Mahamat Kodo Bani 47 ans, tchadien
C’est la figure centrale des mercenaires arrêtés au Cameroun. Mais qui est-il ? Contacté, le ministre des Affaires étrangères tchadien, Mahamat Chérif Zène, préfère ne pas s’étendre sur son compatriote et se borne à nier l’appartenance passée de l’homme à l’armée de son pays. « Il n’a jamais été ne serait-ce qu’un officier subalterne et se faisait sans doute appeler général pour promouvoir ses activités de mercenaire », nous déclare-t-il. Selon plusieurs sources concordantes, les faits sont pourtant tout autres. Mahamat Kodo Bani s’illustre ainsi au Darfour au sein du Mouvement patriotique de salut (MPS), à la fin des années 1980. Né en 1970 dans la région du Guera, il n’a pas encore 20 ans, et c’est à la faveur de la victoire du MPS face au régime de Hissène Habré, en 1990, qu’il rentre dans le rang. Idriss Déby Itno construit alors une « garde présidentielle » disparate, incorporant les anciens rebelles dans plusieurs unités commandées par le chef d’état-major Daoud Soumaïn, lui aussi originaire du Guera et dont il est proche, jusqu’à sa mort en 2008. Mahamat Kodo Bani y accède au grade de commandant, y est envisagé comme général (l’acte ne sera en réalité jamais signé) et y sert jusqu’en 2003.
Mercenaire
Emprisonné à la suite d’une condamnation dans une affaire financière, il rebondit ensuite au sein de la Garde nationale nomade du Tchad du général Mahamat Saleh. Le Hadjerai, qui a entretemps participé à la prise de pouvoir de François Bozizé en Centrafrique, se rapproche alors peu à peu des opposants des Forces unies pour le changement (FUC, créées en 2005) de Mohammed Nour Abdelkerim et finit par faire défection, intégrant le regroupement rebelle de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD, 2006) puis l’Union des forces pour le changement et la démocratie (UFCD, 2008) et l’Union des forces pour la résistance (UFR, 2009). Avec ces groupes, Mahamat Kodo Bani participe notamment à l’attaque de N’Djamena en 2008, lorsque les rebelles parviennent à menacer le palais présidentiel d’Idriss Déby Itno – en vain. Défait, Mahamat Kodo Bani est incarcéré de 2010 à 2013. Une fois libéré, il multiplie ses missions de mercenaire, en particulier en Centrafrique aux côtés de la Séléka, notamment lors de la prise de pouvoir de Michel Djotodia en 2013. Les autorités tchadiennes affirment dès lors avoir perdu sa trace, bien qu’un passeport à son nom soit émis par N’Djamena en 2016, le qualifiant étrangement d’« informaticien ». Il avait tout de même été aperçu une dernière fois auTchad en septembre 2017. Arrêté à Douala le 29 décembre, Mahamat Kodo Bani serait détenu àYaoundé, dans l’enceinte du Groupement spécial des opérations.
Laban Obama Abesso 63 ans, équato-guinéen
Il est le principal ressortissant équato-guinéen parmi les mercenaires interpellés au Cameroun. Ancien militaire, le sergent Laban Obama Abesso aurait déserté en 1983, à la suite d’un coup de force tenté contre la transmission du pouvoir aux autorités civiles. On retrouve ensuite sa trace aux États-Unis, où il s’est exilé. Selon un document de voyage américain qui lui confère le statut de réfugié, il y est aujourd’hui « résident permanent » et dispose d’un visa à entrées multiples, pour « visite familiale », qui lui a permis de rentrer sur le territoire camerounais, via l’aéroport de Douala, le 2 décembre. Selon nos sources, il serait un proche d‘Enrique Nsue Anguesomo, ambassadeur de Guinée équatoriale au Tchad interpellé à Ebebiyín le 30 décembre, et de Hamed « Dada » Yalo, mercenaire centrafricain arrêté à Kyé-Ossi et entré au Cameroun via Douala. Le 27 décembre, le sergent Abesso est arrêté à Kyé-Ossi. Selon une source à Malabo, il affirme aujourd’hui avoir voulu se rendre dans la région d’Ebebiyín, dont il est originaire, pour visiter sa mère malade
Hamed « Dada » Yalo 35 ans, centrafricain
Au nombre des interpellés du 27 décembre au Cameroun, il attire l’attention. Hamed Yalo, surnommé Dada, est le frère de Sani Yalo, un proche du président Faustin-Archange Touadéra (dont il a soutenu financièrement la campagne). Cette famille haoussa est bien connue à Bangui. Ses membres ont toujours gravité autour du pouvoir. Selon certaines sources en Centrafrique, les Yalo, dont la mère est tchadienne, auraient d’ailleurs parfois servi d’intermédiaires entre le président tchadien Idriss Déby Itno et son futur homologue centrafricain François Bozizé au début des années 2000. « Dada » est envoyé au Tchad en formation à l’école des officiers en 2011, au sein du dernier contingent de Centrafricains ayant fait ses classes à N’Djamena. Il y réside jusqu’en 2014. Mais, entre-temps, Bozizé est tombé. Sa formation achevée, Hamed s’envole donc pour la France, où il aurait obtenu le statut de réfugié. Il s’établit dans les Hautsde-Seine, tout comme sa sœur Hawa, ce qui ne l’empêche pas de se rendre régulièrement au Tchad et au Cameroun. C’est en France, où il aurait eu des ennuis judiciaires pour escroquerie, que ce mercenaire est associé à l’affaire. Il reçoit une forte somme avant de se rendre au Cameroun, à Douala, fin 2017, d’où il dépêche un émissaire pour recruter une équipe à Bangui. Ces mercenaires le rejoignent ensuite dans la capitale économique. Ils se rendent à Kyé-Ossi, où ils seront arrêtés en possession d’un gros montant. Ironie de l’histoire, son propre frère, Sani, affirme avoir participé à sa dénonciation. « Nous avons été informés que des Centrafricains étaient impliqués dans une tentative de déstabilisation. Nous avons donc prévenu les autorités des pays concernés, le Cameroun et la Guinée équatoriale. Si mon frère est un terroriste, il faut le traiter comme tel. Je n’ai pas d’états d’âme », raconte-t-il à JA. SaniYalo a-t-il réellement pré- venu les services camerounais? Cherche-t-il à se dédouaner ou à protéger ses connexions au Cameroun, où il est bien implanté ? Sa famille est en tout cas au centre des investigations menées en Guinée équatoriale.
Les commanditaires présumés
Salomon Abeso Ndong 54 ans, président de la Cored
Originaire de la région de Mongomo comme le chef de l’État, cet opposant exilé entre Londres et Paris (oùil possède un pied-à-terre) est la principale personnalité désignée par Malabo. Contacté par JA, il dément être impliqué, ou même connaître les acteurs arrêtés, notamment HamedYalo, qui réside lui aussi en région parisienne. Abeso Ndong accuse Obiang Nguema d’être « l’instigateur d’un faux coup d’État destiné à détruire toute opposition ». Cet homme d’affaires passé par des universités américaine et britannique a dirigé à Malabo Atlantic Methanol de 1993 à 2002. Il est le neveu d’un ex-président de l’Assemblée nationale, Felipe Ondo Obiang (ministre sous le président Francisco Macías Nguema), fondateur de la Force démocratique républicaine (FDR), parti dans lequel Abeso Ndong a été actif. En 2002, lui et son oncle sont arrêtés et torturés. Abeso Ndong est condamné à mort. Sur intervention américaine, il est libéré après plus de deux ans. Passé aux États-Unis et en Espagne, il trouve asile en Grande-Bretagne. Il travaille aujourd’hui dans l’immobilier. En 2013, il lance à Paris la Coalition d’opposition pour la restauration d’un État démocratique (Cored), rejointe un an plus tard par Severo Moto Nsa, auteur d’une tentative de coup d’État en 2004 avec le mercenaire Simon Mann. La Cored a été partie civile dans le procès des « biens mal acquis », que le fils du président, Teodorín, a perdu.
Ruben Clemente Nguema Engonga Avomo 36 ans, président de la cour provinciale de Bata
Actuellement à Madrid pour subir des soins, le fils du ministre de
l’Intérieur équato-guinéen, Clemente Engonga Nguema Onguene,
est accusé par Malabo d’avoir participé à un complot élaboré par des
rejetons de hauts dignitaires afin d’empêcher l’arrivée à la tête de
l’État équato-guinéen du fils du président,Teodoro Nguema Obiang
Mangue, surnommé Teodorín. Ruben Clemente, qui dirige la cour
provinciale de Bata, est originaire de Mongomo. Il est en outre un
proche de l’opposant en exil Salomon Abeso Ndong, avec lequel il
a grandi.
Source : www.cameroonweb.com