Jean-Jacques TEKO, Economiste – Secrétaire national à l’Aménagement du Territoire chargé du Développement de l’ANC et membre de la Commission Electorale Nationale Indépendante CENI, dans cet entretien exclusif, revient sur le fonctionnement bancal de la CENI, la problématique de la CENI technique et les apports nécessaire pour une bonne gouvernance électorale au Togo.
Quel regard portez-vous sur le cadre électoral du Togo ?
Le cadre électoral togolais est totalement incohérent et il faut y mettre de l’ordre. Quand par exemple la Cour Constitutionnelle proclame des résultats qui ne font pas au total 100% en 2015, alors il y a problème.
Quand un Togolais n’a pas le droit constitutionnel de saisir la Cour constitutionnelle dans le cas d’espèce électoral, comme dans tous les autres pays. Quand aussi, la Cour Constitutionnelle ne reçoit pas elle-même les copies des procès-verbaux directement des bureaux de vote afin de faire son travail de vérification et de redressement des résultats comme dans les autres pays, alors il y a problème.
Quand les décrets pris pour convocation du corps électoral en deux périodes différentes ne respectent pas la même durée, et que la Cour Constitutionnelle entérine ces irrégularités flagrantes et aberrantes, il y a problème.
Quand les procédures, directives et instructions de l’organisme de gestion électorale (OGE au Togo qui est la CENI) ne précise pas la traçabilité du matériel électoral par une procédure et une directive internes, il y a problème.
Quand la loi électorale dispose que la CENI est une Institution Permanente de la République et qu’elle se contredit dans le même article par un alinéa suivant qui stipule qu’un arrêté interministériel, précise une seconde indemnité des membres de la CENI en période post-électorale comme si au cours de cette période, il n’y a pas d’activités à réaliser, alors que c’est la période dense d’activités stratégiques qui permettent de mettre en place les éléments de transparence pour l’amélioration de la qualité du processus électoral. Contrairement au Togo, dans les autres pays les membres des commissions électorales voient plutôt leurs primes à la hausse, afin de répondre au travail titanesque de cette période post-électorale. Comment peut-on avoir une institution permanente et y avoir instauré en son sein, deux types de traitement pour les mêmes membres ? C’est comme on a fixé une seconde indemnité à la baisse en période de vacances, aux députés, aux juges de la Cour Constitutionnelle, aux membres de la Cour des Comptes etc. Cela veut dire en clair que le processus électoral au Togo est déconsidéré et curieusement, n’est jamais achevé à chaque élection, quelle qu’elle soit. Alors il y a problème.
Quand celui qui fait la double voire la triple inscription et plus, donc celui qui fait la fraude au fichier, n’est ni inquiété ni puni par la loi et ne sera jamais sanctionné par un tribunal quelconque, alors c’est dire que le code électoral du Togo encourage la fraude au fichier. Alors sincèrement en prenant en compte les principes de gouvernance électorale, il y a problème à plusieurs niveaux.
Alors c’est quoi la gouvernance électorale ?
La Gouvernance est le fait de gouverner, considérée dans son sens le plus large et le plus complet. Le terme englobe la constitution, le corpus des lois, l’appareil électoral et parlementaire, les rouages, les instruments et la conduite du gouvernement, le secteur public, les relations entre les pouvoirs publics, les citoyens et le secteur privé, ainsi que le rôle de l’Etat. Parce que je suis facilitateur en Gouvernance électorale que je vous affirme que la Gouvernance électorale est alors un terme tout-compris, incluant chaque aspect de la gestion et de l’administration du système électoral.Le terme comprend l’ensemble des institutions électorales, des lois, des règlements et procédures relatifs à la représentation, des conditions d’éligibilité, des conditions pour être électeur, des horaires de vote. Il traite aussi de l’érection et la répartition des bureaux de vote, du déroulement du scrutin, de la méthode de vote, de la règle de décision, du décompte des voix, de la détermination du résultat ainsi que de la manière dont les recours administratifs et judiciaires sont traités.
Ceci étant, la gouvernance électorale a déterminé les normes et standards électoraux, et nous permet efficacement de gérer le cycle électoral qui est subdivisé en trois périodes : période pré-électorale (période de préparation), la période électorale (période d’action) et la période post-électorale (période stratégique). Pour mieux vous l’expliquer :
– La période pré-électorale ou de préparation renferme les activités suivantes : révision du cadre électoral, relecture de la loi électorale, la planification des activités, le budget, le chronogramme des activités, la mise en œuvre, la formation, la sensibilisation et la communication électorale, l’inscription des électeurs et l’établissement des cartes d’électeurs,
– La période électorale ou d’action renferme les activités de campagne électorale, les activités et actions relatives au déroulement des élections, les activités du jour du scrutin, le recensement et la compilation des votes,la proclamation provisoire des résultats et le rapport général
– La période post-électorale ou stratégique) elle autre, se compose des activités de confirmation des bureaux de vote, vérification des résultats et le contrôle des activités de vote, l’évaluation des prestataires et leurs services, l’audit du fichier électoral, l’audit financier, l’audit organisationnel de l’institution, l’archivage et les recommandations.
En outre la Gouvernance électorale dans les normes, a classifié les pays en fonction de la situation qui y prévaut, préconise en fonction de cela les prérogatives et compétences de l’institution électorale. Mais toujours et toujours sur la base structurelle d’un département exécutif, avec des experts et consultants appuyant le processus d’une part, et d’autre part la plus importante sous structure de la commission électorale qui est la plénière constituée d’acteurs politiques majeurs et représentants de la société civile pour diriger, orienter et valider le travail parce que les gouvernements étant disqualifiés pour organiser seuls les élections, à cause de la crise de confiance qui prévaut dans la démocratisation. Il y a alors 3 catégories :
– les pays en situation de guerre dans lesquels on installe des « Agences électorales » ou encore des « Autorités électorales » c’est selon,composées essentiellement des experts internationaux et des personnes ressources nationales avec des représentants des Nations Unies ou d’organisation régionale qui les président souvent comme, entre temps en République Centrafricaine par exemple ou la Sierra Léone et le Libéria il y a des années. Ceci avec une caution politique de l’organisation régionale qui pilote le mécanisme de règlement du conflit
-Puis les pays en crise avec des « Commissions électorales» avec un ‘‘certificateur international des élections’’ comme en Côte d’ivoire en 2011
– et les pays en sortie de crise et ceux en transition démocratique avec des « Commissions électorales indépendantes ou autonomes » comme au Togo, au Bénin, au Burkina Faso, en Guinée, au Sénégal, au Mali, au Ghana, en Zambie, en Afrique du Sud, au Nigéria, au Kenya etc.
Conformément à la constitution, à quelle date les prochaines élections législatives doivent être organisées au Togo ?
Nous remarquons que le gouvernement, à travers le ministre de l’Administration Territoriale avait dit au chef de file de l’opposition, que les élections législatives auront lieu le 20 mai 2018. Vous convenez avec moi que cette date est la seule information officielle, alors que c’est une exigence constitutionnelle.
Où en êtes-vous avec votre réintégration à la CENI ?
Je n’aime pas parler de moi en particulier. Mais puisque je dois répondre sur un fait politique et institutionnel d’importance historique, je vous dirai simplement que nous sommes cinq (5) en l’occurrence : Atantsi Edem Patrick (ANC), Amuzun Pédro Francis (ANC), Sibabi Boutchou (CDPA), Tchala Biaou Raphaël (PSR) et moi-même (ANC) à être en situation dans cette affaire. Et qu’en dépit de notre immunité (article 17 du code électoral) qui est une règle électorale internationale (Bénin article 24 du code béninois, le Burkina Faso article 33 de leur code, le Sénégal article 14 etc.) nous avons été victimes de l’arbitraire et sommes interdits d’accès à nos bureaux et d’activités à la CENI. Nous avions échangé à l’époque puisque ça fait 24 mois donc 2 ans avec nos collègues, qui n’ont trouvé d’autres arguments que de nous exiger, de leur demander pardon. Nous avions en son temps Avril à Mai 2015 proposé et on l’a encore réitéré en décembre dernier(2016) par courrier, que tous les commissaires assermentés que nous sommes parce qu’ayant prêté ensemble serment par devant la Cour Constitutionnelle, nous nous retrouvons pour nous parler en hommes responsables qui s’assument et mener finalement les activités post-électorales qui sont nécessaires mais qu’on refuse au Togo après chaque élection. Nos collègues Sibabi Boutchou de la CDPA et Tchala Biaou Raphaël du PSR avaient saisi le Médiateur de la République, Madame Awa Nana sur le sujet en 2015 aussi. Elle n’a trouvé à nous dire, qu’elle est incompétente et qu’à ses yeux ce qui est important, ce sont nos droits qui nous sont garantis et nous renvoyait à aller demander pardon aux collègues. Je n’ai plus du tout envie de revenir sur ce qui s’est passé la nuit-là au sein de la CENI, parce que nous avions failli être tués tous les cinq (5), n’eût été la présence du Général Sangaré à nos côtés la nuit-là.. Ceci parce que je veux oublier tout le mal subi et regarder de l’avant sans animosité mais toujours dans la responsabilité, parce que c’est notre sacerdoce de lutter pour la démocratie sur la terre de nos aïeux. Vous voyez que c’est un cirque bien organisé et bien huilé cette situation surréaliste institutionnelle de la CENI.
Quelles sont les irrégularités liées au code électoral et à la CENI ?
Les irrégularités sont de plusieurs ordres et liées à la fraude au fichier, la fraude dans les Bureaux de Vote, la fraude au cours des transmissions des résultats, la fraude par les présidents de CELI (manipulation des Procès-Verbaux et falsification des signatures des membres de l’opposition dans les bureaux des CELI), la fraude par le refus d’appliquer les procédures et directives qui consacrent le recensement et la compilation des résultats, la fraude lors de la proclamation des résultats (qui sortent du cadre légal).
Les commissions électorales ont-elles une histoire et font partie des normes démocratiques ?
Oui absolument. D’abord la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par la résolution 217A (III) de l’Assemblée Générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 en son article 21, le consacre par principe universel.
Ensuite, à la fin des années 80, le Timor Oriental était rentré dans une crise profonde avec comme toile de fonds, la contestation populaire du pouvoir du Président, le Général SUARTO qui dirigeait les îles avec une main de fer. Les populations ont poussé et ont fait des mouvements jusqu’à ce qu’après des dizaines de morts, les Nations Unies étaient intervenues pour trouver une solution à la crise et permettre à la population de se choisir librement ses dirigeants. Ainsi pour réaliser ce travail pilote en Asie orientale, le choix s’est porté sur l’Australie, puissance régionale, pour piloter la résolution de ce conflit interne et l’organisation des élections libres et transparentes au Timor Oriental. Pour ce faire, le gouvernement australien d’alors, avait confié au département des sciences politiques et juridiques de l’université de Melbourne, cette difficile tâche à l’époque. Ainsi des normes et procédures ont été proposées et appliquées avec l’installation d’une commission électorale, qui a eu en son sein les experts des Nations Unies dont le fruit du travail a été consensuellement validé par les acteurs politiques et les représentants des courants de contestation. Les élections n’ont pas alors souffert de contestation. Le dictateur Général SUARTO a ainsi perdu les élections à la régulière et la démocratie s’y est installée. Au vu de ce résultat incontestable, les Nations Unies ont alors adopté cette approche pour résoudre désormais les crises des transitions démocratiques, afin de permettre aux peuples en quête de liberté et de démocratie de se choisir librement leurs dirigeants légitimes. Le processus utilisé a été amélioré par la suite et ainsi est née le BRIDGE (Building Resources in Democracy and Gorvernance Elections ou en français : Bâtir des Ressources en Gouvernance et Elections), l’un des meilleurs process pour l’organisation des élections au monde.
Et en troisième lieu, l’Union Inter Parlementaire lors de son 154ème Conseil interparlementaire tenu à Paris le 26 Mars 1994, a consacre légitimement les Commissions électorales par ses principes et normes sur les élections libres et régulières au point 4 des droits et responsabilités de l’État.
Que pensez-vous de la CENI technique proposée par certains acteurs ?
Pour le minimum de connaissance en matière électorale, toute commission électorale est dans sa structuration d’abord technique par le Secrétariat Exécutif composé des experts et consultants recrutés pour appuyer les Unités d’Appui Opérationnelles -UAO et en plus politique par la Plénière qui est composée d’acteurs politiques et sociaux majeurs, qui valident les décisions pour la paix sociale et faire le consensus. Ce sont là, les normes et standards électoraux. Ceux qui parlent de CENI technique manquent cruellement et dangereusement de connaissance en gouvernance électorale, qui est la science qui permet d’organiser les élections. En plus, ces acteurs dont vous parlez, montrent une carence politique qui prête à sourire et frise parfois le ridicule. On ne peut pas gouverner ou aspirer à gouverner un pays et croire qu’on peut comme on veut, recréer ou façonner toute institution existante et changer les règles de jeu politique en manipulant et instrumentalisant les institutions démocratiques obligatoires et normales, préconisées dans les principes de démocratisation. Il ne s’agit pas d’inventer une commission électorale mais de respecter la loi électorale et de faire respecter les prérogatives et attributions de la CENI. Comment peut-on empêcher la CENI de faire son travail et venir après dire qu’on va créer une CENI Technique ? Le gouvernement a empêché la CENI d’être d’abord complète dans sa structuration et de faire son travail selon ses propres attributions, compétences et prérogatives de puissance publique conférées par l’article 4 du Code Electoral. Remarquons ensemble, si on s’en tient à la dernière élection de 2015 pour faire court que :
– en 2014, M. Taffa Tabiou n’était pas encore Président de la CENI (Jean-Claude Homawoo de l’UFC était en ce moment précis, Président du bureau d’âge) quand le gouvernement a commandé à la place de la CENI, 800 000 cartes d’électeurs sous la signature de M. Tabiou, et a remis après livraison 700 000 cartes à la CENI (gardant par devers lui 100 000 cartes pour utilisation frauduleuse). A l’époque, je l’avais dénoncé (avec copie des documents officiels) au Comité de Suivi de l’élection Présidentielle 2015 à la Primature, où je représentais mon parti l’ANC avant d’être nommé à la CENI – c’est une activité de la CENI réalisée par le gouvernement,
– la Commande de matériels électoraux a été faite par le gouvernement à la place de la CENI malgré les articles 4 et 8 du Code Electoral – c’est de nouveau une activité de la CENI réalisée par le gouvernement,
– les matériels d’enrôlement ou d’enregistrement des électeurs(les Kits) sont achetés et loués c’est selon, par le gouvernement en lien avec la société ZETES qui n’a jamais signé de contrat avec la CENI (matériels défectueux en général et non équipés en logiciels qualifiés pour une organisation électorale certifiée à la taille de la population électorale du Togo).
Dites-moi concrètement qui de la CENI ou du Gouvernement est responsable de ces dépenses-là devant l’Assemblée Nationale, alors que c’est réalisé par le gouvernement sur le budget alloué officiellement à la CENI sans l’accord de la CENI? Qui sera épinglé par la Cour des Comptes sur ces ressources mal utilisées, s’il y a lieu ?–c’est encore une autre activité de la CENI réalisée par le gouvernement.
Qui a confié la gestion du fichier électoral à la société ZETES de Belgique par la signature d’un contrat. ? Alors que l’article 60 du code électoral donne à la CENI, la seule institution nationale à avoir le droit de gérer ce fichier électoral. Je vous le cite « article 60 : la CENI gère le fichier électoral en vue du contrôle des inscriptions sur les listes électorales. Les partis politiques légalement constitués et le ministère chargé de l’Administration Territoriale ont un droit d’accès au fichier. Les conditions d’organisation et de fonctionnement du fichier sont définies par la CENI et fixées par décret» – c’est toujours une activité de la CENI réalisée par le gouvernement.
Comment le gouvernement peut faire tout ça à la place de la CENI et de surcroit l’empêchant de déterminer ses propres actions et oser nous parler de CENI Technique ?Dans tous les pays, on ne touche pas aux prérogatives et attributions d’une Commission Electorale.C’est une grosse blague et une arnaque politique que de parler de ça. D’ailleurs, on va la créer comment l’imaginaire CENI Technique? C’est qui ces techniciens ? Qu’est-ce que nous autres ne savons pas faire en gouvernance électorale ? Les techniciens qui seront des employés de la CENI, peuvent avoir le courage et les couilles nécessaires pour dire non à leur employeur qui sera le gouvernement et empêcher les fraudes puis les vols des élections au Togo ou bien face à cette armée togolaise qui s’introduit dans le processus à tout instant qu’elle veut?
Sur un autre plan de fonctionnement, je l’explique en trois points :
Premier point :
– Pourquoi avec tous les problèmes que nous voyons à l’Assemblée Nationale, on n’a pas créé une Assemblée Nationale Technique ?
– Pourquoi malgré les multiples incongruités juridiques et les contradictions en tous genres, le déni juridique et la violation régulière de la constitution par elle-même avec comme exemple historique, l’exclusion des 9 députés de l’ANC de l’Assemblée Nationale en 2011 (en l’absence au Togo du mandat impératif ) et des décisions iniques et contraires rendues régulièrement sur les mêmes sujets en deux périodes différentes, on n’a pas créé une Cour Constitutionnelle Technique ?
– Pourquoi malgré les dérives incessantes du pouvoir avec la mauvaise et catastrophique gestion du pays par le gouvernement, on n’a pas créé un Gouvernement Technique ?
– Pourquoi malgré t les décisions d’une autre époque que la HAAC rend et applique dans le paysage médiatique du Togo, on n’a pas créé une HAAC Technique ?
En deuxième point
Donnez-moi tout d’abord le nom du Secrétaire Exécutif de la CENI qui n’a jamais été recruté avant de me parler d’une imaginaire CENI technique ?
Au sein de toute Commission Electorale, la partie du travail d’appui et d’exécution technique en élaboration comme sur le terrain, est assurée par le Secrétariat Exécutif ou Secrétariat Général ailleurs. La validation de ces travaux et les orientations et décisions organisationnelles, sont du ressort de la Plénière composée des acteurs politiques majeurs du moment et des représentants de la société civile. Ceci parce que les gouvernements sont automatiquement disqualifiés pour organiser des élections, à cause de la grave crise de confiance dont ils font l’objet en situation de démocratisation. C’est pourquoi les accords politiques viennent régler définitivement cet aspect des choses comme l’Accord Politique Global-APG au Togo. Donc une partie technique avec le Secrétariat Exécutif et la partie la plus importante de prise de décisions institutionnelles qui est la plénière, est composée de politiques et représentants de la société civile, pour la validation dans le cadre du consensus national et la paix sociale. Au Togo, le gouvernement a tout fait pour que ce Secrétariat Exécutif ne soit pas mis en place. Faisant ainsi de la CENI, une Commission Electorale incomplète structurellement vis-à-vis de la loi depuis des années. Le Code électoral en ses articles 21 à 26, dispose de la création de ce Secrétariat Exécutif avec les cinq UAO, 5 unités d’Appui Opérationnelles, qui ont pour rôle d’appuyer techniquement les cinq (5) sous-commissions de la CENI. Le recrutement par appel d’offres de ce Secrétaire Exécutif et des experts et consultants des Unités d’Appui Opérationnel, est consacré par le même Code Electoral et le règlement intérieur de la CENI. La CENI n’a jamais été autorisée à recruter ce personnel technique d’appui et aucun budget n’a jamais été alloué à la CENI pour ce faire. Ceci a été fait à dessein, pour en lieu et place ouvrir la voie au recrutement par contrats d’informaticiens et consultants qui excellent en fraudes électorales comme le Béninois Aganahi refusé partout dans les autres pays africains comme en Afrique Centrale, au Sénégal… et son équipe. Ensuite le gouvernement les intègre à la CENI, sans une autre forme de procédure et en constitue finalement une CENI parallèle qui reçoit directement ses ordres du gouvernement. La chose la plus inimaginable et insupportable est que ces consultants étrangers font ce qu’ils veulent (se comportent en véritables potentats au sein de la CENI comme si les Commissaires togolais que nous sommes et ayant prêté serment par devant la Cour Constitutionnelle, n’ont pas de pouvoir institutionnel. Parce que le gouvernement leur a donné cette force et ce pouvoir d’agir. Comment faire tout ça et venir nous parler de CENI Technique ?
Ensuite pour terminer sur ce sujet en troisième point, il faut rappeler qu’il y a eu plus de 1000 Togolais morts en 2005 (rapport de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme – LTDH et plus de 500 morts selon le rapport Doudou DIENG des Nations Unies) après la mort du feu Gnassingbé Eyadema, ancien chef de l’Etat, et ceci suite aux successifs coups d’Etat et la mascarade électorale les jours suivants. L’Accord Politique Global qui a été à la base du maintien du régime actuel au pouvoir consensus très douloureux de l’opposition, oblige ce gouvernement à régler les problèmes en l’appliquant pour la paix sociale. Cet accord, l’APG a dans cet esprit consacré la CENI. Donc ni personne, ni un intellectuel quelconque, ni un gouvernement quelconque, ni une certaine opposition ou qui que ce soit, ne peut toucher à cet aspect de l’APG point 1.2.1 page 8 sur les attributions, composition et démembrements puis dans les annexes de l’APG de la page 30 à 34. Donc il faut arrêter de faire des masturbations intellectuelles et des élucubrations en tous genres au Togo sur la Commission Electorale Nationale Indépendante – CENI.
Il faut arrêter de dire ou d’avancer ces choses pour ne pas jeter encore la honte sur notre pays, surtout et surtout ne pas réveiller en nous, la colère et les blessures profondes de nos morts de 2005. Personnellement, j’ai perdu onze amis massacrés devant la maison de l’un d’eux à Tokoin Casablanca à Lomé ici, et des parents tués par des tirs à partir d’un hélicoptère alors qu’ils étaient tranquillement assis dans la cour de leur maison dans la Préfecture des Lacs, sans parler des compagnons politiques et autres connaissances tués et assassinés lâchement. Nous ne pouvons jamais passer en pertes et profits autant de morts il y a obligation qu’on applique l’APG et qu’on respecte les engagements pris devant le peuple togolais, les partenaires internationaux et l’Union Européenne qui est garant de cet Accord Politique Global.
Est-ce que malgré les problèmes et gestes violents au sein de la Commission Electorale Indépendante (CEI) de la Côte d’Ivoire, dans l’affaire des résultats lors de leur élection présidentielle avec l’ancien président GBAGBO, la Côte-d’Ivoire a créé une imaginaire Commission Electorale Technique ? Il ne s’agit pas d’être un professeur de droit, ou doyen d’université ou être Président d’une université ou un intellectuel quelconque pour savoir automatiquement ces choses. Ce n’est pas une science infuse. C’est une connaissance spécifique, donc cela s’apprend. Ceci est un message clair à l’intention de ceux qui se font passer pour les intellectuels et connaisseurs en tous genres du Togo. Cette science qui lui est consacrée s’appelle la Gouvernance Electorale, comme la médecine l’est pour le corps humain. Un point c’est tout. Maintenant, je vous mets au défi de me donner le nom du Secrétaire Exécutif de la CENI et le nom du pays dans lequel il existe une Commission Electorale Technique. Donnez-moi le nom du pays, et on en reparlera volontiers. Le Togo n’est pas un pays qui est seul sur une autre planète en dehors de la planète terre, pour fixer ses propres règles en fonction des humeurs de ceux qui le dirigent avec leurs clans et amis d’intérêt. Il est bel et bien dans le concert des nations. Notre parti l’ANC est très à l’aise dans ce domaine et ne s’inquiète outre mesure.
La CENI est souvent accusée d’être au cœur des fraudes. Comprenez-vous ces réactions ?
Du fait de l’instrumentalisation de l’institution ; le recrutement des experts et les consultants en lieu et place de la plénière de la CENI et qu’on envoie dans l’institution comme on procède à une affectation dans un ministère en dehors de toute demande réglementaire et institutionnelle de la CENI alors que ce sont deux institutions différentes ; les signatures des contrats avec des prestataires électoraux en lieu et place de la CENI qui n’a jamais eu connaissance des contenus en violation du code électoral ; les ministres qui rentrent et sortent de l’enceinte de la CENI comme dans un restaurant ;donner des ordres pour compiler les résultats en dehors des procédures et directives propres à la CENI et en violation du Code électoral sortie du cadre légale ; exercer des pressions en tous genres sur les présidents en exercice de la CENI (quitte à les ridiculiser voire les humilier comme ils l’ont fait, lors de la dernière présidentielle de 2015) ; l’intrusion intempestive des forces de l’ordre dans l’enceinte de l’institution sans l’autorisation de la plénière, en violation des règles de sécurité de toute Commission électorale assurée par une force spécifique chargée de la sécurité des élections ; la falsification des procès-verbaux par les présidents de CELI, la comptabilisation des spécimens de bulletin de vote etc. en face de toutes ces malversations et irrégularités électorales, comment ne pas accuser la CENI d’être au cœur des fraudes ? Sincèrement, ces accusations constituent la moindre des choses à faire dans le cas d’espèce, franchement.
Que préconisez-vous pour rendre fiable le système électoral au Togo ?
On doit tout d’abord respecter les prérogatives de la CENI en tant qu’institution comme le stipule l’article 4 du Code électoral car c’est une institution de la République, dotée de puissance publique et non un comité ad ’hoc d’un ministère. Le gouvernement doit traiter avec tous les respects dus en rangs et grades institutionnels, la CENI et ses membres comme au Ghana, au Burkina Faso, au Mali, en Guinée, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Benin etc. et passer à :
– l’application de la Biométrie intégrale qui devient obligatoire
– établir un état civil national
– la création d’autres nouvelles CELI, pour rapprocher les organismes d’administration électoraux (ici les CELI) des électeurs comme dans les autres pays
– l’établissement des cartes nationales d’identité en audiences foraines pour régler le problème épineux de vote par témoignage (72% des votants au Togo)
– introduire des procédures de traçabilité des matériels électoraux jusque dans les bureaux de vote
– la réalisation des activités électorales sans chercher à réduire les durées et délais impartis
– la création des commissions électorales communales
– faire de l’éducation électorale et non de l’habituelle sensibilisation électorale de 10 à 15 jours comme d’habitude et parfois moins.
Tout cela conduira à la professionnalisation de la CENI, qui est la qualité requise dans la démarche des organismes électoraux, absence de pressions et d’interférences politiques, respect des prérogatives et compétences, respect des chronogrammes, gestion autonome du budget électoral, impartialité vis-à-vis du processus, respect du rang et grades des membres de l’institution). C’est le cas par exemple, de la National Electoral Commission of Ghana (NECG qui a aujourd’hui la qualité d’une commission électorale professionnelle. Elle s’occupe même de la gestion du financement public des partis politiques, opère le découpage électoral au Ghana et crée les Organismes d’Administration Electorale (CELI au Togo), en fonction des besoins de la taille de la population électorale ghanéenne. Même la communication électorale au Ghana est sérieusement prise en compte et est gérée par une autre institution appelée la « Commission of Communication and Civic Education(CCCE) » qui s’occupe de l’éducation électorale du 1er janvier au 31 décembre et de l’éducation civique. Au Ghana et au Pérou, le cadre électoral donne à la commission électorale, la responsabilité de délivrer les documents d’identité et les cartes d’électeur. Ceci a bien fonctionné dans ces deux pays et a rendu la tâche d’élaborer et de tenir à jour le registre électoral beaucoup plus facilement. Les mesures de contrôle de la qualité de l’inscription des électeurs, telle que la possibilité qu’ont les électeurs d’inspecter les listes électorales, sont intégrées généralement dans les lois électorales. En Afrique du Sud, comme dans de nombreux pays comme la Zambie, le Nigéria, le Kenya, le Sénégal et le Ghana par exemple, où des registres électroniques ou états civils de la population existent, la commission compare régulièrement ses données relatives à l’inscription des électeurs au registre de la population pour identifier les électeurs non qualifiés ou «fantômes» afin de les éliminer de la liste électorale.
Le gouvernement togolais ne peut pas avoir le courage politique de laisser la CENI faire pareil, car il est animé d’idée de frauder tout le temps. Ce n’est pas le cas ailleurs. Toutes ses prérogatives et principes là qu’on doit nécessairement respecter, s’inscrivent dans ce que nous appelons « l’amélioration de la qualité du processus électoral ».
Que peut-on dire de la durée du mandat de la CENI ?
Dommage qu’on n’a jamais voulu que la CENI fasse son travail d’organisateur d’élection normalement et simplement, comme cela se fait partout dans les autres pays. Même si on veut frauder les élections, il faut absolument laisser la structure organisatrice dans son mandat, compétence et rang institutionnels d’abord. Après faites vos jeux, parce que là, c’est une question de responsabilité et de probité des membres. Un cycle électoral dure entre 16 et 18 mois. Si le Togo respectait normalement la durée du cycle de chaque élection, cela veut dire de par le code électoral, qu’on aura à recomposer 2 fois la CENI pour chaque élection. Notre pays le Togo reste le seul pays à avoir une commission électorale qui a la durée de mandat d’un (1) an. Au départ, c’était une disposition provisoire, mais comme à l’accoutumée au Togo, le provisoire devenant définitif, alors c’est resté comme tel et personne ne lève le petit doigt pour dénoncer cette irrégularité flagrante et inopérante sur le plan organisationnel. Je prends pour exemple la durée de mandat des commissions électorales du Bénin avec 7 ans non renouvelable, la Côte d’Ivoire avec 5 ans renouvelable, du Burkina Faso avec 5 ans renouvelable une fois, Sénégal le mandat est de 6 ans renouvelable. Nous pouvons parler de l’Afrique du Sud, de la Zambie, du Nigéria et même du Brésil, du Pérou etc. partout la durée du mandat respecte les cycles électoraux. Pour le Togo, il faut au moins un mandat de cinq (5) ans pour suivre un process des élections locales jusqu’à la présidentielle en passant par les législatives, pour devenir une commission électorale normale. Que ce mandat soit renouvelable ou pas, demeure l’affaire des discussions politiques entre les acteurs majeurs comme cela se fait dans le contenu d’un cadre électoral.
Selon le ministre des Affaires Etrangères Robert Dussey, le fichier électoral a été corrigé. Vous confirmez ?
Je ne sais pas concrètement si le ministre Dussey parle de notre pays le TOGO ou d’un autre pays. A la limite, je dirai qu’il a plutôt fait passer un message aux partenaires allemands et non aux Togolais, sinon c’est tellement grotesque. C’est une vision si courte et étriquée, doublée d’une myopie politique sans pour autant faire remarquer que c’est d’une méconnaissance absolue des règles régissant l’organisation des élections qui sont préconisées à chaque scrutin. Les normes et standards obligent tous les pays à mettre à jour leur fichier électoral à chaque élection, sinon par principe-pays c’est en début de chaque année que cela se fait dans un pays normal en l’existence de l’état civil national. Au Togo, il y a 72% des électeurs qui votent par témoignage, et lui un ministre de la république dit ça ? On est sur quelle planète finalement ? Il faut être un peu cohérent. Moi j’ai été très mal à l’aise lorsque je l’avais suivi. Même les conclusions de l’intervention des experts de la francophonie en 2015 lors de la Présidentielle pour un minima consensuel afin de revoir le fichier électoral après l’élection, était un repère si M. Dussey est conséquent avec le cadre électoral. Ou bien il n’est pas ministre du gouvernement du Togo ? Il est seul à savoir ce qu’il a dit et cela n’engage que lui. Dans le même gouvernement, le ministre de l’Administration Territoriale, qui visiblement, est chargé des affaires électorales, parle de 15 à 18 mois pour organiser ces mêmes élections lors de l’atelier sur la décentralisation en décembre 2016, et lui ministre des Affaires Etrangères fixe ce rendez-vous sur la fin de l’année ? Bizarre non ? Mais puisque le ridicule ne tue pas au Togo, on va l’attendre pour qu’il organise ces élections locales à la fin de l’année 2017 d’abord, et on avisera ensuite.
En revenant sur le fichier électoral du Togo, il est nécessaire de rentrer dans les normes et standards électoraux en mettant en place définitivement un Fichier Electoral Général qui est constitué de 3 fichiers spécifiques tels que :
– Fichier électoral national
– Fichier électoral militaire
– Fichier électoral des Togolais de l’étranger
Cela constitue un élément de transparence et de limitation d’irrégularités en matière de fraudes au fichier, et pour les fraudes liées au vote par dérogation et au cours du vote par anticipation.
Votre mot de la fin en guise de conclusion
La lutte démocratique est très difficile et dure. Seuls les durs continuent par lutter pour atteindre l’objectif. Je ne parle pas parce que j’ai la force de parler. Je parle et dis les choses, parce que je ne peux pas me taire devant l’injustice. C’est pourquoi je me sens comme un poisson dans l’eau dans l’ANC et suis totalement en phase avec mon Président Jean-Pierre Fabre pour ses objectifs politiques. Pour le reste, on ne pourra jamais empêcher les gens de parler mal de nous. Les rumeurs font croire mais les faits sont têtus et imposent une réalité, car un mensonge ne dure jamais et la réalité finit toujours par prendre le dessus. Les gens qui pensent seulement au résultat que vous avez obtenu, sans y voir les épreuves que vous avez vécu, et sans considérer ce parcours pour obtenir ce résultat qu’ils rêvent d’obtenir, sans en avoir le parcours, resteront toujours derrière vous et ne vous rattraperont jamais en terme de résultat. L’essentiel pour nous, c’est d’avancer. Mais si tu avances bien, tu laisseras toujours des gens derrière toi. Soit, ils arrivent à bien avancer en tenant la cadence et rester à ton niveau, ou s’ils n’y arrivent pas, alors ils parleront mal de toi avec jalousie et haine. Tout dépend de nous-mêmes, pas des autres. Dans la vie, il y a ceux qui agissent et ceux qui font semblant. Je préfère être du côté de ceux qui agissent. Et pour ça, je me suis préparé car je sais que les batailles de la vie ne sont pas gagnées par les plus forts, ni par les plus rapides, mais par ceux qui n’abandonnent jamais. Chacun doit jouer son rôle dans le respect et la dignité. Dieu est notre guide et protecteur. Merci. Dieu bénisse le Togo.
Entretien réalisé par La Rédaction/Source le Correcteur N° 754 du 03 Avril 2017
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