La lutte politique, loin d’être un processus permettant à ceux qui la mènent d’atteindre des objectifs personnels vise l’instauration d’une forme de gouvernement basée sur une idéologie, une façon de diriger le peuple. En Afrique, cette conviction fut l’une des principales sources de motivation des pères de l’indépendance, ceux-là qui ont été aux devants de la lutte contre la colonisation et la domination des puissances occidentales. Pourtant, au Togo, l’accession à la « souveraineté internationale » n’a pas été la panacée aux maux sociaux qui exaspéraient les populations de l’époque. Au contraire, les idéaux qui animaient les acteurs de l’indépendance ont été brutalement remis en cause le 13 janvier 1963 par le tout premier coup d’Etat militaire de l’Afrique au lendemain des indépendances. Depuis lors, la société togolaise cafouille, vacille entre une dictature multi décennale, une pauvreté anachronique malgré ses immenses richesses et une gouvernance atypique. La renaissance de la société togolaise qui suppose une refondation de la société parait un leurre.
Le trajet entre le diagnostic des maux et la renaissance de la nation togolaise
Au commencement était la société traditionnelle. Même dans ce concept où la royauté dynastique était la plus répandue, le bien-être de l’Homme était au centre des priorités de chacun. Au Togo depuis un demi-siècle, non seulement la personnalité humaine est désacralisée mais aussi et surtout le bien-être du peuple n’a jamais été une préoccupation majeure des gouvernants.
Les germes du populisme et du culte de la personnalité ayant trouvé un terrain fertile sous feu Eyadema Gnassingbé, l’exercice du pouvoir d’Etat a été perçu et exécuté non comme un devoir envers ses concitoyens mais plutôt comme une mission personnelle ou privée. Les violations massives des droits humains, la répression systématique de toute forme d’opposition ou d’idée contraire à la volonté du Timonier national, les chants et à la gloire du «miraculé de Sarakawa » avaient fini par faire de la société togolaise un peuple dont le salut, la paix, le développement, la stabilité, la prospérité ne dépendaient que d’une seule personne : Eyadema. Dans ce contexte de restriction du droit à la pensée, la majeure partie de l’élite togolaise s’est vue contrainte de se mettre au service de la dictature, de gré ou de force, c’est selon, dans le seul et unique but de disposer des moyens pour faire face à leurs besoins naturels.
La panacée aura été le vent de l’Est, les contestations tous azimuts des années 1990. Mais là encore, l’élite aura échoué de se mettre au service du peuple. Eyadema se maintiendra au pouvoir même s’il a été sérieusement secoué. Le peuple, s’étant subitement rendu compte qu’il constitue le vrai pouvoir et ayant découvert une brèche s’y est engouffré au nom d’une liberté confondue au libertinage. Conséquence, les valeurs morales que sont le civisme, l’honneur et l’intégrité, l’amour et l’intérêt supérieur de la nation ont disparu du Togo. A ce jour, la société togolaise est politiquement malade, moralement dépravée, économiquement à genoux, socialement déstructurée. Le régime en place, celui de Faure Gnassingbé ne semble pas s’apercevoir de cette situation ou plutôt en profite pour se maintenir solidement aux commandes. Or le peuple, la nation togolaise doit renaitre de ses cendres. Cette renaissance passe nécessairement et prioritairement par une alternance politique qui va d’un système de gouvernance à un autre, une éclosion des potentialités humaines et un assainissement de l’atmosphère politique qui reste et demeure pollué. L’alternance politique n’est qu’une étape de la renaissance, sans doute la plus importante. Et pour y arriver, plusieurs facteurs doivent être conjugués; différentes couches sociales chacune à un niveau donné doit s’y impliquer.
Qui peut œuvrer pour la renaissance de la nation togolaise ?
Cette interrogation constitue à elle seule un début de solution au drame togolais. En effet, une frange de la population ne semble pas être concernée par la question de l’alternance ou du bien-être de la population. Eux, ce sont les membres du gouvernement de Faure Gnassingbé, les directeurs généraux des sociétés d’Etat et de leurs démembrements, les griots du régime en place, les nostalgiques de feu Eyadema et tout ce groupe d’arrivistes que Faure Gnassingbé lui-même qualifie de « minorité pilleuse ». A ce groupe s’ajoute le bas peuple, foncièrement analphabète et instrumentalisé par des relents populistes et qui considère ses droits comme des faveurs.
Au-delà de la recherche des intérêts personnels qui se trouve être un justificatif de l’appartenance à ce régime, il faut relever que la plupart de ceux qui y sont se retrouve dans une contrainte morale qui ne dit pas son nom. Le vœu est alors passif mais il existe. Ainsi, tout ce monde se retrouve-t-il dans la posture des acteurs de l’alternance que la majorité de leurs compatriotes appellent de tous leurs vœux ? Ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui, les membres du RPT-UNIR, ont le potentiel nécessaire leur permettant d’effectuer un sursaut moral pour se lancer dans le processus de la renaissance de la nation togolaise.
Les grands corps de la nation, l’armée, les corps paramilitaires, les enseignants, les professionnels de la justice et ceux de la santé, peuvent chacun en ce qui le concerne être un maillon de la chaine de refondation de la nation togolaise. Le désintérêt créé par la souffrance et la misère semblent prendre le pas sur un réel désir de changement. La seule condition qui permettrait d’y parvenir demeure une volonté de chaque citoyen de voir le Togo renaitre de ses cendres et d’arborer l’effigie d’une nation normale qui met véritablement en exergue les valeurs de ses fils et filles.
Au-delà de toutes les supputations politiciennes et des interprétations ou analyses pro ou anti-Unir qui se font, il faut reconnaitre que la société togolaise est gravement malade. L’Etat et ses démembrements n’inspirent plus aucune confiance aux citoyens. Que ce soit dans le secteur de l’éducation, de la santé, de la sécurité, de la communication ou dans le mode de gouvernance lui-même, peu de Togolais se retrouvent dans les pratiques et mesures que le gouvernement prend. Tout fonctionne à l’image d’un conglomérat où seuls les intérêts d’un petit groupe sont défendus. Pour tout dire, le Togo est à l’abandon. La gouvernance et l’autorité d’un Etat soucieux du bien-être de ses citoyens sont à la rue. Seule une réelle volonté des premiers acteurs de la vie sociopolitique ou une émergence brusque de Togolais imbus de valeurs citoyennes peut sauver le Togo.
www.icilome.com