Aucune dictature au monde ne se démocratise d´elle-même; ni de l´intérieur, ni de l´extérieur. Une dictature reste une dictature. Et si nous prenons l´exemple de la dictature Gnassingbé au Togo, nous avons déjà et à plusieurs reprises assisté au changement de vestes d´opposants qui argumentaient vouloir aller changer le système de l´intérieur. Mais toutes ces personnalités qui avaient accepté des postes de ministres ou de premiers ministres dans le gouvernement du dictateur, n´avaient pu rien changer. Tout ce qu´ils avaient réussi c´était d´avoir pu renflouer leurs comptes en banque. Quant aux conséquences liées à la gouvernance dictatoriale, elles continuent à faire des ravages au sein des populations. C´est pourquoi quand Gilchrist Olympio signa son fameux accord avec Faure Gnassingbé en 2010, beaucoup d´observateurs n´ont pas tort en parlant de trahison, surtout que de gros sous y étaient pour quelque chose.
Après plus de 27 dialogues et autres accords dont l´esprit n´a jamais été appliqué par le pouvoir de Lomé, après plusieurs mascarades d´élections sur plusieurs décennies avec leur corollaire de violations des droits de l´homme de toutes sortes, tout opposant sérieux à ce régime devrait réfléchir par deux fois avant d´accepter participer à un dialogue ou à un scrutin électoral quel qu´il soit. Dans le cas d´espèce où il s´est agi de la participation ou non de la vraie opposition aux élections locales, nous étions parmi ceux qui doutaient du bien fondé de ce scrutin et surtout d´un quelconque intérêt qu´aurait l´opposition en y participant. Nous savions que le régime Gnassingbé usera de subterfuges de toutes sortes pour dépouiller les éventuels maires élus de l´opposition de tous les pouvoirs. C´est pourquoi nous pensions que même si la majorité des mairies revenait à l´opposition, ça ne changerait rien aux souffrances des populations togolaises. Le drame togolais restera entier et le régime de Lomé sortira révigoré parce que l´opposition l´aura légitimé une fois de plus en l´accompagnant aux élections.
Dans un précédent article nous dénoncions l´incohérence des ex-partis de la C14, qui, après avoir boycotté les élections législatives de Juin 2018 avec comme motif l´imperfection des lois et institutions chargées des élections, avaient décidé de participer au scrutin municipal alors que rien n´a changé. Non seulement ce scrutin de la honte avait toutes les caractéristiques d´une vraie mascarade électorale comme on en connaît depuis des décennies au Togo, mais ce fut également l´occasion pour des partis qui se disent de l´opposition de pactiser avec le diable qu´ils prétendent combattre. Des maires UNIR furent élus avec la bénédiction des élus dits de l´opposition. Il était clair qu´en décidant d´aller à ces élections les partis de l´opposition participationnistes étaient à la recherche de postes de conseillers municipaux et de maires, ils savaient tous que leur participation n´apporterait rien à la lutte du peuple pour sa libération.
A-t-on besoin d´avoir étudié à Sciences-Po pour savoir qu´au cours d´une lutte contre une dictature cinquantenaire comme celle des Gnassingbé au Togo, il y a des erreurs qu´une opposition ne devrait pas commettre? D´autant plus que ce pouvoir nous a plusieurs fois montré dans un passé récent de quoi il est capable s´agissant de sa mauvaise foi, et de son jusqu´au-boutisme dans le mal? On ne peut pas faire de la démocratie dans une dictature sans avoir auparavant lutté et détruit les attributs qui font de la dictature une dictature. Et c´est ce que certains de nos amis au sein de l´opposition n´ont pas compris ou ne veulent pas comprendre pour des raisons qu´eux seuls connaissent. Le refus de partager la moindre parcelle de pouvoir pour pouvoir continuer à gérer le pays dans l´opacité la plus totale, à violer les droits de l´homme et à piller les richesses en toute impunité, c´est ce qui caractérise ce régime qui considère les autres Togolais comme des étrangers qu´il faut exploîter et maltraiter à loisir. Comment alors peut-on croire qu´un tel pouvoir aussi inhumain pourrait accepter d´ouvrir sincèrement les vannes pour que des opposants qu´il considère comme des ennemis aient leur part du pouvoir? Ce n´est pas possibe et ce ne sera pas possible tant que ce pouvoir qui abhorre la transparence et surtout l´alternance restera en l´état.
C´est pourquoi cet acte d´humiliation du pouvoir à l´égard des nouveaux maires surtout de l´opposition dans le grand Lomé ne nous surprend pas. On pouvait d´ailleurs déviner l´intention du régime RPT/UNIR quand il fit modifier la loi sur la décentralisation quelques jours avant la tenue du scrutin municipal le 30 Juin 2019.
« ….cette lutte est d´abord une lutte pour la liberté, et non une lutte pour le pouvoir… » tout le drame de l´opposition togolaise est contenu dans cette petite phrase prononcée par Tikpi Atchadam dans son dernier message-audio. Avons-nous créé nos partis politiques pour aller à n´importe quelle élection à n´importe quel prix pour avoir le pouvoir, donc des postes de maires, de conseillers municipaux ou de députés? Ou faisons-nous la politique pour nous organiser et aider le peuple à se libérer? Une chose est sûre: le régime incarné par Faure Gnassingbé ne changera pas.Il continuera à être fidèle à sa mauvaise foi et à son énergie criminelle. Il revient désormais aux leaders des partis politiques qui se croient et sont conscients d´appartenir encore à la vraie opposition de mettre de côté les petites jalousies, les guéguerres de bas étage, les réflexes tribalistes pour se mettre autour d´un idéal commun pour reprendre ensemble la lutte, car le défi que constitue 2020 doit nous interpeller.
Pour aller aux élections et jouir du pouvoir qu´on en aura tiré, il n´y a qu´une seule solution: s´organiser ensemble, organiser le peuple, le sensibiliser pour mettre le régime Gnassingbé hors d´état de nuire. Autrement les partisans des élections à tout prix risquent à la longue d´être considérés comme les alliés de ce pouvoir tant décrié de tous les côtés.
Samari Tchadjobo
Allemagne
27Avril.com