Diaspora, Canada : Un juge refuse à un hôpital de Montréal d’amputer les membres d’un Togolais souffrant d’engelures sévères

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Diaspora, Canada : Un juge refuse à un hôpital de Montréal d’amputer les membres d’un Togolais souffrant d’engelures sévères

Pour la première fois au Québec, un hôpital s’est rendu devant le tribunal pour avoir le droit d’amputer les membres nécrosés d’un homme qui refusait ces opérations. Une demande rejetée par la cour.

L’homme de 44 ans, originaire du Togo, en Afrique, est hospitalisé au Centre hospitalier universitaire de Montréal depuis le 11 décembre puisqu’il « présentait des engelures sévères aux quatre membres », selon le jugement rendu la semaine dernière en Cour supérieure.

Sans famille, ami, logement ou source de revenus, le CHUM allègue qu’il aurait tenté d’aller vivre à Sorel. Il aurait pris l’autocar de Longueuil, puis aurait poursuivi sa route dans la voiture d’un étranger qui l’aurait abandonné près de Yamaska. Il aurait trouvé refuge dans une maison vide, sans eau ou nourriture, jusqu’à ce qu’il appelle les policiers à son secours.

Trouble psychotique

Voyant ses engelures évoluer vers des nécroses jusqu’à la moitié inférieure des jambes et face au refus catégorique du patient et muni d’un diagnostic de problèmes de santé mentale, le CHUM l’a estimé inapte à décider pour lui-même et a demandé une ordonnance de traitement au tribunal le 27 décembre que seule l’amputation pouvait le sauver.

Dans un jugement rendu le 3 janvier, le juge Gérald Dugré de la Cour supérieure reconnaît que le patient est inapte à consentir aux soins qui, précise-t-il, sont inévitables.

« Les parties, non plus que le tribunal, n’ont pu retracer de jurisprudence québécoise par laquelle un tribunal a autorisé une amputation dans le cadre d’une ordonnance de soins », écrit le juge Gérard Dugré dans sa décision.

Le juge Dugré consent néanmoins aux demandes du patient compte tenu de ses « droits fondamentaux » et des « volontés qu’il a manifestées ».

Selon lui, « le CHUM n’a pas démontré que l’amputation […] soit actuellement nécessaire ». Il souligne que le défendeur ne semble pas comprendre les causes de son état, blâmant des antibiotiques pour ses doigts nécrosés. Il ajoute que l’homme affirme aussi croire que ses jambes reviendront à la normale.

« Ces amputations […] constituent une violation irréparable de la personne du défendeur et de son droit à son intégrité physique, même si celle-ci est irrémédiablement compromise suite à ses engelures sévères », peut-on lire dans la décision.

Un patient à qui le tribunal imposerait l’amputation de ses deux jambes alors qu’il est convaincu qu’elles peuvent être récupérées « pourrait conserver la conviction inébranlable qu’une telle intervention n’était pas nécessaire et que sa volonté n’a pas été respectée », écrit-il.

Le juge note qu’une personne sur deux décède dans un tel cas s’il est victime d’une septicémie, soit une infection généralisée, mais que les médecins n’ont pas été en mesure de lui indiquer les probabilités que de tels risques surviennent.

Le tribunal pourra être saisi à nouveau si la santé du patient évolue et rend nécessaire et urgente une amputation, précise le juge.

Suivi médical

Toutefois, devant le refus « absolu, indiscutable, clair et net » de l’homme et le fait que le CHUM n’a pas prouvé le besoin « immédiat » des opérations, le juge les a refusées. Il ordonne tout de même un suivi de la médication antipsychotique et antibiotique.

« On ne peut pas imposer n’importe quel soin à un patient inapte », souligne l’avocat du défendeur Me Patrick Martin-Ménard. Il rappelle que le Code civil du Québec soutient qu’en cas d’urgence, le consentement n’est pas nécessaire pour des soins médicaux, sauf s’ils sont « inusités » ou si « leurs conséquences pourraient être intolérables ».

Cette décision fera jurisprudence. Le jugement révèle en effet que ni les parties ni le juge n’ont pu retracer de décisions d’un tribunal québécois qui se penche sur une demande d’amputation forcée.

Source : JDM + Radio Canada

27Avril.com