L’aventure américaine du Sodabi, liqueur ouest-africaine à base de vin de palme

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Dans un vaste entrepôt à la périphérie de Cotonou, des piles de cartons de bouteilles au design très soigné attendent d’être exportées de l’autre côté de l’Atlantique : « Tambour Original, product of Benin », précise l’étiquette de cet alcool à 45 degrés produit par de jeunes Américains. A quelques mètres de là, trois distillateurs dernier cri contrôlés par des thermostats automatiques ronronnent.

L’aventure américaine du Sodabi, liqueur ouest-africaine à base de vin de palme

On est bien loin de ce que Jake Muhleman avait découvert en 2012 : alors étudiant, cet Américain était venu rendre visite à un ami, Eric Newton, volontaire pour Le Corps de la paix (Peace Corps, une ONG américaine) dans le nord du Bénin. C’est là qu’il devait goûter pour la première fois au sodabi, une liqueur artisanale obtenue à partir de la sève des palmiers à huile.

Préparée de façon traditionnelle, elle fermente avant d’être distillée dans des alambics rudimentaires chauffés au feu de bois et est ensuite conservée le plus souvent dans des bouteilles en plastique recyclées. « Ça existait depuis longtemps, mais ce n’était pas connu hors de la région. Alors on s’est dit qu’on pourrait être les premiers à faire connaître le sodabi dans le monde entier ! En plus, il y a toute une culture derrière », explique Jake Muhleman, petites lunettes et barbe bien taillée.

Cérémonies vaudoues

Le sodabi est couramment utilisé comme offrande au cours des cérémonies religieuses vaudoues, où il est censé donner force et endurance, mais aussi augmenter la protection divine contre les mauvais esprits. Dans les villages, les producteurs ajoutent des feuilles ou des fruits macérés, chacun ayant son secret, pour en améliorer le goût ou lui apporter les vertus médicinales de certaines plantes.

Mais pour Jake et son ami Eric, pas question de se contenter de reproduire le sodabi local, il s’agit de le valoriser. Ils ont sillonné à moto le sud du Bénin à la rencontre de producteurs de vin de palme de qualité pouvant leur fournir la matière première, et mis près d’un an pour concocter leur recette. « Après la distillation, on ajoute un mélange de quatorze ingrédients tropicaux, comme le gingembre ou la fleur d’hibiscus détaille Jake. C’est ce qui donne à notre boisson sa couleur cuivrée », alors que le sodabi artisanal est transparent. Et si le goût âpre du vin de palme reste, des arômes à la fois fruités et épicés adoucissent le breuvage.

Il a fallu investir pour obtenir une distillation moderne qui respecte les normes internationales en matière d’alcool. « Le problème avec le sodabi de village, c’est l’alcool frelaté, explique Emilie Nabet, jeune Française chargée du marketing chez Tambour. Quand on distille, il y a de l’eau, de l’alcool et du méthanol. Or le méthanol est dangereux pour la santé, il faut l’extraire, et si on n’a pas une vision précise de la température, on ne peut pas savoir quand il sort. »

« Un produit raffiné »

La distillerie tourne 24 heures sur 24 avec trois salariés, mais dispose d’une capacité de production limitée à quelque 300 grandes bouteilles par mois, faute d’infrastructures suffisantes. Jake Muhleman dit miser sur une levée de fonds prochaine pour développer l’activité. La marque Tambour a été choisie car elle est « facile à prononcer en anglais », s’amuse le trentenaire, et parce que le tambour « est lié à la culture d’ici, les gens l’associent à l’Afrique de l’Ouest ».

La consécration est venue en 2015, lorsque Tambour Original a reçu la médaille d’argent au San Francisco World Spirits Competition, le concours de liqueurs le plus prestigieux d’Amérique du Nord. La boisson est aujourd’hui disponible dans une trentaine de bars et de magasins de spiritueux de la côte est des Etats-Unis.

L’aventure américaine du Sodabi, liqueur ouest-africaine à base de vin de palme

Au Bénin, les débuts ont été plus difficiles. Jake a réussi à convaincre quelques supermarchés et bars, qui étaient peu habitués à vendre du sodabi. Le prix, surtout, était un frein : 8 000 francs CFA (12 euros) la bouteille de 37,5 cl, contre 800 à 1 000 francs CFA le litre acheté au village.

Khaled Baaklini, propriétaire du Code Bar, un établissement branché de Cotonou, a été le premier à élaborer des cocktails avec du sodabi. « C’est un produit raffiné, un vrai spiritueux, s’enthousiasme ce Béninois d’origine libanaise. C’est génial que cet Américain mette en valeur un produit typiquement béninois. Personne n’avait pensé à faire ça avant lui ! »

Source : Le Monde

27Avril.com