Dans l’espace public un débat d’actualité pose le problème du respect des morts comme une valeur, d’un côté, tandis que de l’autre, il est question de fustiger les criminels défunts, les bourreaux du peuple, au nom du devoir de mémoire.
Cette année 2020 a vu la mort, notre horizon indépassable à tous, s’emparer d’un certain nombre inhabituel d’ennemis du peuple togolais. Sur les réseaux sociaux, certains de ces individus défuntés en prennent plus dans la gueule que d’autres. Il y est rappelé avec force détails leur course au déshonneur et toute une litanie de crimes ignominieux perpétrée contre le peuple opprimé de ce pays qui n’en finit pas de pleurer ses martyrs.
Au nom de la morale, peut-on interdire aux victimes, aux parents des victimes, aux amis du peuple et de la liberté de porter des jugements négatifs sur des ordures politiques ? Un adage bien de chez nous exprime à merveille cette situation : » L’on ne peut frapper quelqu’un tout en lui interdisant de pleurer. » D’un côté, les partisans des bourreaux auraient le droit au recueillement, au respect qui sied normalement au deuil, et de l’autre, les victimes, leurs parents, les amis du peuple n’auraient que le droit de fermer leur gueule ! C’est la dictature de la morale, une fausse morale, que certains individus tentent d’imposer aux victimes des prédateurs.
Qu’ils daignent accepter que leurs compatriotes, qui ont subi ces énergumènes, puissent exprimer leurs ressentis sans se faire diaboliser !
Le mort, par définition, c’est celui qui est sorti de la société en droit, en devoir et en dignité humaine. Il n’existe plus que dans le souvenir des vivants, d’où vient qu’il est l’objet de culte et de respect. Il est, par contre, un autre type de mort auquel la société refuse tout honneur : les assassins, les criminels, les ennemis de la société, les sorciers, etc.
Dans la société togolaise actuelle, une société violentée par une dictature militaire criminelle et atypique, la culture de l’impunité empêche les Togolais de faire le deuil de leurs proches assassinés par le pouvoir. Les suppliciés, les fusillés survivants, les exilés, les incarcérés arbitraires, toutes les victimes réclament justice là où n’existe pas la justice. Ils pleurent de douleur, ils pleurent de dépit, de haine, de misère parce qu’ils ont tout perdu: travail, dignité humaine, biens matériels, foyers, membres amputés et parfois une partie de leur équilibre psychique…
Plutôt que le respect de ces morts qui sont des bourreaux sanguinaires et des prédateurs sans foi ni loi, que les moralistes de pacotille qui veulent bâillonner le peuple martyr, daignent accepter la manifestation de la profonde réprobation des suppliciés que nous sommes majoritairement vis-à-vis de ces salopards.
Il faut appeler une hyène une hyène et la morale, la vraie, sera sauve.
Source : 27Avril.com