Foncier au Togo : Le vrai problème des conflits, c’est l’État lui-même.

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Les problèmes fonciers prennent plus de la moitié des affaires à la justice. Ils ne sont jamais régulièrement tranchés, ce qui pose un véritable souci étatique dans ce domaine.

Foncier au Togo : Le vrai problème des conflits, c’est l’État lui-même.

Le forum organisé devrait permettre de trouver des voies et issues pour juguler une fois pour toutes cette épineuse question. Mais la crainte est réelle. Sur plusieurs sujets de la même importance, on y met de la ferveur et de l’engouement à son démarrage comme ce fut le cas au Radisson Blu 2 février. Mais comme un feu de paille, il s’s’éteint après de grandes flammes et le problème demeure. Puisse l’autorité prendre en compte les vrais défis liés au foncier au Togo et y trouver des solutions durables.

Ce sont de beau discours, ce sont de belles résolutions, ce sont de bons engagements qui ont meublé le forum national sur le foncier au Togo. Premier ministre et ministre de l’Urbanisme, experts togolais et expatriés, spécialistes de questions des terres se sont succédés pour saluer l’initiative.

Le forum est placé sous le thème : « Une gouvernance inclusive pour un développement durable : le temps de l’action ». Il vise selon les organisateurs à identifier des pistes d’actions permettant de réduire les conflits fonciers au Togo.

Très vite on est allé en besogne pour siffler la fin des problèmes fonciers au Togo alors que le fond du problème n’est même pas encore touché. Litiges, escroqueries, trafics d’influence, corruption, injustice et procès scélérats … jalonnent quotidiennement le parcours du foncier au Togo. De réels problèmes que l’autorité togolaise devrait régler et assainir un milieu hautement infecté.

Plusieurs thématiques ont été développées lors du forum : le mode d’accès à la propriété foncière, le cadre juridique et intentionnelle du foncier au Togo; les causes de l’insécurité foncières et gestion des litiges, le mode gestion et le marché hypothécaire au Togo. Plusieurs recommandations dont 21 à court terme, 08 à moyen terme et 05 à long terme se sont sorties de ces travaux de quatre jours. Les plus pertinentes feront objet d’intégration dans l’avant-projet de loi relatif au nouveau code foncier au Togo au terme des travaux.

Le premier ministre Sélom Klassou et le ministre en charge de l’Urbanisme Fiatuwo Sessenou ont exprimé leur satisfaction face aux conclusions du présent forum qui est allé plus dans des dispositions pratiques. A court terme, les assises ont recommandé entre autres : l’élaboration urgente d’une politique nationale foncière, la mise en place urgente du cadastre polyvalent et d’un guichet unique du foncier, la mise en réseau des différentes administrations concernées par la question foncière pour faciliter la circulation d’informations, l’élaboration et la révision des schémas directeurs des différentes localités, rendre facile, rapide et moins coûteuse la procédure d’immatriculation (à cet effet toute parcelle non immatriculé ne doit plus faire objet de vente) etc.

A moyen terme, il s’agira entre autres de créer une Direction générale de conservation de la propriété et des droits fonciers, sous la tutelle du Ministère des Finances, une direction générale du cadastre et des affaires domaniales etc. il a été recommandé à long terme à l’Etat, la mise en place d’une politique de vulgarisation des textes afin de porter ceux-ci à la connaissance de la population, le recensement de tous les domaines de l’Etat, les immatriculer et procéder à la régularité de toutes les expropriations passées etc.

Le forum sur le foncier organisé la semaine dernière est le énième du genre dont les conclusions sont souvent jetées dans les placards. L’agriculture a eu droit à son forum et beaucoup d’autres secteurs du développement. A ce jour, ces différents problèmes n’ont pas été résorbés.

Foncier dans tous ses états

Le chef de l’Etat a solennellement évoqué dans un discours à la nation la question foncière avec ses difficultés, notamment de double vente, d’escroquerie et de magouilles. Cela dénote l’acuité de la question des terres au Togo.

Pour caricaturer la situation, il faut comprendre que le propriétaire terrien n’est pas l’Etat, mais des héritiers, des collectifs ou des acquéreurs. Seulement, le niveau de vie assez précaire et le grand désordre établi dans le domaine fait que les propriétaires, acquéreurs et vendeurs ne bénéficient d’aucune crédibilité.

Les magouilles vont des géomètres, célèbre véreux aux mandataires escrocs pour des vendeurs et acheteurs complices.

Les terrains tant bien que vendus sont souvent revendus. Ce qui crée des conflits allant jusqu’à la perte en vies humaines. Les affaires de conflits fonciers confiés à la justice sont traitées dans l’intérêt des plus forts, des plus nantis. Les juges, les magistrats, les présidents des tribunaux sont pour la plupart corrompus et influencés par de hautes personnalités. Ce sont elle, ces hautes personnalités qui excellent dans l’acquisition des terres à n’importe qu’elle condition.

La pression avec les éléments des forces de l’ordre et de sécurité vient souvent s’interposer pour mettre parfois les vrais propriétaires devant le fait accompli. Dehors !

L’Etat a commencé à pêcher dans l’acquisition frauduleuse de terre. Des terrains expropriés continuent de provoquer le courroux des propriétaires. Lomé II, la Caisse et autres terrains extorqués aux propriétaires restent la propriété illégitime de l’Etat.

Les services des cadastres, d’immatriculation sont également poreux. Il y règne également de graves irrégularités, au point où certains mêmes terrains obtiennent de différents titres fonciers, créant la zizanie entre les acquéreurs. Les litiges fonciers dans les milieux ruraux sont légions avec la complicité de certaines autorités traditionnelles, notamment des chefs.

Le problème foncier au Togo est profond et l’Etat a la lourde responsabilité de prendre la mesure de la gravité de la situation en mettant rapidement en œuvre les conclusions du forum sur le foncier.

Les démarcheurs et autres intermédiaires véreux doivent comprendre que le temps de la pagaille est révolu pour des actions plus productives. L’Etat doit donc prendre ses responsabilités pour assumer un réel développement dans le secteur foncier qui est un véritable nid de problèmes et de litiges à n’en pas finir.

Source : Carlos Ketohou, L’Indépendant Express No.411 du 25 avril 2017

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