L’élection présidentielle prévue samedi dans les bastions de l’opposition a été de nouveau reportée pour des raisons sécuritaires, des violences ayant déjà fait huit morts ces dernières 48 heures. La date limite du scrutin a été fixée à mardi.
La confusion la plus totale régnait samedi 28 octobre au Kenya, deux jours après une présidentielle marquée par une participation en berne et des violences dans les bastions de l’opposition qui ont conduit par deux fois au report des opérations de vote dans l’ouest du pays.
Depuis jeudi et la nouvelle présidentielle organisée après l’invalidation par la justice de la réélection du président sortant Uhuru Kenyatta en août, le pays a les yeux rivés sur les chaînes d’information qui alternent les directs sur les violences et sur les opérations de dépouillement de la Commission électorale (IEBC).
Selon des sources policières et médicales contactées par l’AFP, huit personnes ont été tuées par balles depuis jeudi, portant à au moins 48 le nombre de morts depuis l’élection invalidée du 8 août, victimes des armes de la police pour la plupart.
Vendredi, invoquant notamment la sécurité de son personnel, et alors que la tension montait dans l’Ouest, le président de l’IEBC, Wafula Chebukati, a annoncé un nouveau report des opérations de vote dans quatre comtés (Homa Bay, Kisumu, Migori et Siaya) sur les 47 que compte le pays.
Les Kikuyus visés
Au total, 3 635 des 40 883 bureaux de vote du pays n’ont pas ouvert leurs portes jeudi – représentant 9 % du corps électoral –, essentiellement pour des raisons de sécurité, selon l’IEBC.
Vendredi, pour la deuxième journée consécutive, des partisans du leader de l’opposition, Raila Odinga, sont sortis dans les rues et se sont confrontés à la police à Migori, Bungoma ou Kisumu, dans l’ouest du pays.
Dans le bidonville de Kawangware à Nairobi, des groupes de jeunes ont incendié plusieurs échoppes de commerçants kikuyu, l’ethnie de Kenyatta, majoritaire dans le pays.
Outre les violences, le scrutin a été marqué par une faible participation, estimée en l’état à 35 %. Si confirmé, ce taux serait de loin le plus bas depuis les premières élections multipartites dans le pays en 1992.
Le résultat du scrutin ne fait aucun doute : Uhuru Kenyatta, 56 ans, devrait être déclaré vainqueur sur un score dépassant les 90 %, sauf nouveau rebondissement. Mais la faible participation et le boycottage de l’opposition animent déjà les débats dans la presse sur sa légitimité et sur la validité de l’élection, susceptible d’être contestée devant la Cour suprême.
Le scrutin de jeudi avait été organisé après un coup de théâtre et une première en Afrique : l’annulation le 1er septembre par la justice de l’élection du 8 août, à l’issue de laquelle Kenyatta avait été proclamé vainqueur avec 54,27 % des voix, contre 44,74 % à Odinga.
Un scrutin « ni transparent, ni vérifiable »
La Cour suprême avait justifié cette décision par des irrégularités dans la transmission des résultats, faisant peser la responsabilité de ce scrutin « ni transparent, ni vérifiable » sur la Commission électorale.
Odinga, 72 ans et trois fois candidat malheureux à la présidence (1997, 2007, 2013), avait fait pression pour obtenir une réforme de cette Commission, mais l’opposition a jugé insuffisants les changements récemment mis en œuvre. Vendredi, il a réitéré son appel à une campagne de désobéissance civile, afin, a-t-il dit, de contraindre le pouvoir en place à accepter l’organisation d’une nouvelle élection dans les 90 jours. Selon l’opposition, ce délai permettrait de mener à bien les réformes nécessaires à la tenue d’un scrutin transparent.
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