2 août 2018
Interview pour Radio Victoire FM, Togo
Invité : Dr Yves Ekoué AMAÏZO
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RADIO VICTOIRE FM TOGO
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Thème de l’émission : LA FEUILLE DE ROUTE DE LA CEDEAO
Journaliste : Joachim AGBETIM
Interview du jeudi 2 août 2018 – 7h-8h20. Mise en ligne le 04 août 2018.
Emission spéciale et entretien avec l’invité :
Dr. Yves Ekoué Amaïzo, Coordonnateur du Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU-TOGODIASPORA)
ECOUTER :
Sujet : Togo : Votre position sur la Feuille de Route de la CEDEAO proposé lors du 53 session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
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QUESTIONS DE RADIO VICTOIRE et Réponses du Dr Yves Ekoué AMAÏZO. CVU-TOGODIASPORA.
Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
1- Depuis le 19 août 2017 et bientôt un an, les Togolais étaient dans la rue pour des réclamations précises. Mais après quatre (4) rounds de dialogue, les chefs d’État et de gouvernements de le CEDEAO viennent de dévoiler la feuille de route de cette institution. Comment analysez-vous de manière globale cette feuille de route ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
Entre le 19 août 2017 et le 19 août 2018, est-ce que les revendications du peuple togolais dans sa grande majorité sont satisfaits ? La réponse est non. La Feuille de route n’est qu’une recommandation de la CEDEAO sous la Direction de Faure Gnassingbé. Il faut donc faire une nouvelle proposition avec le nouveau Président en exercice de la CEDEAO, Muhammadu Buhari qui n’a pris fonction qu’à la fin de la conférence, soit une fois que Faure Gnassingbé a correctement influencé le contenu de la Feuille de route la CEDEAO. La feuille de route est donc bien une feuille de route à l’avantage de Faure Gnassingbé qui est le seul à demander des élections en ne faisant pas de réformes ou en faisant des réformes de façade, voire en les bâclant.
En conséquence, ceux qui veulent une victoire et non un arrangement avec Faure Gnassingbé sur une forme nouvelle de légitimation du pouvoir en place devrait se réveiller et réfléchir s’ils n’ont pas trahi le Peuple togolais.
En réalité, le vrai « faux » dialogue était censé durer 10 jours et maintenant on est déjà dans le 5 mois. Voici qu’avec un comité de suivi et des élections le 20 décembre 2018, la CEDEAO veut stopper la capacité du Peuple togolais à choisir ses dirigeants. Aussi, pour ceux qui sont indépendants et souhaitent aller jusqu’au bout de cette lutte sans trahir, il est plus question pour la CEDEAO de stopper les marches pacifiques du peuple togolais.
2- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
Certaines langues estiment que la feuille de route de la CEDEAO serait rédigée par la diplomatie togolaise se basant sur le fait que c’est le Togo qui était à la Présidence et que c’est aussi le Togo qui était à la manette de l’ordre du jour du sommet ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
Je ne sais pas qui a rédigé la Feuille de route de la CEDEAO. Mais il y a eu confusion sur le communiqué final avec des différences entre la position du pouvoir togolais et la position de la CEDEAO. Mais qu’importe, les vraies revendications du Peuple togolais consistant à demander l’application strict de la Constitution de 1992 et ses conséquences à savoir le départ de Faure Gnassingbé n’a pas été évoqué. Donc s’il y a transition, elle devra se faire avec Faure Gnassingbé et son système. Par ailleurs, il n’a nullement été question de libérer les prisonniers politiques qui croupissent dans les prisons insalubres et vétustes togolaises. En réalité, sans changement de Présidence de la CEDEAO, il ne fallait pas s’attendre à une forme moderne de statu quo. Autrement dit, la Feuille de route ne pourra pas s’appliquer telle quelle sous la présidence du nouveau Président en exercice de la CEDEAO. Mais, le Togo ne peut limiter son avenir à une simple feuille de route. Il faut un véritable programme commun sur l’avenir du Togo.
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3- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
Dans cette négociation avec ce qui vient d’en sortir, peut-on se permettre de dire qu’UNIR s’en est sorti gagnant ou bien c’est l’opposition qui a eu gain de cause ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
Au niveau de la Feuille de route officielle, la CEDEAO n’a pas fait de propositions pour l’avenir du Togo, mais pour l’avenir de Faure Gnassingbé et son système.
Aussi, on peut en déduire que c’est UNIR qui est gagnante.
Mais compte tenu du rôle de « deux poids deux mesures de la CEDEAO » qui a perdu sa neutralité, la Feuille de route sera inapplicable dans un Togo où plus de 80 % de la population est en colère contre les usurpateurs de la vérité des urnes et contre ceux qui ont légitimé ce système inique fondé sur l’impunité et l’abus de pouvoir et du droit en allant aux élections en 2015 sans fichiers électorales crédibles, avec une Commission électorale défaillante et une Cour constitutionnelle aux ordres de Faure Gnassingbé.
Il faut donc démontrer que Faure Gnassingbé qui a roulé le Peuple togolais au cours des 27 dialogues passés ne pourra pas changer et mettre en œuvre sérieusement les recommandations de la CEDEAO, à moins que le poulet bicyclette togolais se mette à pousser des dents et à boire du vin de palme.
4- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
En analysant en profondeur, est ce que ce schéma tracé par la CEDEAO ne s’apparente pas à du déjà vu ? Puisque en 2006, on avait recomposé la CENI, la Cour Constitutionnelle etc. ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
La proposition de la CEDEAO sous présidence de Faure Gnassingbé est une copie collée de tout ce que vous retrouvez comme recommandations dans l’accord politique global APG de 2006, de la Commission Vérité-Justice-Réconciliation et même des structures créées par Faure Gnassingbé comme le HCRUN, le comité des intellectuels et universitaires, etc… C’est donc du déjà du vu qui a été mal copié car la CEDEAO va découvrir que Faure Gnassingbé n’a jamais respecté une seule des recommandations de l’APG, même sous la pression des sanctions de l’Union européenne. Comme vous le dites, la recomposition des institutions comme la CENI, la Cour constitutionnelle, et la refonte à la va-vite du fichier électoral avant les élections ne sera que de la façade pour plaire à la CEDEAO et aux pays occidentaux souhaitant le statu quo tout en disant que le « statu quo n’est plus possible ».
5- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
La feuille de route de la CEDEAO donne l’impression de couper la poire en deux : en particulier lorsqu’elle propose tout comme l’opposition la limitation des mandats présidentiels à 2, le scrutin à 2 tours, le vote de la diaspora, la révision intégrale de la liste électorale, mais reste muette sur la fameuse phrase “en aucun cas”, et sur la CENI actuelle qui est également contestée par le C14. Ne pensez-vous pas qu’il y a beaucoup de non-dits dans cette feuille de route ? Est-ce une volonté délibérée de ne pas faire de mécontents ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
La CEDEAO n’a rien coupé en deux. Elle a fait la liste partielle et partiale des propositions du Peuple togolais. En effet, en oubliant la libération des prisonniers politiques notamment ceux de NUBUEKE, en oubliant de proposer une transition sans Faure Gnassingbé, en oubliant de rappeler l’entorse à la Constitution de 1992 avec le non-respect du parallélisme des formes, la CEDEAO a choisi d’organiser l’avenir du Faure Gnassingbé et non l’avenir du Togo et du Peuple Togolais. Pire, les non-dits permettent de laisser Faure Gnassingbé gérer la suite comme il l’entend. Si le Peuple togolais le souhaite ainsi, pourquoi pas ? Mais la réalité est que le Peuple togolais est « fatigué » d’une gestion fondée sur la non-transparence, une grande corruption restée impunie et surtout l’arrangement entre les affidés du pouvoir et d’Unir. Pourquoi l’ensemble des sociétés d’Etat au Togo sont déficitaires et aucune sanction n’est prise contre des dirigeants corrompus ou incompétents ou les deux ? Ce n’est qu’un exemple. LA CEDEAO vient d’inventer la forme moderne du syndicat des chefs d’Etat au cours des deux derniers jours de Présidence de Faure Gnassingbé. Donc, sous la nouvelle présidence du Président nigérian, les choses devraient changer. Encore faut-il aller le voir avec une proposition commune et crédible. Un programme pour l’avenir du Togo soutenu par un Mouvement pour l’avenir du Togo pourrait grandement le convaincre de choisir le camp du Peuple togolais.
6- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
Cette feuille de route comporte des non-dits en particulier cette proposition de la CEDEAO d’accompagner le processus électoral dans toutes les étapes. Est-ce là un moyen de répondre à l’une des revendications majeures de la C14 qui accuse souvent le gouvernement de faire des élections dont les résultats ne reflètent pas ce qui passe dans les urnes ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
Aucune élection au Togo n’a à ce jour permis d’exprimer la volonté du Peuple togolais car entachée de fraudes et de contrevérités des urnes, souvent avec des simples inversions de résultats. Ce n’est pas les dirigeants de l’Union des forces du changement ou de l’Alliance Nationale pour le Changement qui me démentira. Ils en ont été les victimes. Le problème est que cette contrevérité des urnes a toujours et systématiquement été soutenu par la CEDEAO. Donc quand la CEDEAO demande d’accompagner le processus électoral à toutes les étapes, est-ce pour la vérité des urnes ou la contre-vérité des urnes ? Si c’est pour rouler le Peuple togolais dans la farine de manioc encore une fois, il est préférable que la CEDEAO ne vienne pas au Togo pour s’occuper des élections. D’ailleurs, la CEDEAO a oublié de mentionner que Faure Gnassingbé n’a jamais fait d’élections locales car avec la proximité avec les populations, il est extrêmement plus difficile de tricher ou d’inverser des résultats. La CEDEAO n’est pas allée vérifier que la sous-traitance confiée à une société belge pour préparer des élections au Togo respecte le code des marchés publics togolais. D’ailleurs, qui à part Faure Gnassingbé contrôle cette société étrangère capables de toutes les manipulations sur des procédures et systèmes électoraux où personne ne peut obtenir d’informations fiables sur les fichiers électoraux et surtout de procéder aux vérifications d’usage. Donc ceux qui choisissent d’aller faire de la sensibilisation, puis des élections uniquement pour récupérer l’argent de la campagne électorale resteront dans l’histoire comme des traites à la cause du Peuple togolais.
7- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé:
La CEDEAO demande de retourner à l’Assemblée Nationale pour ces réformes et à défaut à aller au référendum. Cette option laissée par les chefs d’États ne risque-t-elle pas de pousser une des deux (2) parties à rester campée sur sa position sans concession en pensant aller directement au référendum ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
La réponse est oui. Mais le rapport de force en faveur du pouvoir en place va permettre un statu quo. Le Peuple togolais finira pas comprendre et rejeter une telle forfaiture. En fait, c’est tout le parlement togolais qui ne reflète pas la vérité des urnes. Retourner à l’Assemblée nationale pour les réformes, c’est maintenir le statu quo et s’assurer de voir le parti majoritaire sur la base des fraudes électorales adopter tout ce que souhaite Faure Gnassingbé.
8- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
Cette décision de la CEDEAO, doit-on l’assimiler à une obligation pour UNIR et la C14 ou bien ce ne sont que de simples propositions ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
La CEDEAO est une institution suprarégionale et ne peut donner des injonctions liant les Etats membres. En fait, il s’agit de recommandations qui risquent de changer puisque ces recommandations sont intervenues sous la Présidence de Faure Gnassingbé et non sous la Présidence du Président Buhari du Nigeria.
9- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
Les chefs d’États sont restés muets sur la candidature ou non de Faure Gnassingbé en 2020. Comment l’expliquez-vous ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
Non, les chefs d’Etat ne sont pas restés silencieux. Lorsqu’il n’est pas indiqué comment va se dérouler les élections présidentielles au Togo en 2020, cela veut dire que la CEDEAO ne met pas en cause le statu quo. Mais sous la présidence effective du Président du Nigeria, tout ceci pourra changer.
10- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
Dans la Diaspora, vous allez bientôt voter chaque fois qu’il y aura une élection. Et enfin ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
Je m’étonne que vous puissiez faire confiance sans vérification et contrôle à la CEDEAO et à Faure Gnassingbé. Il est question de « stopper » – si possible de manière définitive- les marches pacifiques. Aussi, l’annonce sur le vote de la Diaspora devrait satisfaire une Diaspora non indépendante. En réalité, avec des dates impossibles à tenir, le recensement, les conditions de vote à l’étranger, l’annonce des résultats dans les bureaux de vote avant la centralisation des résultats ne sont pas de nature à rassurer. Par ailleurs, il suffit de faire voter dans une ou deux villes à l’étranger pour annoncer ensuite que l’ensemble de la Diaspora a voté. Bref, c’est lorsque la vérité des urnes sortira des urnes togolaises, suite à une préparation transparente et une fiabilité des fichiers, que les chances d’amélioration des conditions de vie et de liberté au Togo pour la grande majorité du Peuple togolais deviendront tangibles.
11- Joachim Agbetim de Radio Victoire Fm à Lomé :
Après la publication de la feuille de route de la CEDEAO, on peut affirmer sans trop risquer de se tromper que notre pays est à la croisée des chemins. Comment les protagonistes de la crise devraient se comporter pour éviter de tomber dans le chaos ?
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO.
Oui, le Peuple togolais doit revoir l’ensemble de sa stratégie et s’interroger si les mêmes qui les ont conduits là où on est arrivé, devraient encore les conduire vers un meilleur futur au Togo.
Aussi, il faudra nécessairement avoir une nouvelle vision crédible qui permettent aux uns et aux autres une adhésion libre et volontaire. Pour ce faire, il est suggéré les points suivants :
1. élargir la Coalition des 14 partis politiques en y intégrant sans hypocrisie la société civile, la Diaspora si possible indépendantes, d’autres partis politiques non membres de la C14 avec deux conditions majeures ;
2. tous les membres de cette structure élargie doivent être indépendants du pouvoir de Faure Gnassingbé, des réseaux ésotériques et du système de clientélisme d’UNIR et des militaires non républicains ; enfin
3. le mode décisionnel au sein de cette nouvelle structure qui pourrait s’intituler un Mouvement pour l’Avenir du Togo (MAT) doit être démocratique.
Donc, il faudra proposer un Programme commun pour ce nouveau Mouvement pour l’Avenir du Togo et continuer les marches car la CEDEAO a choisi de soutenir encore une fois Faure Gnassingbé en le laissant, sous couvert de sous-entendus, le choix de diriger une transition.
Difficile dans ces conditions d’entrevoir une chance de voir s’appliquer ce que souhaite le Peuple togolais et sa Diaspora indépendante dans sa très grande majorité. En définitive, si la lutte n’aboutit pas, c’est bien la démocratie du RPT/UNIR et son système militaro-civil au Togo fondé sur l’impunité et l’abus de pouvoir qui risque de triompher.
Après tout au Togo, la CEDEAO n’a jamais pris une décision en faveur du Peuple togolais, au contraire ! C’est la CEDEAO qui a feint de ne pas voir la contrevérité des urnes au Togo, en 2005, 2010 et 2015… Alors pourquoi ce serait différent pour 2020 ou pour toutes élections intermédiaires ?
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3 août 2018.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO
Coordonnateur général
Collectif pour la Vérité des Urnes.
Direction du Comité de rédaction sur l’Avenir du Togo au sein du réseau de coordination de la Diaspora togolaise indépendante.
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