Faure Gnassingbé: prétendu médiateur chez les autres, impitoyable avec ses opposants.

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«Le monde est dangereux à vivre! Non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.» Albert Einstein

La semaine dernière le quotidien « Liberté » a à plusieurs reprises thématisé la prétention de Faure Gnassingbé de vouloir donner des leçons de bonne gouvernance chez les autres, alors qu´il est incapable de résoudre ses problèmes domestiques pour réconcilier les Togolais. Le quotidien s´était surtout interrogé sur les éventuelles retombées positives pour le Togo de cette surprenante agitation du président de fait de notre pays. Évidemment, en dehors du fait que Faure Gnassingbé cherche sur le plan personnel une hypothétique légitimité qu´il n´a pas auprès de la majorité de ses compatriotes, les Togolais n´y gagnent absolument rien, au contraire; les ressources du pays qui devraient servir à alléger la souffrance des populations, à améliorer les infrastructures scolaires et surtout hospitalières, sont ainsi dilapidées par la volonté d´une seule personne pour ses voyages inutiles et pour ceux de son ministre des Affaires Étrangères.

On nous dit que ce sont les autorités maliennes elles-mêmes qui auraient sollicité l´intervention du dictateur togolais pour essayer de résoudre la crise née de l´arrestation de 49 militaires ivoiriens le dimanche 10 juillet 2022 à l´aéroport de Bamako et accusés de mercenariat par le gouvernement du Mali. Plusieurs questions peuvent alors se poser à ce niveau: au cas où le régime malien aurait vraiment besoin des bons offices d´une ou de plusieurs personnalités politiques étrangères pour les aider à trouver des solutions à ce différend qui les oppose à la Côte d´Ivoire, en quoi Faure Gnassingbé aurait-il, à leurs yeux, les qualités requises pour faire ce travail? Les autorités maliennes connaissent-elles vraiment la triste histoire du Togo depuis 60 ans, et surtout celle de leur « médiateur en chef » en relation avec la situation de blocage total et de caporalisation de toutes les institutions de notre pays? Ce proverbe tem est clair: «Si un ami vous promet de vous donner un chapeau, levez la tête pour voir celui que lui-même porte, vous saurez alors s´il en est capable.» Les autorités maliennes ont-elles vraiment tenu compte de la sagesse contenue dans ce dicton qui pourrait se retrouver sous une autre forme dans toute l´Afrique? De deux choses l´une: soit le gouvernement malien sait tout sur la dramatique situation politique du Togo et le mauvais rôle qu´y joue Faure Gnassingbé, -ce que nous croyons- et ont délibérément choisi de l´ignorer, parce que manipulés par des irréductibles de la Françafrique tapis dans l´ombre, ou mus par une naïveté incompréhensible. Soit la junte malienne ignore tout du drame togolais et considère Faure Gnassingbé comme une référence de la sagesse politique, -ce que les Togolais ne croiraient pas-, et ce qui serait surtout un mauvais signe pour les grands choix futurs pour la suite de la transition dans ce pays frère.

Cette comédie de mauvais goût offerte par Faure Gnassingbé au peuple togolais en le laissant seul à son calvaire, en jouant ailleurs au bon samaritain politique, ne date malheureusement pas d´aujourd´hui. En effet, les Togolais auront tout vu avec le règne sans fin des Gnassingbé. Avec le père Éyadéma, on nous avait servi «l´homme de la paix», alors que parallèlement un peu partout sur le territoire étaient érigés des camps de concentration pour torturer et laisser mourir de paisibles citoyens; opposants politiques ou même Togolais arrêtés pour des raisons de droit commun. Oui, la dictature de Gnassingbé Éyadéma était à son paroxisme avec toutes les violations possibles des droits de l´homme. Des rumeurs parlaient de Kazaboua dont la petite ferme d´Agombio servait de lieu de calvaire, où des tortionnaires professionnels maltraitaient comme bon leur semblait des prisonniers ayant eu la malchance d´être envoyés là. Quand vint la conférence nationale souveraine en juillet-août 1991, ces folles rumeurs furent malheureusement confirmées par des témoins et des victimes de la barbarie perpétrée par «l´homme de la paix» Éyadéma. Otadi, c´est l´autre nom qui donna des frissons à quiconque ayant un coeur pour l´amour de la dignité et de la vie humaine.

Dans les montagnes d´Atakpamé étaient amenés des militaires et des gendarmes tombés en disgrâce selon les règles de la dictature. Un mot mal placé, une cartouche qui manquait, une faute classée comme grave par les décideurs de la hiérarchie militaire, ou un détournement d´argent destiné à la paye des militaires, et vous êtes expédié au camp de concentration d´Otadi, spécialisé dans la torture des corps habillés. Selon certains anciens officiers qui étaient renseignés sur la terreur d´Otadi et que nous avons approchés pour en savoir plus, des consignes étaient données pour que les malheureux qu´on ne voulait plus revoir, ne reviennent plus. C´était donc la torture et la mort assurées pour eux. Après la conférence nationale et le renouveau démocratique, Agombio et Otadi furent fermés, officiellement. Mais les Togolais sont-ils pour autant totalement libres de la violation de leurs droits, surtout les droits à la préservation de leur intégrité physique et de leur vie? L´actualité politique véhiculée régulièrement par la presse libre, rappelant le calvaire des prisonniers politiques, la persécution des leaders de l´opposition dont beaucoup sont en exil pour sauver leur vie, l´interdiction des manifestations politiques de l´opposition; tout ceci nous montre que les Togolais sont encore très loin d´être sortis de l´ornière.

Et c´est à ce moment précis où les Togolais ne savent plus où mettre de la tête, où la situation sur tous les plans, surtout sur le plan politique, reste totalement bloquée, et où tout le monde se demande de quoi demain sera fait sur la terre de nos aïeux, que le premier responsable du pays, au lieu de réfléchir à la recherche de solutions pour remettre le Togo sur les rails, en appelant par exemple les partenaires politiques, surtout ceux de la vraie opposition, autour d´une table, décide de jouer à la politique de l´autruche. Faire semblant que tout marche alors que notre pays est plus divisé que jamais, est d´une irresponsabilité politique indescriptible. On dirait une malédiction, ce que vivent les Togolais depuis plus d´un demi-siècle; ils sont en permanence victimes de toutes les privations et surtout de toutes les violations possibles et la dictature des Gnassingbé, à force de terreur impitoyable sur le peuple, continue à boire tranquillement son petit lait. Pauvres Togolais! Ils ont toujours eu des «hommes de la paix» pour prêcher la prétendue bonne morale chez les autres, pendant que la terreur et toutes les injustices possibles, sous la houlette d´une armée tribale, leur sont servies. Qui peut aujourd´hui parler des prisonniers politiques sans évoquer le cas de Kpatcha Gnassingbé à qui une évacuation sanitaire est refusée et qui peut à tout moment mourir en prison?

Les plusieurs dizaines de prisonniers politiques dont beaucoup sont déjà morts, des leaders de partis politiques de l´opposition comme Salifou Tikpi Atchadam, Messan Agbéyomé Kodjo et surtout le vieux prélat de plus de 90 ans, contraints à l´exil, parce que menacés de mort dans leur propre pays, des enseignants grèvistes radiés de la fonction publique sans autre forme de procès et toutes les autres injustices et violations que nous ne pouvons pas évoquer ici; voilà le lot qui fait de Faure Gnassingbé une référence de la sagesse politique qui peut parcourir l´Afrique et donner des leçons aux autres. Peut-il y avoir pire mesquinerie ou pire méchanceté que celle-là? Peut-il y avoir pire dédain pour son peuple que celui-ci? Pour qui Faure Gnassingbé et son régime prennent-ils au juste les Togolais?

Samari Tchadjobo
Allemagne

 

Source : 27Avril.com