La CEDEAO s’est trompée sur la capacité de résistance du Mali

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Mali, la bravitude

Il m’est presque impossible, quand on s’intéresse autant à l’actualité internationale, de ne pas parler du Mali, quoi que cela en coute.

De même, il m’est presque impossible de ne pas éprouver une certaine admiration face à l’intransigeance du pouvoir malien face à certaines situations. Il y a du Sekou Touré dans les propos de Choguel Maïga, mêlé parfois pas à du Dadis-Camarisme. Expulser l’ambassadeur de la France après les propos discourtois du Ministre le Drian n’a rien de choquant, surtout que depuis longtemps Paris bloque la nomination de l’ambassadeur du Mali en France.

Mais je tiens tout de même à rappeler que le Mali n’est pas le premier pays africain à expulser un diplomate français. En décembre 2009, le Togo avait déjà expulsé le premier secrétaire de l’ambassade de France au Togo, Eric Bosc, et la France avait répliqué en renvoyant aussi un diplomate togolais. Certes, ce n’était pas un ambassadeur, mais il s’agissait d’un diplomate accrédité au Togo. Cela ne veut nullement dire rupture des relations diplomatiques.

Pour ce qui est du Mali, même si je continue à promouvoir le retour à l’ordre constitutionnel, il n’est pas tolérable de traiter le gouvernement malien d’illégitime, alors que celui du Tchad est considéré comme légitime par les mêmes autorités françaises ? Ce deux poids deux mesures n’est pas acceptable.

Là ou je suis en complet désaccord avec les autorité Maliennes, c’est qu’on ne peut pas parler de souveraineté en ayant près de 20 000 troupes étrangères sur son sol. La cohérence voudrait que le pouvoir de transition demande à la force Barkhane, à Takuba et même à la Minusma de quitter le pays, et de laisser le Mali aux Maliens. Là, tout le langage souverainiste aura un sens. Autrement, ce ne serait que de la simple bravitude.

Pour la CEDEAO, elle s’est trompée sur la capacité de résistance du Mali, et cette situation, si elle perdure, risque de remettre en cause la nature des sanctions de la CEDEAO. Sur la base juridique des sanctions, il faut que la CEDEAO clarifie les choses. Il y a certes l’acte additionnel de 13 février 2012 qui traite des sanctions contre les pays qui ne suivraient pas les recommandations de la CEDEAO, mais tout n’est pas si explicite. Et sans une communication appropriée, on risque d’avoir l’impression que les sanctions de la CEDEAO respectent le bon vouloir des présidents. Ceci est dangereux car tous les pays peuvent se retrouver du jour au lendemain dans la situation malienne. Mais plus globalement, la CEDEAO a l’habitude de voir des pays se plier rapidement à ses sanctions. La résistance du Mali fait qu’il faut tout reconsidérer. On ne peut pas punir tout le peuple Malien pour les décisions de la classe dirigeante actuelle.

Le peu qu’on puisse dire est que la résistance du Mali a bénéficié au Burkina Faso, même s’il faut reconnaitre que les militaires burkinabè font actuellement preuve d’un grand souci de collaboration.

Le gouvernement de la transition du Mali a par ailleurs annoncé la mise en place d’un mécanisme de concertation avec la CEDEAO, l’UA et la communauté internationale, dans le cadre de la recherche de solutions consensuelles pour une transition réussie et un retour à l’ordre constitutionnel. A lire entre les lignes, c’est une approche diplomatique qui permettra à tout le monde de sauver la face. On obtiendra une période de transition médiane qui permettra aux deux parties de s’autosatisfaire.

Une chose est certaine, le Mali ne peut pas s’opposer indéfiniment des sanctions de la CEDEAO, surtout le l’UOMOA. Nos économies sont désormais imbriquées. Trop imbriquées.

L’autre vérité est que nos budgets nationaux sont supportés pour 30 à 40% par l’aide internationale. Notre souveraineté commencera le jour où nous pourrions nous passer de ces aides.

Pour finir, en ce qui concerne Wagner et autres sociétés des sécurité privées, il faut que l’occident cesse de nous instrumentaliser. La société de sécurité Militaire privée Américaine Black Water, désormais baptisée Academi, est l’une des plus grandes des sociétés de mercenaires au monde. C’est une société qui évolue dans une vingtaine de pays et emploie 16 000 personnes environ. Il existe plus d’une soixantaine de société militaires privées, dont Wagner, qui opèrent dans plusieurs pays, surtout arabes où ils accompagnent les armées nationales. Les pays arabes, riches, emploient ces mercenaires pour réduire les pertes nationales dans l’armée régulière, et pour passer sous le radar du droit des conflits armés, que seuls les Etats sont tenus de respecter. Il existe d’ailleurs une grande société militaire privée émiratie, Black Shield, qui intervient en Lybie et au Yémen. Elle est forte de plusieurs milliers d’hommes

Il y a par conséquent rien d’exceptionnel à utiliser des sociétés militaires privées. Comme Poutine l’a si bien dit, ce sont des sociétés privées, qui sont libres de signer des contrats avec qui elle veulent. Mais attention, et c’est là où c’est très important, les mercenaires coûtent chers, très chers. Un simple combattant coûte 1000 dollars (500 000F) par jour. Un commando ayant des responsabilités peut revenir à 20 millions de francs par mois. Ce n’est pas donné. A titre de comparaison, les 20 000 militaires de la Minusma ne coutent rien à l’Etat malien, de même que la force Barkhane. Mais 10 mercenaires chevronnés couteront plus de 100 millions par mois, sans capacité de tenir le terrain. Voila pourquoi les mercenaires vont là où il y a l’argent. Et je ne crois pas que le Mali, pays pauvre, puissent s’accorder les services de mercenaires pendant longtemps.

Voila, mon avis sur la crise malienne n’a pas changé. Que le Mali revienne aux Maliens, et que les Maliens se préparent à combattre les terroristes comme le font les Nigérians et les Nigériens avec Boko haram, le Burkina Faso avec les autres groupes armés terroristes. C’est une guerre longue, qui peut vite se terminer avec des accords politiques. Contrairement aux Français, je crois que ça reste une bonne approche, mais ne soyons pas dupes, Le GSIM et le EIGS veulent instaurer au Mali un califat, avec la charia comme loi fondamentale et ceci ne peut être acceptable non plus. Il faut trouver un juste milieu. Par contre, tant que les officiers supérieurs et autres commis continueront par détourner la nourriture, l’argent et les équipements des militaires sur le terrain, nos armées seront faibles face aux djihadistes qui sont très déterminés. J’ai fait deux mission de maintien de la paix et je sais ce qui se passe sur le terrain, ce n’est pas la faute aux Français, quand la nourriture des militaires est détournée et vendue au plus offrant.

Comme je n’ai pas cessé de le dire, il faut une transition raisonnable au Mali, et si le colonel Goïta veut devenir président, il n’a qu’à quitter la tête de la transition et se présenter à la prochaine élection. Il aura en ce moment 10 années de potentiel légitimité pour façonner le pays.

Donnez-moi vos avis sur l’évolution de la situation au Mali. Donnons nos avis vivants.

Gerry

Source : icilome.com