Des éloges choquants du premier ministre malien à Faure Gnassingbé. Voilà les conséquences d’un panafricanisme tiré par les cheveux.

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Choguel Kokalla Maïga

«…Chose curieuse, des combattants de la démocratie et de la liberté d’hier, se sont transformés aujourd’hui en griots réfutant tout esprit critique dans leur soutien aux régimes militaires du Sahel. Que l’on jette des journalistes en prison et que l’on ferme leurs organes de presse, ils réagissent en dénonçant la traîtrise. Que la société civile proteste et soit jetée en prison, ils rétorquent que ça leur apprendra à se taire et à ne plus critiquer. Que l’on embastille les opposants politiques et expédie leurs leaders âgés de 70 ans dans l’armée au front contre les djihadistes, leur souhait c’est de les voir morts le plus tôt possible, car l’on n’a pas eu le courage de les exécuter publiquement comme le font les tueurs sans foi ni loi. En quoi sont-ils meilleurs que les anciens dirigeants criminels et kleptocrates? Il ne faut pas échanger un voleur contre un sorcier, nous dit l’adage. Or toutes ces façons criminelles de faire la politique, nous les avions tous dénoncées au niveau des régimes crapuleux précédents à la solde de l’impérialisme. Avons-nous perdu la mémoire?…» (Prof. Ayayi Togoata APÉDO-AMAH, 20 mars 2024, sur Icilomé.com)

À voir ce qui se passe sur le continent africain en termes de gouvernance politique, surtout en Afrique francophone, à voir le narratif actuel au sein d’une partie de l’opinion africaine, quant à un décollage sur tous les plans du continent noir, nous avons l’impression que l’Africain est encore loin d’avoir trouvé la bonne recette, pour se libérer, se développer, s’imposer et se faire respecter comme d’autres continents, hier parmi les derniers de la classe, l’ont fait. Ce nouveau concept, pas tellement nouveau du panafricanisme, qui a pris de l’ampleur, surtout sur les réseaux sociaux, ces dernières années, semble aller dans tous les sens, de telle sorte que si nous n’y prenons garde, ce panafricanisme débridé et surtout mal compris, risque de causer plus de tort à une Afrique déjà mal en point.

C’est Léopold Sédar Senghor, écrivain et ancien président du Sénégal, qui disait que l’émotion est nègre. Oui, cette émotion, trop présente dans le raisonnement des uns et des autres, dans leur tentative de s’approprier ce qu’ils appellent le «panafricanisme», à travers l’Afrique, surtout francophone, n’est-elle pas entrain de fausser le combat, pour permettre aux aventuriers et dictateurs de tout acabit de s’engouffrer dans ce fourre-tout indigeste? Pour rester fidèle au titre de notre article, rendons-nous aux pays de l’AES (Alliance des États du Sahel). Il s’agit du Burkina-Faso, du Mali et du Niger. Et nous nous intéresserons tout d’abord au Mali et à son premier ministre, Choguel Kokalla Maïga; un homme qui n’a pas sa langue dans sa poche quand il s’agit de s’en prendre aux dirigeants français, et à l’occident en général, qui seraient, paraît-il, les principales causes des nombreux problèmes de son pays et de l’Afrique. Dans ses interminables dénonciations de la CEDEAO, de la France et de l’Occident, le chef du gouvernement de la junte malienne était revenu sur la crise qui oppose, ou qui a opposé son pays le Mali, le Niger et le Burkina à l’organisation sous-régionale. Il trouve que le régime togolais , incarné par Faure Gnassingbé, aurait «fait preuve d’une diplomatie réelle», et que contrairement aux autres pays qui auraient conspiré à les faire tomber, le Togo aurait eu «une position indépendante, africaniste; jamais on ne s’est servi de leur main pour étrangler les Africains…» Monsieur Choguel Kokalla Maïga, dans ses envolées dithyrambiques en faveur du président de fait du Togo, a continué à choquer les Togolais et à les révolter, jusqu’au point où beaucoup de nos compatriotes, aussi bien au pays que dans la diaspora, se demandent s’ils ne sont pas dans un mauvais rêve.

Plusieurs questions se dégagent après cette cérémonie de louanges animée par le premier ministre du Mali à l’endroit du dictateur togolais. Choguel Kokalla Maïga et les autres autorités de la transition malienne connaissent-ils vraiment le Togo? Connaissent-ils vraiment la situation politique du Togo? Savent-ils comment celui que leur premier ministre qualifie de plus jeune, et de sage de la sous-région, est arrivé au pouvoir, et comment il s’y maintient depuis bientôt 20 ans? Nous avons l’impression que Monsieur Maïga, comme d’ailleurs tous ses collègues de la junte, sont entrain de faire preuve d’une certaine naïveté, et c’est incompréhensible de la part des gens qui se disent «révolutionnaires.» Cette France dont Choguel Kokalla Maïga ne veut plus entendre parler dans son pays est le sponsor de celui qui fait voir de toutes les couleurs à ses compatriotes au Togo. Le chef du gouvernement malien, de sa position, devrait faire preuve d’une certaine expérience pour déceler le jeu double et hypocrite du président togolais, qui cherche à se couvrir de lauriers qu’il ne mérite pas, et qui cherche à détourner les Togolais naïfs et surtout ses soutiens étrangers complaisants, de la dramatique situation dans son pays dont il est la cause.

La junte malienne explique le fait qu’elle soit arrivée au pouvoir par un coup d’état par le caractère désastreux dans la gestion du pays par l’ancien régime. Et le bon sens voudrait qu’on ne s’allie pas à un régime qui est à la base de la mauvaise gouvernance à cause de laquelle justement on a fait un coup d’état dans son propre pays. Et l’ouverture à la mer et l’utilisation du port de Lomé ne peuvent pas non plus expliquer qu’on piétine ses principes, si on en a vraiment. Nous espérons que la nouvelle sur le dernier épisode des faits d’armes de Faure Gnassingbé pour ne jamais quitter le pouvoir au Togo, avec sa tentative de coup de force avec une assemblée nationale dont le mandat a expiré depuis trois mois, est arrivée jusqu’à Bamako, et que le premier ministre Maïga pourrait reconsidérer sa position sur la supposée sagesse de son «bienfaiteur». En dehors du comportement incompréhensible de Choguel Kokalla Maïga qui, en tant que «révolutionnaire» et «panafricaniste», devrait avoir avoir une certaine aversion pour les régimes de dictature, c’est l’attitude des trois régimes de l’Alliance des États du Sahel (AES), à savoir le Burkina-Faso, le Mali et le Niger qui interroge. Les trois régimes, arrivés au pouvoir par des coups d’état, sont-ils venus pour démocratiser leurs pays pour que les citoyens puissent vivre en toute liberté, ou sont-ils venus pour réinstaurer la dictature et l’autocratie? Les critiques entendues ça et là et celles exprimées par le Professeur Apédo-Amah et que nous avons reproduites dans notre citation du début, sont assez graves pour nous faire douter, malgré les émotions et le populisme non fondés sur les réseaux sociaux, du bien fondé du panafricanisme dont il est question. Après les élections présidentielles en Russie qui avaient opposé Vladimir Poutine et quelques candidats pour la galerie, et dont l’issue était connue d’avance, et après que les trois présidents de l’AES se soient précipités pour féliciter le dictateur du Kremlin, un internaute sur le site icilome.com, avait réagi en ces termes: « Après les élections présidentielles en Russie dont le vainqueur était connu d’avance, les juntes militaires d’Afrique de l’Ouest formant l’Alliance des Etats du Sahel, se sont empressés d’adresser leurs félicitations à Vladimir Poutine ; une action diplomatique qui rappelle l’alignement d’antan et contraste avec la volonté d’autonomie prônée par les « hommes forts » de ces trois Etats… En se détournant de leurs alliés de longue date notamment la France, ces trois Etats ont opéré un virement radical pour se « jeter » dans les bras de la Russie… Avant de retomber dans les mêmes travers qu’à l’époque des relations idylliques avec la France, il serait convenable que les militaires à la tête de ces Etats se posent les bonnes questions. Il serait dommage de déshabiller Pierre pour habiller Paul.»

Comme on le voit et pour terminer, nous voulons rappeler à notre ami Choguel Kokalla Maïga, à ses collègues de la junte malienne, aux autres premiers responsables de l’AES, aux nombreux africains francophones, surtout de la sous-région ouest, sur les réseaux sociaux, que continuer à dénoncer à longueur de journée ce que tout le monde sait déjà, n’a jamais libéré, ni développé aucun pays au monde. Et n’oublions pas que les relations entre états peuvent souvent être impitoyables, et ne sont régies que par des intérêts. Si aujourd’hui des pays comme la Chine ou l’Inde, par exemple, qui ont l’allure de continents, ont su choisir leur mode de gouvernance, se développent et se font respecter par les Occidentaux, ils n’avaient pas eu besoin de crier sur tous toits qu’ils étaient lésés ou discriminés. Alors, ne vaudrait-il pas mieux pour nous, dirigés par des leaders clairvoyants, intelligents et aimant leurs pays, que nous nous mettions silencieusement au travail, pour choisir notre voix, nous développer, nous libérer et nous faire respecter, sans être le pion d’aucune autre puissance?

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com