Le développement n’est pas la cause… Il est la conséquence de la démocratie.

0
260

Le développement n’est pas la cause… Il est la conséquence de la démocratie.

À l’heure du Plan National de Développement (PND) 2018-2022 du Gouvernement togolais, il est intéressant de se demander si les conditions potentielles d’atteindre ses objectifs sont réunies. Les résultats des enquêtes en histoire, en économie et en sociologie du développement des pays nous donneront les réponses à cette interrogation, au moyen de l’analyse des rapports entre le développement et la démocratie.

Toutes les études des historiens, économistes et sociologues s’accordent sur un fait général : la démocratisation et le processus de développement socioéconomique d’un pays vont de pair. En effet, histoire montre qu’il ne peut y avoir de démocratie sans développement. L’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord confirment cette proposition. En Afrique on peut citer le cas presqu’atypique du Botswana. Par contre, on constate qu’un certain nombre de pays développés ou en voie de développement n’ont pas été ou ne sont pas des démocraties. Les exemples classiques que l’on cite souvent pour illustrer des régimes autoritaires qui ont favorisé la modernisation économique de leurs pays sont le Japon (la restauration Meiji), le Chili, l’Argentine, plus près de nous les pays de l’Est asiatique et la Chine.

Des deux cas de figure s’est déduite une loi sociologique : le développement n’est pas la cause, il est la conséquence de la démocratie. En effet, la démocratie est le système politique qui représente le mécanisme sociétal de médiation entre les acteurs sociaux collectifs d’une part, et entre ceux-ci et l’État d’autre part, pour favoriser le développement pour tous, du moins pour le plus grand nombre. De cette loi dérivent les constats généraux suivants : 1) la démocratie et le développement supposent la citoyenneté, c’est-à-dire la conscience d’appartenance à une Cité ou un ensemble national qui est régi par des lois à tous et pour tous; 2) la citoyenneté suppose l’existence d’un État dont l’objectif principal est le renforcement de la société nationale par le développement et l’intégration sociale; 3) la démocratie suppose une redistribution équitable des richesses produites par la croissance économique facteur du développement social; 4) les investissements intérieurs (principalement) et extérieurs (dans une certaine mesure) sont les causes de ces deux derniers facteurs; 5) La démocratie en allant de pair avec le développement permet la régulation des mécanismes de reproduction des inégalités sociales.

Est-ce que le régime politique du Togo actuel permettra-t-il, toutes choses étant égales par ailleurs, la réussite du PND 2018-2020 ?

Depuis plus d’un demi-siècle, le Togo est dirigé par une oligarchie doublée de la dictature qui a favorisé l’émergence d’un État patrimonial. Ce dernier a donné lieu à l’institutionnalisation du clientélisme, à la corruption et à l’économie de prédation. L’aide extérieure sur laquelle l’État compte principalement pour développer le pays a produit une « aidocratie », c’est-à-dire une classe sociale qui vit de l’aide. Depuis Sylvanus Olympio, le père historique du Togo indépendant, les notions de citoyenneté et de Nation ont disparu des rares discours au peuple du Togo, la Terre de ses aïeux.

Le Togo souffre terriblement d’un déficit de la culture-Nation. Les inégalités sociales en matière de santé, d’éducation, d’accessibilité à l’eau potable, à l’assainissement, à l’énergie, au travail, à l’emploi, etc. sont criantes et ne font que s’accentuer dans le temps et l’espace togolais. La démocratie et le développement sont les deux faces d’une même médaille et la culture-Nation constitue la charnière omniprésente. Dans l’état actuel du Togo, nous pouvons énoncer que la probabilité du PND 2018-2020 de favoriser le développement du pays est très faible.

Le développement n’est pas la cause… Il est la conséquence de la démocratie.

À moins qu’à l’instar des pays qui se sont développés sous des dictatures, le PND soit l’amorce d’un processus de développement. Mais, nous pouvons en douter puisque plus de 50 ans d’autocratie n’ont été capables de l’entreprendre dans les mêmes conditions.

Restituer l’Ablodé, la liberté totale, au Peuple togolais et il saura rimer démocratie et développement, et vice-versa. La liberté si longtemps réclamée au Togo saura libérer les énergies du développement dont le PND a besoin pour prospérer.

Yao Assogba
Professeur émérite
Université du Québec en Outaouais (UQO)
Québec, Canada

3 mai 2019

27Avril.com