Dossier / Commande de produits pétroliers au Togo, Partie I : Le mécanisme d’ajustement automatique des prix des produits pétroliers, la MANNE pour une minorité!

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Quand un régime institue officiellement une structure d’ajustement des prix de produits pétroliers dont la gestion est déclarée en totale indépendance des circuits officiels des recettes de l’Etat, sous quel vocable autre que celui de « mafia étatique » peut-on désigner cette pratique ? Depuis avril 2002, les différents ministres du Commerce, des Mines et de l’Energie, et de l’Economie et des Finances voient sans dénoncer, consomment sans ciller et laissent faire. Pour mieux comprendre le dossier sur la commande des produits pétroliers au Togo, il faut connaître aussi le mécanisme d’ajustement des prix des produits pétroliers.
 
Le mécanisme d’ajustement des prix, qu’est-ce ?
 
Savez-vous que beaucoup de milliards prennent un circuit parallèle qui échappe au Trésor public au Togo via le machin truc de mécanisme d’ajustement ? Qu’est-ce en fait ?
 
Journal Officiel (JO) d’avril 2002. Par un Décret N°2002-029/PR portant création du mécanisme d’ajustement automatique des prix des produits pétroliers, feu Gnassingbé Eyadema a balisé la voie à une minorité pour se sucrer allègrement sur les prélèvements placés sous ce vocable.
 
Sur le papier, ce mécanisme d’ajustement automatique devrait fonctionner comme suit, conformément à l’article 2 du décret : si les prix des produits pétroliers à l’importation varient à l’intérieur de la fourchette -5% à +5% bornes comprises, par rapport aux prix de la structure de référence, la marge des pétroliers supporte la totalité de la variation, les prix à la pompe et la taxe sur la Consommation des Produits Pétroliers étant fixes. Par contre si les prix à l’importation varient à l’extérieur de la fourchette -5% à +5% bornes non comprises, par rapport aux prix de la structure de référence, de nouveaux prix de vente à la pompe des produits pétroliers sont fixés par arrêté interministériel. En d’autres termes, les variations inférieures à 5% sont à la charge des pétroliers, et au-delà, ce sont les consommateurs qui les couvrent. On comprend par là que les ressources de ce mécanisme d’ajustement automatique ne sont nullement destinées à supporter quelque différentiel que ce soit ! A retenir pour la suite.
 
Pour sa gestion, ce mécanisme d’ajustement est piloté par un Comité placé sous la tutelle du ministre chargé du Commerce dont les charges principales sont : de suivre, d’enregistrer et d’analyser les informations relatives aux fluctuations des prix des produits pétroliers importés au Togo et en particulier celles se rapportant aux prix de référence par nature de produits et qui sont basés sur le PLATT’S FOB MED ; et de proposer au gouvernement des politiques appropriées de régulation économique dans le secteur du pétrole. De ce fait, c’est ce Comité qui soumet à l’appréciation du gouvernement les prix de vente à la pompe des carburants sur la base du mécanisme d’ajustement automatique qui tient compte de la fluctuation conjuguée du taux de change du dollar et du cours des produits pétroliers sur le marché international ; « Il veille aussi à la réalisation des recettes pétrolières de l’Etat et aussi à l’apurement des dettes pétrolières de l’Etat reconnues par le Trésor public dans la limite des fonds disponibles au titre des prélèvements inscrits dans la structure des prix des produits pétroliers ». Mais le même décret se tire une balle dans les pieds.
 
En effet, l’article 12 dudit décret dit que pour son fonctionnement, le Comité dispose de ressources constituées par les redevances du poste « mécanisme d’ajustement » inscrites dans la structure des prix des produits pétroliers en vigueur. « Elles sont gérées par dérogation faite aux principes généraux applicables en matière de comptabilité publique : un compte est ouvert à cet effet dans une banque de la place ».
 
De l’usage des ressources du Comité, l’article 13 du décret en a fait cas. Ainsi, on découvre que les ressources du poste « mécanisme d’ajustement » contenu dans la structure des prix sont affectées aux dépenses relatives aux : contrats d’achat des informations pétrolières « on line » par réseau satellite ; contrats de prestations de services ; abonnements ; investissements relatifs aux outils informatiques et de bureautique, aux équipements et produits chimiques du laboratoire d’analyse des produits pétroliers [Ndrl, et pourtant, des mélanges toxiques s’effectuent au large des côtes du pays et sont déversés sur le marché ouest africain] ; aux programmes de formation ; aux indemnités de missions ; aux indemnités de présence des membres de la commission technique.
 
S’agissant du montant des indemnités de présence des membres de la commission technique, un article y est consacré et le ministre du Commerce est désigné comme ordonnateur des dépenses du Comité. En 2002, c’était Dama Dramani, l’actuel président de l’Assemblée nationale.
 
La composition du Comité et de la commission technique vaut le détour pour la suite. C’est ainsi qu’à la tête du Comité, siège le ministre du Commerce comme président, le ministre chargé des Finances, Vice-président, le ministre des Mines, un représentant de la présidence de la République, un représentant de la Primature et deux représentants du Groupement Professionnel de l’industrie du Pétrole (GPP) étant tous membres. Quant à la commission technique, elle comprend un coordonnateur en provenance du ministère du Commerce et six autres membres représentant la direction du commerce extérieur, de la direction générale du trésor, des douanes, des impôts, de l’économie, et des mines et de la géologie. Ni dans le comité, ni dans la commission technique on ne retrouve de représentants de la société civile.
 
Et son prélèvement a été multiplié par…quatre !
 
Dans un arrêté ministériel datant de 1998, un certain Francis S. Adjakly, président du Comité de suivi des fluctuations des prix des produits pétroliers (CSFPPP) avait exposé les motifs qui avaient justifié que les prix du litre du super, de l’essence, du pétrole, du gas-oil et du mélange 2T soient respectivement ramenés à 245 F, 240 F, 165 F, 220 F et 300 FCFA. Par lui également, deux modifications étaient entrées en vigueur. « Le prélèvement communautaire est introduit à la ligne 06 de la structure et le fonctionnement du mécanisme d’ajustement à la ligne 22 pour 0,5 F/l. Telles sont les innovations contenues dans cet arrêté que nous avons l’honneur de soumettre à votre haute appréciation », avait-il justifié. C’est ainsi que 50 FCFA étaient prélevés sur l’hectolitre du super, de l’essence, du pétrole et du gas-oil.
 
Mais combien de temps cette mesure avait-elle été appliquée avant des modifications qu’on continue de faire subir aux consommateurs à ce jour ? Depuis au moins une décennie, le prélèvement au profit du mécanisme d’ajustement pour chacun des quatre produits pétroliers a été multiplié par…quatre ! Soit 200 FCFA par hectolitre et par produit.
 
Pourquoi ce bond de 400%?
 
En mai 1998, l’arrêté interministériel 32/MIC/MMETL/MFP fixant les prix de vente des carburants avait arrêté le prélèvement au profit du mécanisme d’ajustement automatique à 50 FCFA/Hl (hectolitre). Il y a près de deux mois, nous nous sommes rendus au ministère du Commerce pour nous faire produire copie des structures des prix des carburants, histoire de nous permettre d’avancer dans notre enquête. Malheureusement, la secrétaire nous avait objecté qu’il nous fallait adresser une demande à la locataire du ministère avant tout. Et pourtant, il existe une loi qui intime l’ordre aux institutions de la République de fournir les informations dont les médias auront besoin dans leur mission de chiens de garde.
 
Alors, n’ayant pas obtempéré, il nous est impossible aujourd’hui de dire la date exacte à laquelle ce prix a été quadruplé, alors que celui des produits pétroliers a à peine doublé. La question est d’autant plus urgente à solutionner que les fonds issus de ce système ne servent qu’à entretenir ceux qui composent la commission technique avec à leur tête le sieur Francis Adjakly, rivé au poste de président de ladite commission depuis belle lurette.
 
En plus, le fait d’avoir soustrait les ressources issues des redevances du mécanisme d’ajustement au regard du Trésor public est illégal et tend à identifier celles-ci à des fonds illicites dont la gestion est comparable à un système mafieux bien huilé. Mais combien de Togolais peuvent imaginer le tonnage de produits pétroliers que commande mensuellement le Togo ainsi que les pays importateurs ? Vivement dans la suite de ce dossier.
 
Abbé Faria
 
Source : Liberté
 

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