Face à Horace, des Curiace spectateurs

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L’armée togolaise et sa marionnette Faure Gnassingbé ont encore frappé. Ils ont tué des manifestants aux mains nues. La marche du 19 août 2017 organisée par le PNP pour exiger le retour à la Constitution 1992 (C 92) a connu ses martyres, ses blessés et … ses spectateurs.

Face à Horace, des Curiace spectateurs

La C 92 a été adoptée par un référendum-plébiscite organisé le 27 septembre 1992 dans la foulée de la Conférence nationale souveraine. Deux de ses dispositions majeures sont la limitation à deux mandats présidentiels et un scrutin à deux tours. Après avoir été contraint d’accepter les résultats du Référendum, Eyadéma Gnassingbé qui n’entendait pas quitter le pouvoir a fait modifier cette constitution en 2002 par une Assemblée nationale RPT. La révision a consisté à faire sauter les deux dispositions. Ce coup d’état constitutionnel a été le début d’une crise sociopolitique cristallisée autour des réformes. Celles-ci visaient la réparation des dégâts causés par la « révision » de la constitution. Au bout de dizaines d’années de lutte, c’est maintenant que le pouvoir éprouve le besoin d’envoyer vers les populations une mission chargée de recueillir ses idées pour des réformes « réalistes ». Alors quoi de plus logique que les populations fatiguées des tergiversations du pouvoir demandent un retour pur et simple à la constitution de 1992 ? Quoi de plus normal que le peuple utilise son droit démocratique de revendiquer dans la rue ?

Elles sont sorties nombreuses dans plusieurs villes du Togo le samedi 19 août pour une marche pacifique. Les forces démocratiques du pays qui partagent la revendication principale du PNP, le retour à la C 92, ne devaient pas attendre, en spectatrices, le résultat de la marche pour soutenir le PNP et son leader. En la circonstance, ce n’est pas celui qui a créé l’événement qui est le plus important. L’important c’est l’événement lui-même. Par la marche du 19 août, une partie de la population togolaise a prouvé que le peuple togolais épouse l’idée d’un retour à la Constitution 1992 et qu’il a besoin d’être mobilisé dans sa totalité par tous ses leaders démocrates. En se contentant d’applaudir Atchadam, ces leaders ne semblent pas avoir entendu l’appel de leurs militants et sympathisants.

Au collège, j’ai étudié Horace, une pièce de théâtre de Corneille. Quand je suis devenu adulte je l’ai relue plus d’une fois. Elle est pleine d’enseignements. Par exemple celui de la scène qui oppose en combat singulier trois soldats à trois autres en lieu et place de deux armées, chaque trio ayant à défendre les couleurs de son armée.

Dans l’Antiquité romaine deux cités voisines, Rome et Albe, vivaient leur rivalité par des guerres incessantes et meurtrières. A la dernière occasion de guerre, les deux cités décident de ne plus opposer des armées entières mais trois champions sélectionnés au sein de chaque armée. Rome proposa les trois frères Horace et Albe les trois frères Curiace.

Face à Horace, des Curiace spectateurs

Dès l’entame des hostilités, les Curiace éliminent deux Horace. Resté seul face à trois ennemis, le dernier Horace prend la fuite. Sûrs de leur victoire, les Curiace baissent la garde dans la poursuite d’Horace. Quand un des Curiace s’est suffisamment approché de lui, Horace s’arrête et l’affronte avec détermination et le neutralise. Puis il reprend sa fuite. Par le même stratagème il neutralise le second Curiace, puis le troisième. Par négligence, les Curiace ont offert à l’armée de Rome une victoire qu’ils avaient trop tôt fêtée.

Seul, le PNP peut à la rigueur prouver qu’il a une grande capacité de mobilisation, mais il est incapable de mobiliser les populations de Cinkassé à Tabligbo s’il est question d’un soulèvement populaire capable de faire revenir la C 92. Le pouvoir vient de mettre en branle des détachements armés et leurs indicateurs locaux pour la chasse à l’homme dans les régions qui ont eu le plus à souffrir de victimes. Une vague de répression suivie d’une vague d’exil de jeunes vers des destinations inconnues seront enregistrées, dans le but de neutraliser le PNP. Un Curiace va peut-être tomber, mais celui qui osera le suivre risque aussi de tomber. C’est de cette façon que l’attitude de spectateur de certaines formations politiques va offrir au RPT/UNIR, sur un plateau d’argent, l’éternité au pouvoir. Ne soyons pas les Curiace du 21ème siècle pour le Togo.

Zakari Tchagbale

27Avril.com