Dans le nord du Togo, l’armée continue sa chasse à l’homme

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Des centaines de Togolais ont trouvé refuge au Ghana, en marge des manifestations contre le pouvoir en place.
L’opposition, qui réclame le départ du président, appelle à une journée ville morte vendredi 29 septembre et prévoit de nouvelles marches les 4 et 5 octobre.

Le soleil entame sa descente, baigne la ville d’une lumière fauve. Le long d’une piste en latérite, les habitants bouclent leurs dernières tâches avant la nuit. Trois pick-up surgissent?: une patrouille d’une trentaine d’hommes, armés de kalashnikov, se déploie dans le quartier.

Des enfants courent se cacher dans un champ de maïs, des femmes pressent le pas pour s’éloigner, des hommes à moto évitent le peloton. Depuis une semaine, la présence des forces de l’ordre effraie une partie de la population.

Un enfant tué par balles

Mango se trouve dans la région des savanes. Chef-lieu de l’Oti, traversé par la route nationale qui relie le Burkina Faso à Lomé, elle ressemble davantage à un gros village qu’à une préfecture. Les 20 et 21 septembre, des échauffourées y ont fait trois morts – dont un enfant de 11 ans, tué par balle – des dizaines de blessés, et autant de maisons incendiées et de commerces pillés, du côté des membres du parti au pouvoir comme des opposants.

Tandis qu’à Lomé, les deux camps manifestaient pacifiquement, le face-à-face a dégénéré dans le nord du pays, où la plupart des marches de l’opposition n’avaient pas été autorisées. À Mango, les « bérets rouges », paras-commandos togolais, ont été appelés en renfort.

Un habitant raconte?: « Le 20, les forces de l’ordre ont tiré sur la foule pour disperser les gens. Le lendemain, les bérets rouges ont semé la terreur en guise de représailles. Ils ont brûlé des maisons au hasard, ils ont beaucoup tiré et ils ont poursuivi des jeunes jusqu’au fleuve. Ils criaient?: « Si vous voulez casser, on va vous aider à casser?! » ». D’autres témoignages font état d’une « véritable chasse à l’homme ».

Ouadja Gbandi, le préfet de Mango, réfute les accusations. « Les manifestants de l’opposition portaient des armes de guerre. Le premier coup est parti d’eux. Les militaires n’ont détruit aucune maison. »

À la sortie de la ville, des habitants apeurés ont trouvé refuge dans les champs. Une jeune femme, assise sur une natte avec ses enfants, raconte?: « Les soldats ont tiré à côté de chez moi. Mon mari a pris la fuite au Ghana [à 12 km à vol d’oiseau, NDLR] car il a peur que son nom soit sur la liste ». Cette liste, confirmée par le préfet, recense le nom des opposants suspectés d’avoir commis des dégradations.

La peur des représailles

Une autre femme, la soixantaine, est venue se réfugier ici après que sa maison a été brûlée. « Ce sont les soldats qui ont fait ça et je ne sais pas pourquoi… » Comme eux, ils sont encore nombreux à dormir en brousse, par peur des représailles ou craignant que la situation dégénère à nouveau. D’autres ont pris la fuite vers le Ghana.

Leaders de l’opposition et autorités togolaises s’accusent réciproquement d’être à l’origine des troubles. Le préfet précise que « les casseurs portaient des chemises rouges », faisant référence au Parti national panafricain (PNP) d’opposition de Tikpi Atchadam. Mais pour ce dernier, « c’est le pouvoir qui a organisé ces violences pour nous décrédibiliser. Le PNP n’est pas implanté à Mango ».

Depuis août, l’opposition réclame le départ du président Faure Gnassingbé, dont la famille est au pouvoir depuis cinquante ans. Le gouvernement a, de son côté, engagé des réformes constitutionnelles très attendues. Depuis trop longtemps peut-être.

CamerounWeb.com