L’Armée togolaise : Loyaliste ou républicaine ?

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L’Armée togolaise : Loyaliste ou républicaine ?

Samedi dernier, la Présidente de Cap 2015 a invité l’armée togolaise à emboîter les pas à leur homologue Zimbabwéenne. Mais en réplique, le ministre de la Sécurité et de la protection civile, le Colonel Yark Damehame a déclaré que l’armée togolaise est loyale et républicaine. Et donc, ne saurait se ranger du côté de l’opposition. A la lumière de cette déclaration du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, couplée à une certaine évidence, la question est aujourd’hui de savoir si l’armée togolaise est vraiment loyale.

Des fleurs : un geste, un symbole !

Le samedi 18 novembre 2015, bouclait les trois jours de contestation populaire à laquelle avait appelé, la semaine dernière, la coalition des 14 formations politiques de l’opposition togolaise. Au point de chute de cette marche à Lomé, la Présidente du Cap 2015, après avoir offert symboliquement un bouquet de fleurs à l’armée togolaise lui signifiant son admiration et son affection, l’a ensuite invitée à emboîter les pas à son homologue du Zimbabwe qui a assigné en résidence surveillée, de puis mardi dernier, le président Robert Mugabe dont les dernières prises de décisions furent fortement critiquées dans le pays.

« Une rose pour chaque militaire pour exprimer à notre armée que nous voulons faire corps avec qu’elle. Nous sommes tous des Togolais, notre armée est la nôtre. Nous avons les mêmes problèmes, nous avons les mêmes aspirations à la démocratie, les aspirations au bien-être. Nous ne voulons pas qu’il y ait une méprise entre nous et l’armée. Nous voulons finir ce combat avec notre armée dans l’intérêt de notre nation », a notamment expliqué Brigitte Kafui ADJAMAGBO-JOHNSON. Et de poursuivre en précisant que «Nous voulons que l’armée togolaise se batte aussi avec nous. Nous avons été émus de voir… qu’au Zimbabwe, l’armée et les populations civiles étaient tous dans la rue en train de danser et de montrer leur aspiration au changement. C’est ce que nous voulons au Togo. Nous voulons faire le changement ensemble, tous les Togolais, tous les corps ensemble et nous ne voulons le faire contre personne ».

Loyauté jusqu’au bout

Interrogé plus tard dans la soirée sur cette invite de la coalition, le ministre de la Sécurité ne s’est guère montré interpellé. Au contraire, c’est une invite, à ses yeux, non avenue. « La coalition ? Elle veut que les militaires soient de son côté ? S’ils (opposants) veulent que les militaires soient de leur côté, pourquoi ils marchent ? Vous êtes allés lyncher les militaires et vous voulez qu’ils soient avec vous ?», s’interroge le ministre Yark qui, plus loin, affirme que l’armée togolaise est loyale et républicaine. Donc fidèle au service du pouvoir en place. Rien d’anormal à propos. Il est plutôt d’une évidence que les principes démocratiques recommandent à la Grande muette, au-delà de son statut d’institution «apolitique», reste néanmoins aux services des autorités en place et assure, par la même occasion, l’intégrité territoriale de la Nation.

Togo, un exemple ?

Au regard de l’histoire politique du Togo, cette injonction juridique et constitutionnelle y paraît plus théorique que pragmatique. Et pour cause, depuis toujours, l’armée est restée omniprésente dans la vie politique togolaise. Depuis 1963, cette armée a solidement pris les commandes du pays jusqu’en 2005 où décède le Gal Gnassingbé Eyadema. Aujourd’hui, cette armée togolaise, pour de multiples raisons, est aux yeux de l’opinion nationale voire internationale, une armée «clanique et tribale» qui participe à l’enracinement d’un pouvoir autocratique qui ré- gente le pays depuis plus de 50 ans. Et les arguments ne manquent pas pour étayer cette assertion.

Dans sa parution N°764 du 8 novembre 2017, la Lettre du Continent a allumé ses projecteurs sur des Officiers Supé- rieurs togolais qui contrôlent la «machine sécuritaire» du Chef de l’Etat. Des hauts gradés, somme toute, issus de la région Nord du pays, souvent alliés ou parentés à la famille présidentielle. En premier, le Chef d’Etat Major Général des Forces Armées Togolaises (FAT), Félix Abalo Kadangha. Ce «bras armé de Faure Gnassingbé», selon la Lettre du Continent, est originaire de Tchitchao près de Kara, fief natal des Gnassingbé dans le nord du pays. Ce beau-frère de Faure est connu pour avoir mené la répression contre Kpatcha Gnassingbé, ex-ministre de la Défense et demi-frère du président togolais qui croupit depuis 2009 à la Maison d’arrêt de Lomé. Ce dernier a d’ailleurs renouvelé, le 18 octobre dernier à Kara, la confiance de l’armée au chef de l’Etat. Outre le Chef d’Etat-Major des FAT, vient le ministre de la Sécurité et de la Protection Civile, Damehane Yark, le seul non Kabyé du premier cercle de Faure Gnassingbé. D’ethnie Moba de Dapaong, ce dernier a, dans son rôle, été sollicité pour ramener le calme dans les villes de Sokodé, Mango, Dapaong (Nord). Ces villes qui sont actuellement bousculées par les manifestations politiques enclenchées depuis le 19 août dernier par le Parti national panafricain (PNP) de l’opposant Tikpi Salifou Atchadam, un Kotokoli de Sokodé. Colonel des Forces armées togolaises (FAT), Yark a dirigé, par le passé, la Gendarmerie nationale togolaise. Egalement au rang des «securocrates» du régime de Lomé, figure également l’ex-responsable de l’Agence Nationale du Renseignement (ANR), l’actuel patron de la Gendarmerie, Yotrofei Massina. Kabyè de Kara, cet Officier de la gendarmerie est l’autre élément clé du dispositif présidentiel, tout comme le général Félix Abalo Kadanga.

Ce n’est pas tout. L’autre Kabyè de Kara et très actif au sein de l’équipe, reste le Commandant de l’Armée de Terre, Kpatcha Sogoyou. A ceux-ci vient s’ajouter le colonel Djibril Ahare, chef du Régiment des paracommandos, corps d’élite des FAT basé à Kara.

Également Kabyè, il est appelé en renfort par la présidence lors des manifestations de l’opposition, selon la Lettre du Continent. L’on ne passera pas sous silence Dolama Malana, l’autre officier supérieur qui dirige le Régiment commando de la garde présidentielle (RCGP), le corps qui veille à la sécurité directe de Faure Gnassingbé. Ce cercle restreint de «securocrates», toujours selon ce journal, s’étend égale ment au Lieutenant-colonel Bitala Madjoulba, Commandant du 1er Bataillon d’intervention rapide (BIR) des régions du sud du pays, un proche du Général Félix Abalo Kadangha, Kabyè comme lui de Tchitchao. Diplômé de l’Ecole de guerre du Cameroun, ce dernier a, de par le passé, dirigé le Centre d’entraînement aux opérations de maintien de la paix à Lomé. Donc un homme de confiance du pouvoir de Lomé.

A l’analyse de ce tableau non exhaustif dressé par La Lettre du Continent sur la nomenclature du sommet de l’armée togolaise, on peut en déduire que les propos du ministre Yark ne sont que l’expression d’une prise de position de l’armée togolaise déjà connue de l’opinion.

Loin de nous toute idée d’ethnocentrisme, il est plutôt question de rappeler au ministre que l’idéal de la loyauté de l’armée togolaise dont il vante les valeurs républicaines, a encore de beaux jours devant elle. Tant les clichés, les faits et gestes demeurent remarquables et parlent d’eux-mêmes.

Source : www.icilome.com

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