Interview/Kako Nubukpo : « L’essentiel de la classe politique africaine ne rend compte qu’à ses maîtres occidentaux »

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Interview/Kako Nubukpo : « L’essentiel de la classe politique africaine ne rend compte qu’à ses maîtres occidentaux »

Le discours sur l’émergence africaine serait-il la dernière trouvaille de dirigeants en perte de légitimité ? Certes, sur les 54 pays que compte le continent, une trentaine a enregistré des taux de croissance d’au moins 3 % en 2018. Les investissements directs étrangers y ont augmenté de 11 %, contre 4 % en Asie pendant qu’ils baissaient de 13 % au niveau mondial. Malgré ces chiffres, l’émergence de l’Afrique apparaît à bien des égards une arlésienne. C’est du moins l’avis de Kako Nubukpo qui a été ministre chargé de la Prospective et de l’Evaluation des politiques publiques du Togo (2013-2015) et chef du pôle « analyse économique et de recherche » de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine à Ouagadougou. Dans son dernier ouvrage, « l’Urgence africaine. Changeons le modèle de croissance », cet économiste défend la thèse d’une instrumentalisation de l’Afrique comme laboratoire du néolibéralisme avec la complicité de ses propres élites. Pour lui, l’Afrique est instrumentalisée en tant que laboratoire du néolibéralisme, notamment par les instances internationales comme le FMI ou la Banque mondiale, qui imposent depuis des décennies des programmes économiques destructeurs. Dans une interview accordée à nos confrères de Libération.fr, l’intellectuel togolais tire la sonnette d’alarme sur la réalité d’une Afrique qu’il juge à la dérive, subissant des prédations de toutes sortes, des sorties de capitaux licites et illicites… Il appelle à la mobilisation autour des projets de société collectifs et inclusifs, et à la reconquête des instruments de la souveraineté agricole. Bonne lecture !

Vous soutenez la thèse selon laquelle l’Afrique est toujours «le laboratoire du néolibéralisme», n’est-ce pas un peu exagéré ?

On pourrait ajouter l’Amérique latine. La spécificité de l’Afrique, c’est de coupler ce statut de laboratoire avec une démographie très dynamique et une absence de classe moyenne. L’Afrique a un terreau fragile qui accentue ses difficultés. La proximité des côtes libyennes avec celles de l’Europe rend encore plus urgente la nécessité de regarder ce qui se passe en Afrique.

C’est un continent cobaye, un laboratoire de postulats qui ne se vérifient pas, d’idéologies économiques en provenance du reste du monde… Erigée en horizon indépassable de la science économique, la pensée néolibérale n’a eu de cesse de tester sa toute-puissance en Afrique. On peut reprendre les propos

Source : www.icilome.com