Encore un togolais impliqué dans une affaire d’escroquerie de 5 milliards

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2011-2012, le Togo fut secoué par une affaire dite d’escroquerie
internationale qui avait conduit à l’arrestation et à l’emprisonnement
de personnalité, et pas des moindres. Tout porte à croire que le pays va
connaître un dossier similaire. La victime n’est plus un Emirati, mais
cette fois-ci un citoyen français. Stéphane Safieddine, c’est son nom, est manifestement truandé par Vincent Gassou, un compatriote togolais, et l’homme d’affaires béninois de triste réputation, Kikissagbe Godonou Bernard
dit KGB. Le préjudice porte sur la bagatelle de sept millions sept cent
mille (7.700.000) d’euros, environ cinq (05) milliards de FCFA. La
victime a même saisi la justice togolaise d’une plainte pour «
escroquerie en bande organisée » qui devrait aboutir à la mise en place
d’une commission rogatoire pour mener les enquêtes. Mais manifestement,
la justice traîne les pieds….

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7,7 millions d’euros extorqué à Stéphane Safieddine

L’affaire remonte au début de l’année 2010. Stéphane Safieddine,
homme d’affaires français demeurant à Saint-Germain en Laye, cherche à
acheter de l’or en poudre. Il rencontre le Togolais Vincent Gassou,
Directeur de l’Imprimerie Oziliv sise à Kégué à Lomé et
l’homme d’affaires béninois Bernard Godonou Kikissagbé, qui lui
promettent de lui en vendre. Le compatriote lui aurait même présenté
dans les locaux de sa société, des caisses d’or en poudre, en tout cas
ce qui était présenté comme tel. Des années durant, des rencontres ont
eu lieu entre les trois partenaires (sic), tant à Lomé qu’à Cotonou et
dans bien d’autres capitales africaines, européennes, américaines ou
asiatiques, dans le sens de la conclusion de l’affaire et de la
livraison de la marchandise.

De l’argent, beaucoup d’argent a été exigé et encaissé par le duo Vincent Gassou-Bernard Kikissagbe.
La victime parle d’un montant total de sept millions sept cent mille
(7. 700. 000) euros, soit environ cinq milliards (5 000 000 000) FCFA à
eux payé en plusieurs tranches. Mais jamais Stéphane Safieddine ne s’est
jamais vu livrer l’or en poudre pour lequel il a tant dépensé. Dans
cette affaire, les deux accusés ont usé de beaucoup de prête-noms ou de
fausses identités, mais aussi d’usurpation de titres, sans doute en
connaissance de cause. Le Togolais se présenterait par moments comme Joseph Mensah, tandis que son associé béninois se prénommerait Frédéric Tossou.
Le reste est raconté dans la plainte déposée le 29 juillet dernier par
la victime contre les deux personnes pour « escroquerie en bande
organisée sur le territoire togolais ».

« J’ai été victime d’une escroquerie en bande organisée, de la part
de ces deux individus, de mars 2010 à octobre 2016, pour la somme de 7,7
millions d’euros, versée à ces deux personnes de Lomé, Cotonou, Accra à
Londres, en passant par la Turquie, la Bolivie et Honk Kong, pour la
vente de 1.8 tonne d’or en poudre. Marchandise qui n’a jamais été livrée
à ce jour. Début 2010, Vincent Gassou (alias Joseph Mensah)
me présente dans son bureau de Kégue au 2eme étage de l’imprimerie, des
caisses d’or en poudre. Une négociation s’engage et Vincent Gassou se
présente comme Directeur des douanes du Togo, cousin proche du président
Faure Eyadema Gnassingbé et agissant pour le compte de
la famille de ce dernier. 6 ans après, la transaction n’a jamais
abouti, mais les sommes ont bien été versées », relève Stephane
Safieddine dans sa plainte.

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Vincent Gassou, un récidiviste notoire

Vincent Gassou n’est pas à sa première en matière d’arnaque. L’homme
avait déjà fait parler de lui dans une affaire similaire (d’escroquerie,
cela s’entend) à hauteur de quatre cent millions (400 000 000) FCFA sur
une compatriote togolaise résidant en Europe. Un cas que nous avions
rapporté dans notre parution N°1197 du vendredi 20 avril 2012, sous la
titraille « Deux poids, deux mesures à la justice togolaise », faisant
allusion à la torture et autres traitements cruels, inhumains,
dégradants et aux misères infligés à Bertin Sow Agba,
dans la fameuse affaire dite d’escroquerie internationale qui avait
défrayé la chronique en 2011-2012 avec des implications les années
suivantes et au refus de sa libération provisoire sous caution – il
était prêt à payer 150 millions de FCFA-alors que Vincent Gassou, lui,
condamné à quatre ans de prison, était laissé peinard et n’avait même
pas exécuté la peine.

« Au moment où le sieur Bertin Agba se trouve au CHU Campus, dépassé
par les conditions de détention et vivant mal les souffrances et
humiliations qu’on lui inflige dans une affaire d’escroquerie d’un
citoyen émirati à la vie trouble et difficilement saisissable, la
Gendarmerie a mis la main sur un certain Gassou Vincent et son ami Wotoglo,
sur plainte d’une Togolaise vivant en Belgique. Ce monsieur et sa bande
ont réussi, par des manœuvres frauduleuses dignes des séries
américaines, à soutirer à la compatriote la somme de 400.000.000 (quatre
cent millions) FCFA selon le contenu de la plainte. Ils ont été
interpelés par la Gendarmerie et déférés au Parquet. Mais deux jours à
peine après son déferrement, le sieur Gassou Vincent se retrouve en
ville et se pavane en soutenant devant qui veut l’entendre qu’il est
intouchable. Tout ceci, après avoir déposé la modique somme de 15.000.000 (quinze millions) FCFA
et signé un engagement qu’il a vite fait de dénoncer. M. Gassou est en
liberté, même pas provisoire, et nargue la pauvre femme victime qui est
tombée malade à cause de la manière dont le problème a été traité tant
par les forces de l’ordre que par la justice », avions-nous écrit à
l’époque.

KBG, un homme peu fréquentable

L’escroc béninois Kikissagbe Godonou Bernard alias KGB arrêté | Archives : DR

Pour bien appréhender la moralité douteuse de Vincent Gassou, il faut
juste se référer à la personne de KGB, son associé dans cette arnaque
sur Stéphane Safieddine. Bernard Godonou Kikissagbe est en effet un
individu de triste réputation. Les perquisitions opérées à ses domiciles
à Cotonou, notamment à sa villa sise à Akpakpa le 27
avril 2018, quelques semaines seulement avant son arrestation à Lomé et
son extradition à Cotonou par la Police républicaine et en présence des
agents du FBI et d’Interpol, ont permis de découvrir des énormités
tenant lieu de pièces à conviction.

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Il y a été retrouvé des caisses remplies d’or, de diamant, des
mallettes de faux billets de devises étrangères, mais aussi des
documents d’identité de différents pays dont des passeports, ordinaires
comme diplomatiques, autant togolais que béninois et autres. Tantôt il
se prénommerait Odenga Algerda, né le 15 janvier 1959, tantôt Akplogan Grégoire Fatiou,
né le 27 novembre 1963…C’est une habitude des escrocs d’utiliser de
fausses identités afin de truander leurs victimes. Qui lui a délivré ces
papiers frauduleux ? Il est clair que le monsieur bénéficie des
soutiens ou plutôt de complicités dans ses entreprises louches.

Bernard Godonou Kikissagbe dispose de villas tant au Bénin qu’au Togo
et autres véhicules de luxe à n’en point compter – des indiscrétions
lui en attribuent une bonne quarantaine dont des Rolls Royce Ghost. Il
serait également détenteur d’une somptueuse et imposante villa à la
Résidence de la Caisse à Lomé évaluée à plus du milliard de FCFA. Les
indiscrétions font état de ce que la plupart de ses maisons et autres
bien ont été saisis au Bénin ou placés sous séquestre après son
arrestation.

L’arrestation et l’incarcération de KGB, des sources informées,
auraient été possibles grâce à la bénédiction du Président béninois
Patrice Talon. KGB preste depuis plusieurs années dans des activités
louches bien connues des différents pouvoirs qui se sont succédé à la
tête du Bénin, avec des victimes aux quatre coins du monde. Il
bénéficierait notamment de la protection de l’ancien Boni Yayi. C’est
son lâchage par Patrice Talon, sous des pressions américaines, qui mit
fin à la cavale qui durait depuis plus de 20 ans.

Hésitation de la justice togolaise, impunité à Vincent Gassou…

Selon les sources bien informées des procédures judiciaires, la
plainte déposée par Stéphane Safieddine devrait entraîner la mise en
place par la justice togolaise, d’une commission rogatoire pour
instruire l’affaire, l’arrestation de Vincent Gassou, la mise sous
séquestre de ses biens, la collaboration entre la justice togolaise avec
celle française et la prise en connaissance de la synthèse financière
de toutes les sommes versées et encaissées…Les sources sus-évoquées
parlent d’un délai habituel d’un mois pour mettre en place cette
commission rogatoire. « Après ce délai, il y a risque de prescription
des faits dans le temps qui est de trois ans », nous revient-on. Mais
bientôt un mois après la transmission de la plainte, ladite commission
rogatoire n’est pas encore créée. Devant cette lenteur manifeste,
Monsieur Stéphane Safieddine et son conseil ont l’impression que la
justice togolaise veut faire trainer les choses…

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D’ailleurs elle s’est déjà illustrée négativement dans cette affaire,
qui avait eu des rebondissements il y a un peu plus d’un an, avec
l’arrestation de son compère KGB. Il nous revient que c’est dans le
cadre d’une plainte à l’international dans ce dossier d’escroquerie,
après enquête du FBI et avec la collaboration d’Interpol que le Béninois
fut arrêté à Lomé dans sa luxueuse villa de la Résidence de la Caisse
le 31 mai 2018 par la Gendarmerie nationale puis remis aux autorités de
son pays. Depuis lors, il serait incarcéré à la prison civile de Cotonou
et, selon des indiscrétions, devrait être sous peu extradé aux
États-Unis pour répondre de certains griefs…Mais jamais son associé
Vincent Gassou, lui, n’a été arrêté au Togo et détenu. Contrairement à
KGB au Bénin, la justice togolaise semble le protéger. Ce qui est
dénoncé par la victime dans sa plainte : « Une plainte et enquête
internationale a été diligenté par Interpol et le FBI, ce qui a eu pour
conséquence l’arrestation, à Lomé en mai 2018, de Kikissagbe Godonou
Bernard et son extradition au Bénin, en juillet 2018. Assez surprenant,
Mr Gassou Vincent n’a ni été inquiété et interrogé dans le cadre de
cette affaire. Il avait été condamné à 4 ans de prison, à Lomé, dans une
affaire similaire, sans incarcération. J’espère qu’aujourd’hui la
justice indépendante du Togo saura aborder cette nouvelle affaire ».

Tout porte à croire que Vincent Gassou a des soutiens haut placés qui
lui apportent la protection dans cette affaire. La preuve, ce sont des
menaces qui sont subies par la victime. En effet, la plainte, Stéphane
Safieddine avait voulu dans un premier temps la déposer en personne,
raison pour laquelle il est revenu à Lomé fin juillet dernier. Mais il a
été presque dissuadé de le faire, à cause des menaces de mort sur sa
personne. Au point qu’il a dû quitter le Togo par le Burkina Faso, sans
doute pour échapper aux griffes de ses détracteurs…

La jurisprudence Bertin Agba, Pascal Bodjona…

La justice togolaise va-t-elle accepter s’humilier dans cette affaire
pour protéger un individu et ainsi écorner davantage l’image du Togo ?
La question vaut son pesant d’or lorsqu’on se rappelle la jurisprudence
intéressante en la matière, l’affaire dite d’escroquerie internationale
d’environ 48 millions de dollars sur le fameux Emirati Abbas Al Youssef
et toute l’implication et la dévotion de la justice togolaise dans ce
dossier, arrêtant à tour de bras des personnalités et non des moindres.

En effet, l’homme d’affaires togolais réputé proche du régime des
Gnassingbé, Bertin Sow Agba, fut le premier à passer à la trappe, arrêté
le 7 mars 2011 avec saisie aussitôt de ses véhicules et autres bien. La
justice n’avait pas eu peur de s’en prendre à l’ancien Directeur
Général d’Elf, le Français Loïk Le Floch-Prigent,
arrêté à Abidjan le 15 septembre 2012 et extradé à Lomé quelques heures
plus tard. La plus grosse prise (sic) dans cette affaire aura été Pascal Bodjona.
Personne ne pensait Faure Gnassingbé capable de faire arrêter son
ancien bouclier politique, porte-parole et façonneur politique. Mais il
l’a fait. Le crime de Bodjona dans ce dossier, c’était simplement
d’avoir reçu en cadeau une montre Rolex de l’Emirati. Cela avait suffi
pour le conduire en prison.

L’ancien ministre de l’Administration territoriale appréhendé le 1er
septembre 2012, fut remis provisoirement en liberté après sept mois de
détention avant d’être de nouveau arrêté le 21 août 2014 pour n’être
relâché que le 6 février 2016, après deux ans de détention en tout,
traîné dans la boue, humilié…A l’époque, la simple réception de la
fameuse montre Rolex de l’Emirati avait été décrite comme ayant écorné
l’image du Togo, surtout qu’il était ministre. Le cas Vincent Gassou
offre l’occasion pour le pouvoir en place de prouver à l’opinion que la
rigueur dont il avait fait preuve dans l’instruction de cette (première)
affaire dite d’escroquerie internationale, loin d’être un acharnement,
visait simplement à redorer l’image du Togo écornée par cette
implication (sic) de sommités et proches du régime…

Lire aussi:Togo: le milliardaire béninois « KGB » mis aux arrêts

Trop important pour être occulté, la présente affaire d’escroquerie
en bande organisée est suivie de près par la justice et le pouvoir
français. Selon les indiscrétions, des réunions se multiplient entre le
Procureur Général de Paris Remy Heitz, la victime Stéphane Safieddine et son conseil, le célèbre avocat pénaliste franco-italien Eric Dupond-Moretti,
figure de proue dans le paysage judiciaire français. Il nous revient
également que le Quai d’Orsay suit le dossier avec attention. Ce sont
simplement les regards de la Grande France qui sont donc tournés vers le
Togo. Faure Gnassingbé, qui remue ciel et terre pour taper dans l’œil
d’Emmanuel Macron, arracher une audience et la présenter comme un
soutien de Paris à son dessein de quatrième mandat au pouvoir, va-t-il
laisser la justice et son pouvoir protéger Vincent Gassou et prendre le
risque de frustrer la France qui aime tant protéger les intérêts de ses
opérateurs économiques à travers le monde ?

Dossier à suivre donc de très près.

Didier Ledoux

Source : Liberté No.2987 du jeudi 22 Août 2019

Source : Togoweb.net