L’utilisation du charbon de bois par exemple pour la cuisson, est l’une des causes de la déforestation. Pour éradiquer ce phénomène qui est aussi l’une des causes du changement climatique, l’utilisation des énergies propres, notamment le gaz butane est conseillée aux populations. Elles ont fini par s’y habituer pour la majorité en instaurant cette pratique écologique dans leurs habitudes. Mais avec le coût élevé du gaz butane, plusieurs ménages retournent aujourd’hui encore vers le charbon de bois.
Dans un pays où l’électricité et le gaz sont des denrées dispendieuses, de nombreux ménages, à l’instar de ceux d’autres pays africains ont recours au charbon de bois comme source principale d’énergie pour la cuisson des aliments. D’autres l’utilisent comme un moyen d’appoint en cas d’urgence, durant les pannes de courant, mais hé- las de plus en plus fréquentes. Certaines familles qui ont opté pour le gaz, ont fini par retourner vers le charbon de bois.
Retour au charbon de bois…
Samedi 11 novembre. Il est 18h. A Doumasséssé, un quartier populeux de Lomé, la nuit s’annonce. Isabelle Attisso, 30 ans est caissière dans une agence de microfinance, vient de rentrer à la maison. Il y 5 ans, elle et son mari, propriétaire d’une boutique de vente de matériels informatique, ont décidé d’acheter une bouteille de gaz « pour faciliter la préparation du repas et aussi lutter contre la pollution de l’environnement ». Mais ce soir, malgré la fatigue apparente après « une journée chargée » Isabelle utilisera le charbon de bois pour préparer. La bonbonne de gaz est vide.
Depuis 4 mois, cette famille a décidé d’abandonner le gaz pour retourner au charbon. Principale raison évoquée, le prix moins élevé du charbon de bois comparativement au gaz. « Le gaz, c’était bien. Mais avec la charge de nos deux enfants et toute la famille, c’est devenu petit à petit un luxe. Maintenant, on l’utilise même plus. C’est trop cher», raconte Isabelle, les yeux pleins d’amertume.
Comme cette famille, plusieurs ménages ont abandonné l’utilisation du gaz à Lomé. Komlan, 35 ans, père d’une famille de 4 membres est locataire d’une chambre salon à Adidogomé. Il enseigne dans un collège privé au quartier Nyékonapkoé. Conscient, dit-il, du danger de l’utilisation du charbon de bois pour l’environnement, il a décidé en 2013 d’acheter une bonbonne de gaz de 6 Kg. Mais aujourd’hui, il n’arrive plus à recharger régulièrement sa bouteille, faute d’argent. « Quand j’avais acheté la bonbonne, tout le monde était content, notamment ma femme. Et je faisais tout pour le recharger régulièrement. Mais ces derniers temps, je n’y arrive plus. Le budget se resserre et le gaz est très couteux. Le gaz est fini depuis 6 mois mais je n’ai pas encore rempli la bouteille. Pour le moment on utilise du charbon », a-t-il té- moigné. « Je vais l’utiliser uniquement quand j’aurai assez d’argent. Ce n’est plus une priorité comme c’était le cas avant » ajoute-t-il.
L’utilisation du gaz n’est plus une nécessité pour la famille de Komlan. Pour certaines personnes, le gaz est même passé à l’oubliette. « Utiliser du gaz ? C’est une vieille histoire que j’ai oubliée. Depuis plusieurs mois, je n’ai plus utilisé du gaz. C’est vraiment difficile avec ce prix. C’est vrai que le charbon n’est pas bon pour l’environnement mais on n’a pas d’autres alternatives », affirme pour sa part Claude Sessi, propriétaire d’une boutique d’alimentation générale sur le boulevard du 13 Janvier. Selon les d ires de ce dernier, trois de ses amis on fait la même chose.
Le prix du gaz pose problème
Comme pays pilote dans la politique de mise en oeuvre des Odd, le Togo devrait être irréprochable en matière de mesures prises en faveur de la préservation de l’environnement. Mais voilà. Depuis décembre 2015, les prix des produits pétroliers ont subi plusieurs modifications. Le prix du gaz butane n’a pas connu le même traitement. Le graal a été atteint le 11 Août 2016, quand Total, la société pétrolière française, a annoncé une augmentation brute des prix des bonbonnes de gaz butane. Total justifie cette hausse par un arrêté ministériel datant du 28 Juillet 2015 dans lequel le gouvernement togolais annule la subvention sur les prix du gaz butane. Ainsi, le prix de la bonbonne de gaz de 6 Kg est fixé à 4.650 FCFA et celui du 12, 5 Kg à 9 690 FCFA, soit une augmentation qui avoisine les 60% par rapport aux prix précédents.
Mais rapidement, avec le tôlée qu’a suscité cette annonce sur les réseaux sociaux, Total fait une marche arrière. Par la suite, le ministère du Commerce s’est désolidarisé de cette augmentation. Mais l’on se demande comment le prix du gaz dont l’utilisation est conseillée peut être aussi élevé ? Alors que le point 13 notamment des Odd demande de « prendre des mesures d’urgences pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions ». Aujourd’hui, la bonbonne du gaz de 6 kg coûte 3 120 FCFA et 6 500 FCFA pour celle de 12kg. «Au Togo, le gaz coûte trop cher. Ce n’est pas possible pour nous les pauvres ou togolais moyens de recharger tous les mois. Si on baisse le prix, on peut ressortir nos bouteilles de gaz», lance Claude Sessi, un conducteur de taxi moto.
Aussi, comparativement à certains pays de la sous-région, le prix de la bonbonne de gaz butane au Togo est très élevé. En exemple, en Côte d’Ivoire la bouteille de gaz butane de 6 Kg est vendue à 2 000 FCFA et celle de 12 Kg à 2 855 FCFA. De même au Ghana où la bonbonne de 12 Kg est cédée à 5 000 FCFA et le 6 Kg à 2 500. Pourtant, les Ghanéens et Ivoiriens possèdent un pouvoir d’achat plus conséquent que les Togolais.
Le prix élevé du gaz qui pousse plusieurs familles à recourir au charbon de bois n’est pas sans conséquence pour les producteurs, les utilisateurs, l’environnement et, par déduction, les générations futures.
Danger pour le présent et le futur…
Avec l’expansion démographique, cette dépendance vis-à-vis des ressources ligneuses a inexorablement entraîné une pression accrue sur les forêts et leur destruction accélérée, en même temps qu’une détérioration des conditions de vie sans compter les risques pour la santé que représentent ces pratiques. « Dans les communautés où l’utilisation du bois de chauffe est commun, la fumée de bois peut être responsable jusqu’à 25 % des particules dans l’air, 15 % des composés organiques volatils et 10 % du monoxyde de carbone dans l’atmosphère. La fumée de bois peut aussi contenir d’autres composés toxiques, tels des oxydes d’azote et des dioxines chlorées », explique Justine Messanh, une infirmière d’Etat. Ainsi, avant même que le charbon de bois n’arrive dans la capitale, elle cause déjà des dégâts sur la santé des producteurs. L’énergie est le principal facteur contribuant au changement climatique, ce qui représente environ 60 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Selon les chiffres des Nations Unies, 3 milliards de personnes dépendent du bois, du charbon ou des déchets animaux pour la cuisson et le chauffage. Au Togo, avec l’augmentation rapide de la population urbaine, les utilisateurs du charbon de bois vont, sans aucun doute, s’accroître. Dans ce cas, l’on va inexorablement vers une augmentation de la production du charbon de bois, un danger pour les générations présentes et futures. L’utilisation du charbon de bois pause un vrai problème de développement durable.
En effet, comme mentionné plus haut, l’utilisation du charbon de bois est l’une des causes principales de la déforestation et de la dégradation des forêts. Et la disparition des forêts impacte directement sur l’environnement, d’où les changements climatiques.
Même si au Togo, des projets comme le Redd+ instauré en 2016, ont pour objectifs de permettre à la forêt et aux arbres hors-forêt de continuer par jouer leur rôle socio-économique et écologique. Il y a encore du chemin à faire, surtout si le prix des énergies renouvelables reste élevé.
D’autres solutions comme des foyers améliorés existent mais, elles ont besoin d’un accompagnement de l’Etat pour se développer. Ce qui n’est pas encore le cas. « Nous disposons des alternatives pour lutter contre l’utilisation à grande échelle du charbon dans les ménages. Avec nos inventions, le problème peut être résolu », dixit Florent Tchassé, un jeune inventeur de foyer amélioré.
On se souvient qu’au lendemain de la célébration des 70 ème anniversaires de l’Organisation des nations unies, les Objectifs du millénaire pour le développement (Omd), qui sont arrivés à terme, ont été remplacés par les Objectifs pour le développe ment durable (Odd). Le Togo a été choisi comme pays pilote devant œuvrer pour la prolongation des Objectifs du millénaire pour le développement. De ce fait, le pays a bénéficié des financements à travers des projets notamment le projet de Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (Redd+). L’Objectif 7 des Odd vise notamment à garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable. Mais, les décisions qui devraient accompagner ces projets peinent à être prises par le gouvernement togolais.
C’est clair que le gouvernement togolais doit aujourd’hui mettre tout en œuvre pour permettre aux populations de participer significativement à la réduction des émissions des gaz à effet de serre en prenant des mesures courageuses. Et baisser le prix du gaz pourrait faire partie de ces mesures. Ceci s’accordera avec les engagements du gouvernement en l’occurrence, celui de réduire de 2%, l’émission des gaz à effet de serre pris par le Togo lors de la COP21. L’utilisation de combustibles propres pour la préparation des repas et autres pourrait y participer grandement.
Source : www.icilome.com