuse le port d’arme interdite par le fait qu’il s’agit «d’un réflexe» acquis au Tchad.

L’avocat de la famille ne critique toutefois pas la peine de six mois de prison avec sursis infligée à Brahim Déby pour détention d’arme prohibée et de drogue: «Le tribunal a préféré une condamnation à un avertissement pour ce jeune Déby qui est un peu inconscient de ce qu’il fait. Nous ne ferons pas appel pour que ce jeune garçon prenne conscience des réalités de la vie en France». Le soir de la condamnation, le Président tchadien avait mis fin aux fonctions de conseillers techniques de son fils aîné par un décret lu à la radio nationale.

La direction générale de la communication du Tchad avait enfoncé le clou : «Brahim Déby est une personne majeure. Tout acte qu’il pose ne saurait engager la responsabilité du Tchad et encore moins celle de ses parents qui ne sont pas comptables de ses faits et gestes».

La rupture était alors consommée entre le père et le fils, et les cordons de la bourse coupés. Dans la foulée Brahim Deby perdait son immunité diplomatique, et sa situation en France n’était même peut-être pas régulière. Les enquêteurs vont désormais explorer la face cachée de Brahim.

Source : www.cameroonweb.com