L’assassinat crapuleux du Colonel Madjoulba: Et si le Général Kadangha Abalo était le Capitaine Dreyfus du Togo?

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Kadangha vs Madjoulba

S’il y a une affaire qui a ébranlé l’opinion publique togolaise depuis mai 2020, c’est bien l’assassinat du colonel Toussaint Bitala Madjoulba. L’assassinat de cet officier Nawda intervenu dans la nuit du 3 au 4 mai 2020, nuit de la cérémonie d’investiture du président de la République Faure Gnassingbé, est venu comme un mirage pour ternir l’éclat de cette cérémonie haute en couleurs.

Cette rocambolesque affaire est digne d’un scénario de film de la mafia sicilienne. La victime a été froidement abattue dans son bureau, d’un coup de revolver. Cet homme d’une stature imposante à fière allure venait d’assister à l’investiture du président Faure Gnassingbé. Est-ce un hasard que ce crime soit commis sur cet officier de valeur le jour même de l’investiture ?

L’assassinat de ce brave officier, a donné lieu à un simulacre de jugement rendu dans la précipitation par un Tribunal militaire créé par un décret présidentiel le 24 avril 2023.

Ce Tribunal militaire était présidé par le magistrat Awal Ibrahim, jusque-là, Viceprésident de la Cour d’Appel de Lomé aidé des magistrats civils Kossi Folly et Mondo Laré, tous deux, des Conseillers à la Cour d’Appel de Lomé, de deux (02) assesseurs militaires, d’un (01) représentant du Parquet militaire; et d’un (01) greffier militaire. Les jurés et accesseurs militaires étaient : les Généraux Mohamed Titikpina, Gnakoude Berena, Zakari Nandja, Dadja Manganawé et le Colonel Mourma.

Qui est le Colonel Toussaint Bitala Madjoulba ?

Le Colonel Toussaint Bitala Madjoulba âgé de 52 ans est un ancien élève de l’École de guerre du Cameroun et de l’École Nationale des Officiers du Sénégal. Cet officier Nawda surnommé « gros bras » a été éliminé par homicide dans son bureau au camp de BIR1 dans des circonstances ténébreuses et mystérieuses.

En effet ce qui donne la chair de poule est que ce crime est perpétré à l’intérieur du camp militaire le plus redouté. Exécuté selon les règles d’un scenario du far west américain d’inspiration mafieuse, il s’est joué sous les Tropiques.

Oui, c’était un crime de sang exécuté avec dextérité au Togo des Gnassingbé et fils. Quand on analyse les circonstances dans lesquelles ce rocambolesque crime a été perpétré, on demeure si perplexe.

L’auteur du scenario doit être un excellent professionnel qui ferait des merveilles au Hollywood. Seulement en analysant la mise en scène, on note qu’elle a manqué d’imagination pour bien adapté la scène du crime à l’idée du suicide auquel on voulait tenter de faire croire.

Dans le langage cinématographique, on dira sans risque de se tromper que le metteur a manqué de professionnalisme afin de donner à la scène toute originalité. Dans le cas d’espèce et au regard du théâtre du crime on a l’impression que les criminels ont raté de coller les éléments de la scène à l’idée de départ.

Qui est donc le commanditaire ou le vrai coupable de ce crime odieux ?

La réponse à la question est celle que la famille du défunt et tous les Togolais attendaient. Lorsqu’on essaye de comprendre les circonstances dans lesquelles ce crime a été commis, on a l’impression de faire un voyage au pays du diable où tout est obscur. Comme si on était au cœur de la mafia sicilienne, tout est fait de codes à interpréter. Rien que des non-dits flous et obscurs.

L’auteur du crime est bien connu. Tout le monde le connait, mais le monde, hypocrite qu’il est, fait semblant de ne pas le connaitre. Et pourtant en coulisse, les audacieux n’hésitent pas à le nommer. Son nom est bruyant et visible comme le né au milieu du visage. Inquiet pour leur vie, les Togolais ont opté pour le silence assourdissant. L’illustre coupable est connu, mais on ne doit pas en parler.

Comme dans la mafia, c’est la loi du silence. Celui qui appelle le nom de l’auteur du crime au Togo des Gnassingbé court le risque de le payer de sa vie. Dans ce monde où tout se paye cash, il est difficile de connaitre la tête et la queue d’une situation.

Tout tourne en boucle. Personne n’accepte connaitre personne. Personne n’indexe personne. Tout le monde connait tout le monde. Mais personne, à part Dieu prendra le risque d’appeler le coupable par son nom. Tout ce qu’il faut retenir est que tout le monde connait tout le monde, Bien qu’en apparence blancs comme des colombes, ils ont leurs tâches en dedans. Les Togolais, hum ! Des monstres en puissance. Retenons aussi que dans ce monde les enquêteurs et les criminels sont parfois les mêmes. Ainsi, il est très difficile de démêler les files pour trouver le bon fil conducteur. Dans ce monde où les auteurs des crimes sont en même temps les enquêteurs, comment pourra-ton déceler le faux du vrai dans une telle situation ? Le problème du Togo est que le diable et le saint prennent la soupe à la même table.

Dans notre impuissance, nous sommes obligés de vivre comme les animaux de la jungle où les gazelles sans défenses sont mangées par les lions, rois de la forêt.

Crime dans le Camp du premier BIR, un sacrilège qui ne dit pas son nom

La raison qui a créé le plus de psychose chez les Togolais est que le crime soit commis dans un célèbre camp militaire. Où mieux que le camp pouvait-on se cacher pour être en sécurité ? Et pourtant le premier BIR n’est pas n’importe quelle garnison. Ce camp de renommée nationale appelé par le passé camp des Forces d’Intervention Rapide (FIR) a une réputation légendaire dont les Togolais s’en souviennent encore.

C’est dans ce Camp réputé pour être une citadelle imprenable que le redoutable Colonel fut froidement abattu. Ceci a laissé au Togo l’impression que personne n’est en sécurité nulle part. Le Togo n’est plus ce havre de paix ? Oui, cette réputation tant vantée, a disparu comme un mirage à compter de cette date du 3 mai 2020. Si on peut être atteint dans un camp alors où pourrait-on être en sécurité ? C’est cette question que tous les Togolais se posent.

Qu’est que le Général KADANGHA Abalo avait-il à gagner dans l’assassinat du Colonel Madjoulba ?

Pour peu qu’on réfléchisse profondément à la portée de cet assassinat ignoble, on se demande si le Général KADANGHA Abalo avait-il quelque chose à gagner de ce meurtre quand on sait que les deux officiers se vouaient une affection réciproque. D’ailleurs il l’appelait affectueusement « son fils ».

Hiérarchiquement parlant, le Général KADANGHA Abalo a déjà gravi presque tous les échelons de l’armée. A ce jour, il ne lui reste qu’à être le Général de Corps d’Armée et le général d’armée. De surcroît, il a été Chef d’Etat-Major de l’Armée togolaise.

Si le Général Kadangha Abalo devait avoir quelque chose à gagner disons que ça ne serait pas la petite place de Commandant de régiment qu’occupait le Colonel. Dans la vie on est appelé à avancer et non à reculer. D’ailleurs il le préparait à faire la même carrière que lui. Cette trajectoire qui se dessinait faisait même grincer déjà les dents à certains officiers.

Des ratés dans le maquillage de la scène du crime

Plus tard, pour se rattraper, surement avec l’intervention d’autres experts plus futés, il a été remarqué qu’il y a des ratés dans le maquillage de la scène qu’ils ont décidé de requalifier.

Ainsi, avec les éléments de preuve qui sont en place, les spécialistes de la mafia ont décidé de simuler le crime plutôt en un assassinat au cours duquel l’acteur principal serait le chauffeur : le Caporal Songuine.

Ainsi la mise en scène tentait vainement de démontrer que le chauffeur ne serait pas sorti du camp avant l’heure du crime. Dans cette optique, ils prirent soins de relooker la scène en l’entourant d’un floue artistique, ce qui va compliquer les enquêtes. Tout ce montage n’a convaincu personne.

Mal intentionnés, les enquêteurs ont eu du mal à faire parler tous les faits dans le sens de la nouvelle qualification. Ce jonglage a donné au procès l’allure d’une symphonie inachevée. Malgré tout, les juges qui sont coptés dans un esprit subjectif sont restés jusqu’à la fin du procès muets sur le nom du vrai coupable de qui les autres prévenus sont complices.

Qui est le coupable ou le commanditaire de l’assassinat du Colonel Madjoulba ? La tentative de charger injustement le Caporal Songuine du crime de son patron, n’a pas convaincu l’auditoire pour la raison que le maquillage de la scène du crime est faux.

Finalement le crime n’a ni pris le visage du suicide ni celui d’un crime dans lequel l’homme-orchestre serait le Caporal Songine, le chauffeur. Quant au Colonel Agbankou, l’Adjoint du chef corps assassiné, son péché vient de ce qu’en toute ignorance il aurait naïvement empêché le chauffeur de ramener discrètement les armes et minutions au bureau pour corroborer la thèse du suicide. Le Colonel Agbankou n’étant pas dans les secrets des dieux, il ignorait tout des stratégies que les criminels affutaient pour donner au crime les apparences du suicide. Pour l’avoir fait, il est apparu comme le saboteur de l’opération tel que le voulait les criminels pour se tirer à bon compte de l’affaire. Ceux-ci voulaient donner un pinceau au maquillage de la scène.

A qui profite l’assassinat du Colonel Madjoulba ?

La bonne question que les juges ont manqué de se poser est celle de savoir : à qui profite le crime ? La réponse à cette question est donnée par la lettre à titre posthume du président de la Cour Constitutionnelle, le juge Aboudou Assouma. Cette lettre publiée à titre posthume en dit long sur cet assassinat. Voici in extenso cette lettre.

« Mon Cher et Très Respectueux Président FAURE !

Sans me départir de l’humilité qui convient pour m’adresser à votre personne, investie d’une si haute et illustre autorité comme la vôtre, souffrez que je vous dise ici ces quelques mots que vous trouverez forts, mais que je retiens indispensables et urgents. La nouvelle de l’Assassinat de votre officier Toussaint Bitala, qui, mieux que nous tous réunis, vous estime et vous respecte pour vous avoir démontré et exprimé, clairement et courageusement son opinion sur ce fameux quatrième mandat, me force à vous déclarer simplement et catégoriquement que je ne suis pas d’accord avec vous pour cette fois-ci ! Oui, je ne suis plus d’accord. Je me suis tu, je me suis contenu…mais je regrette sincèrement de vous avoir remis sur ce siège.

Mon Cher Président,

Je vous respecte profondément, mais laissez-moi vous dire que vous avez débordé, vous avez exagéré : « alea jacta est ! ». Oui, vous me rendez la tâche trop compliquée cette fois-ci. Le sang que vous venez de verser sur votre trône patriarcal, est trop chaud, trop brûlant. Vous l’aurez déjà ressenti vous-même. Même votre silence, mon silence résonne tellement fort au point de casser les tympans. Alors, acceptez que je vous fredonne mes reproches: je comprends combien vous en avez besoin, en ce moment. Car en cette heure-ci, tous ont peur de vous ! Et très difficilement, vous trouverez qui puisse vous aimer jusqu’à vous dire la pure vérité, cette vérité libératrice : vous avez franchi le Rubicon ! Aussi, faut-il que je vous interpelle. Pour toi, et toi seul, j’ai accepté de ne pas considérer toutes ces irrégularités qui ont émaillé ta copie du 22 Février dernier.

Délibérément et par respect pour toi, j’ai évité de prendre en compte l’argumentaire de la Dynamique, oh ! Combien clair, probant et convaincant de la Victoire écrasante de notre Vieil ami AGBEYOME, celui que de façon unanime ou presque le Peuple Togolais a choisi de suivre dorénavant. Je me rends à l’évidence que tu ne m’as pas fait confiance. Pas du tout ! Et à présent avec cet ultime acte, tu viens de remettre en cause toute notre «Opera». Pour toi, j’ai accepté de ne pas évoquer l’erreur commise par nos « braves » agents du terrain, qui ont laissé circuler les fameux carnets de bulletins prévôtés de l’imprimeur Toundé. Pour toi, j’ai fermé l’œil sur les nombreux cas où les Votants ont dépassés les Inscrits créant un embarras sans précédent on ne peut plus inédit et inextricable. Pour toi, j’ai consenti à maintenir non sans quelque stratagème les 70% produit par la machine.

Et last not least, par amour pour toi et pour toi seul, j’ai bravé même cette Malédiction Divine suspendue, telle une épée de Damoclès, au geste de cautionner la non-vérité, le score non-vérifié dont l’effet perdurerait jusqu’à ma troisième génération. Même si nous ne sommes pas encore au Gondwana, il y a là assez de matières à inquiéter plus d’un.

Bitala n’est plus… ? Mais je parie que nous aurons affaire à des milliers de Toussaint Bitala. Que dis-je ! Tu auras affaire avec bien d’autres Bitala. Blague à part ! Tu aurais laissé MADJOULBA ! Tu aurais dû ne pas le toucher ! et ensemble nous l’aurions contraint au silence autrement, comme nous savons si bien le faire, ainsi que cela se fait sous d’autres cieux. Mais le fait de lui avoir retiré le souffle rend la bataille vraiment inutile. Je ne saurai combattre « un mort qui crie» dans ma tête et dans ma conscience.

Regarde un peu vers la direction de notre peuple… Oui ! Ce peuple qui a voté pour toi. Regarde vers ces visages lourds de larmes; moi, je vois déjà se déplacer un «mont blanc», qui avance tel un « cheval blanc». Je dénote quelque chose qui me dépasse. Ce que je note là s’impose à moi, et je m’incline à présent : Lex quod notamus ! Lex quod noto». Oui, moi Aboudou, j’abdique ! Oui, moi ASSOUMA, j’assume mon impuissance devant la douleur de ce peuple dont le regard silencieux crie et bourdonne dans mes veines. Mon cher Président, souffrez que je vous le redise très respectueusement : « Alea Jacta Est « dixit » Aboudou ASSOUMA ». Fin de citation.

Cette lettre se suffit à elle-même pour nous faire comprendre la circonstance de la mort du brave Colonel Toussaint Bitala Madjoulba. Elle se passe donc de tout commentaire.

L’assassinat de Toussaint Bitala Madjoulba, une belle occasion pour faire d’une pierre deux coups

S’il y a, depuis 1960, une affaire qui a ému le Togo et ses dirigeants c’est bien, après le coup d’Etat de 1963, l’assassinat du Colonel Madjoulba. Il n’y a pas de doute que la tentative d’assassinat de Gilchrist Olympio et l’assassinat de Tavio Amorin ont aussi ébranlé le Togo mais n’ont pas créé autant d’émoi que l’assassinat du Colonel Madjoulba dans la nuit du 3 au 4 mai 2020.Cette affaire a fait la peur panique dans les camps.

Les deux crimes ont fait certes du bruit mais, ils n’ont pas fait trembler la grande muette comme le meurtre du Colonel Madjoulba. Ce crime a atteint toute la grande muette pour la raison qu’il a été perpétré dans un camp militaire. Ce qui met en doute la capacité de l’armée à nous sécuriser. Le scenario relatif à une affaire décrit une scène du milieu mafiosi. Comme au cœur de la mafia de Palerme, il est difficile de connaitre les tenants et les aboutissants de cet assassinat. Cette affaire n’a ni de tête, ni de queue. Elle est pareille à un serpent de mer. Il est difficile de savoir qui peut être le commanditaire et qui en sont les exécutants.

Cet assassinat est semblable à une équation dont la résolution se fonde sur l’infinie. Pour cette raison, beaucoup de montages faits pour détourner la responsabilité du vrai commanditaire qui évite de porter la poisse. C’est alors qu’est venue l’idée de sacrifier quelqu’un dont la compétence faisait peur. A cette fin, les serviteurs zélés firent des montages pour faire porter le chapeau à un des fidèles parmi les fidèles. Le Général KADANGHA Abalo est l’agneau sacrificiel. On devait s’attendre à ça depuis qu’on s’est servi de lui pour arrêter Kpatcha Gnassingbé, il était devenu un épouvantail pour le pouvoir. C’est une simple déduction mathématique. Après cette opération sans savoir qu’il cristallisait des peurs bleues. Devenu l’homme à abattre, si on se réfère à la théorie que Nicolas Machiavel a développé dans son ouvrage « le Prince ».

Dans cette optique, on pouvait prédire que ce qui est arrivé au Général KADANGHA Abalo, lui qui était l’irréductible défenseur du régime, devait arriver. Lentement mais surement ses dé- tracteurs préparaient le bouillon de la vengeance à feu doux.

A cette fin, ils distillaient, des informations contre lui. A ceux-ci sont venus s’ajoutés les partisans d’Atchadam qu’ils se sont engagés à mater avec la plus grande rigueur. Naïf, le Général KADANGHA Abalo l’a été. Il croyait que ses prouesses plaisaient à la plus haute hiérarchie militaire et politique. Mais, en réalité il se trompait. Il n’a pas compris que celles-ci étaient trop pour lui. Il ne savait pas que quand on soupe avec Lucifer, il faut se munir d’une longue louche. Le Général KADANGHA Abalo n’a pas aussi compris que la sauce du gombo se mange à distance. Le Général KADANGHA Abalo n’a pas surtout enfin compris qu’il donnait plutôt des insomnies à la haute hiérarchie.

Le Général KADANGHA Abalo n’a pas compris que la méthode selon Nicolas Machiavel dans son ouvrage intitulé : « Le Prince », pour prendre le pouvoir et le conserver, il faut écraser les collaborateurs les plus en vue. Sur ce, on peut conclure que Nicolas Machiavel, reste le meilleur conseiller de tous les dictateurs du monde. En somme, aujourd’hui la famille du Colonel Madjoulba et toute l’opinion togolaise sont loin de croire que le Général KADANGHA Abalo est l’auteur du meurtre de cet homme. En clair, il a été éliminé par mesure de prudence.

De même, le Général KADANGHA Abalo, même s’il a la chance d’être encore vivant, son tour est arrivé aujourd’hui d’être au frais pour éviter qu’il ne soit tenté un jour de… A dessein les juges du tribunal militaire ont manqué de rigueur dans l’exploitation de certains éléments clés du dossier En effet, on se rappellera que lors du procès, Akona la secrétaire du Colonel déclarait avoir entendu des bruits qui l’ont donné la truie. En effet, elle disait qu’elle avait entendu quelque chose comme de la prière. Elle s’était demandée pourquoi le chef ne les ferait pas à la maison et c’est au bureau qu’il vient pour les faire. Elle a aussi ajouté qu’après ces prières, elle a l’entendu dire « sortez de mon bureau ». Ceci laisse penser que certaines gens se sont introduites dans le bureau pour commettre le forfait. L’échelle qu’on a trouvée derrière le bureau est une diversion.

Ces faits qui devaient retenir l’attention du tribunal sont passés inaperçus. Qui était au bureau du colonel à cette heure si tardive ? En voilà une question que le tribunal devait poser. Ces faits auraient fait penser à l’intrusion des malfaiteurs dans son bureau. Mais la complicité était si grande dans le camp que personne n’a osé lever le petit doigt. Comment de pareils évènements peuvent se produire dans un camp sans que la DEO, un groupe de militaires retenus au camp pour parer aux éventuels cas imprévus. Pourquoi n’a-t-on pas pris en considération l’observation du général en ce qui concerne la balle extraite qui n’est pas les minutions que les berettas utilisent. Il a même ajouté que c’est une balle israélienne que la garde présidentielle utilise. Cette déclaration n’aurait pas été suffisante pour amener les juges à sonder d’autres pistes ? En plus, celui qui est chargé de servir le Colonel déclare avoir entendu un bruit qu’il a assimilé à la chute d’une mangue sur le toit en tôle. Pendant le même temps les agents qui étaient de DEO, en toute indifférence disent qu’ils regardaient un film porno!!! Quelle démission curieuse des soldats dans un camp d’élites ?

L’autre fait insolite que les juges n’ont pas cru devoir s’intéresser est la mort par torture du Sergent Alluyan, un pré- venu à qui l’ANR aurait cassé 5 côtes. Pourquoi la mort de ce tireur d’élite, reconnu de tout le monde au camp FIR n’a pas retenu l’attention du Tribunal?

L’homicide volontaire du Sergent Alluyan cache quoi ? Ou qui ? N’était-ce pas lui, ce tireur d’élite auteur du coup fatal ? D’ailleurs, lors du procès, tous les experts ont qualifié le tir fatal de « Professionnel ». Pourquoi le Sergent-chef Okanto et autres ont refusé de répondre à l’appel au secours de Akona, la secrétaire ?

Pourquoi y a-t-il eu cette nuit du 3 au 4 mai 2020, de nombreuses désertions dans les postes de garde ? Est-ce que la consultation minutieuse du téléphone du Caporal Sanguine par les experts n’aurait- pas permis de savoir qui l’a appelé la nuit et pourquoi faire ? Enfin le temps du sacrifice est venu : le Général Kadangha Abalo est payé en monnaie de singe.

L’assassinat du Colonel Madjoulba et le procès de ses soi-disant coupables a été une occasion en or pour se débarrasser d’un homme qui a été de tout temps redouté. Le Général Kadangha Abalo qui faisait peur a été payé d’une monnaie de singe.

L’histoire de ce pays offre d’innombrables exemples qui corroborent cette philosophie. En effet, dans les années 1990, le Général Gnassingbé, le père de Faure n’aurait jamais repris en main son pouvoir si un groupe d’Officers kabiyè parmi lesquels, il convient de citer les Colonels Kouma Biteniwé et Djoua Yoma ne s’étaient pas sacrifiés. N’eut été la détermination légendaire de ces deux hommes, Eyadema aurait quitté le pouvoir par la petite porte.

Mais quand la tempête est passée, les deux hommes ont été écartés, sans ménagement. Si le premier doit sa vie à son exil au Burkina Faso, le deuxième s’est pourri dans une cellule de la prison de haute sécurité à Kara. Il en est ressorti complètement défait pour aller mourir.

Au-delà de l’assassinat du Colonel Madjoulba, que dire de la mort du Colonel Bataba et autres ?

A propos de la mort du Colonel Bataba, il faut être un devin pour dire avec exactitude les causes de l’accident à l’issu duquel cet officier a perdu la vie. La mort du Colonel Bataba consécutive à celle de son frère, a-t-elle un rapport de cause à effet avec celle du Colonel Madjoulba ? Beaucoup de Nawda le pensent.

De sources dignes de foi, il paraît qu’à la vue du corps impressionnant de son frère, cet officier aurait manifesté un état d’âme qu’on aurait rapporté au haut commandement qui décida de l’envoyer en mission à l’issu de laquelle il n’est plus jamais revenu. Sa réaction serait interprétée comme des menaces.

L’assassinat du Colonel Mdjoulba est-ce une cabale des Kabiyè contre les Nawda ?

Vivant en parfaite intelligence, les Kabiyè et les Nawda ont toujours été des complices jusqu’à ce qu’un couac intervienne dans les premières années des indépendances. Les faits remontent au temps où le Colonel Kleber Dadjo dirigeait la transition après le coup d’Etat de 1963. Suite à une mésentente avec Eyadema, un certain Madjoulba, père du Colonel défunt, avait pris la tête d’une fronde Nawda contre les Kabyè qui a failli perturber l’unité du commandement par la création d’une faction à caractère tribal. Arrêté et mis en tôle pour quelque temp, Eyadema ordonna sa mutation du corps militaire vers un autre corps où il prit sa retraite.

Tel père tel fils dit-on souvent. Comme, l’avait tenté le père, le fils a voulu suivre surement les pas du père. Il n’est pas étonnant, car le Colonel Madjoulba est le fils de son père. Fort de cela il donnait des insomnies au fils d’Eyadema Gnassingbé, surtout qu’après les élections, il aurait refusé de donner le drapeau au président élu. Ceci n’explique-t-il pas cela ? Et si le Général Kadangha était le capitaine Alfred Dreyfus du Togo ?

L’histoire du Général Kadangha Abalo n’est-elle pas pareille à celle d’Alfred Dreyfus ?

En effet dans la nuit du 3 au 4 Mai 2020 le Colonel Madjoulba fut assassiné par des inconnus. Mais dans la même nuit le Général Kadangha Abalo est accusé à tort ou à raison par des rumeurs distillées surement par les vrais assassins d’en être le coupable. Comme le dit une sagesse kabiyè, la chanson qui est déjà apprise est facile à se reprendre en chœur. A partir de ces rumeurs qui ne se fondent sur rien de sérieux, le Général Kadangha Abalo est indexé comme coupable de l’assassinat du Colonel Madjoulba. Ainsi, sans aucune enquête sérieuse, le Tribunal militaire aurait entériné cette rumeur.

Eu égard au refus du Tribunal de tenir compte de certains éléments de droit, ce procès nécessite d’être révisé comme le procès du Capitaine Alfred Dreyfus en France pour que le droit soit dit avec beaucoup de rigueur pour qu’on n’ait pas l’impression qu’il est simplement organisé pour éliminer quelqu’un dont on a peur.

Concernant le Capitaine Dreyfus, il faut rappeler qu’il était un officier d’Etat-Major de l’armée de terre française injustement accusé par l’armée française d’être auteur de la fuite d’informations au profit de l’Allemagne. Il a été arrêté le 13 octobre 1894. Le Conseil de guerre le condamne lourdement après un procès truqué, avec des pièces falsifiées dans le dossier d’accusation : l’officier est envoyé dans un bagne à l’île du Diable en Guyane. Or Dreyfus ne cessera pas de se déclarer innocent. En parallèle, sa famille, des journalistes et des politiques le soutiennent, mettant au jour les anomalies du procès et réclamant sa réouverture. Ce qui fut fait.

Qu’il me soit permis qu’à travers cet article de plaider pour la libération du corps du Colonel Madjoulba afin que la famille fasse le deuil. Ceci permettra le repos éternel de son âme. Si en France, cela a été possible, ça devrait l’être aussi au Togo dans la mesure où les 2 juridictions sont du droit romain.

Vladimir Tamar

Source : La Dépêche N°1185 du 28 Février 2024

Source : 27Avril.com