Création d’une compagnie aérienne pour desservir Niamtougou : L’imagination « fertile » d’une gouvernance stérile

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Les Togolais auront bientôt leur compagnie aérienne. L’information émanant du Directeur général de l’Aéroport international Gnassingbé Eyadéma (AIGE), Colonel Gnama Dokissime Latta, a été abondamment relayée par les médias locaux. « Nous allons prochainement dévoiler le nom de cette compagnie. On a déjà trouvé un partenaire », a déclaré le colonel. Le projet est tout a fait « non rentable ».

L’idée est de créer une liaison locale entre Lomé et Niamtougou, à raison de 3 vols par semaine. Il s’agit, selon le DG de l’aéroport, de permettre aux Togolais de se déplacer plus facilement, mais aussi et surtout de favoriser le désenclavement du Nord et d’attirer les investissements. L’information véhiculée nous apprend également que Niamtougou se trouve à 50 minutes de vol de la capitale Lomé, à plus de 6 heures en voiture, pour une distance de 439 kilomètres.

Rallier Niamtougou par Lomé avec un vol commercial, ce n’est pas nouveau. En avril 2016, après la construction de la nouvelle aérogare de l’aéroport de la capitale, Faure Gnassingbé a lancé les travaux sur le site de Niamtougou. Ces travaux comprennent un allongement de la piste, la construction d’une clôture, la rénovation du parking avion et celle de la petite aérogare. Selon les informations, l’aéroport de Niamtougou est ouvert au trafic commercial et au fret avec une activité très réduite.

Ce projet avait fait couler beaucoup de salive au sein de la représentation nationale. A l’époque, les députés de l’opposition, notamment l’Alliance nationale pour le changement (ANC) avaient dénoncé l’inopportunité du projet ainsi que le coût exhorbitant. Le projet financé à hauteur de 32 milliards de francs CFA a été justifié par le fait que les marchandises en provenance de l’Hinterland pouvaient transiter par cet aéroport, suivant les explications non convaincantes du ministre des Infrastructures et des Transports de l’époque, Ninsao Gnofam.

Aujourd’hui, on nous vante le mérite de créer une compagnie aérienne dont la clientèle serait principalement locale. Drôle de projet quand on sait que très peu de Togolais ont les moyens de s’offrir le vol Lomé-Niamtougou-Lomé. Clientèle est très infime ou « le marché n’est pas assez attractif », comme le dirait une ministre de Faure Gnassingbé. Et puis, qui sont ces Togolais si voyageurs qui pourront remplir un avion trois fois par semaine ? Il ne fait aucun doute que le projet sera tout sauf rentable. La création d’une compagnie aérienne et la desserte d’une localité ne sont rentables qu’à certaines conditions. Pour avoir acquis une expérience manifeste durant les nombreuses années de gestion de l’aviation civile, le Colonel Gnama Dokissime Latta le sait bien. Et pourtant !

On se rappelle qu’en 2018, la compagnie Asky Airlines avait opéré un vol inaugural sur l’aéroport « international » de Niamtougou depuis la plateforme de Lomé. « La semaine du 10 juillet 2018 a été marquée par l’ouverture d’un vol domestique Lomé-Niamtougou-Lomé à l’Aéroport International Gnassingbé Eyadéma (AIGE). La compagnie panafricaine Asky Airlines qui nous propose cette nouvelle liaison, a opéré son vol inaugural sur Niamtougou le mercredi 12 juillet 2018 et a permis à plusieurs togolais et touristes de se rendre plus facilement et plus rapidement au Nord du pays, pour prendre part au grand évènement culturel Evala, qui a lieu chaque année en pays Kabye. Le vol retour à destination de Lomé a été effectué le dimanche 15 juillet 2018 », lit-on sur le site de l’AIGE qui nous apprend que c’est un vol aller-retour qui a été lancé uniquement pour les Evala et que des études sont en cours pour le lancement officiel des vols réguliers.

Selon nos informations, Asky Airlines ne dessert plus cet aéroport qu’à la demande. Si elle ne s’est pas empressée de prendre le monopole sur cette destination, c’est parce que celle-ci n’est pas rentable. Pourquoi alors s’évertuer à créer une compagnie pour une destination n’apportant aucune valeur ajoutée ?

En termes de transport au Togo, ce qui pourrait profiter à l’économie nationale, c’est plutôt la mise en place d’une ligne de chemin de fer, pour le transport de passagers et de marchandises. Il nous souvient que le 26 avril 2014, le Chef de l’Etat avait procédé au lancement officiel de la Blueline Togo. « Un vaste chantier de construction d’une ligne de chemin de fer reliant des pays de la sous-région est ainsi ouvert. Le groupe Bolloré la veut, une ligne porteuse d’espoir et de vie aux populations desservies », avait-on chanté. Le train mis sur les rails par le Groupe Bolloré a fait un premier voyage vers la banlieue nord de Lomé et s’est immobilisé pour l’éternité. La lueur d’espoir n’était en fait qu’un leurre. Plusn aucune fumée n’était sortie de ce rêve.

Si un pays qui peine à mettre en place un chemin de fer se lance dans la création d’une compagnie aérienne nationale, c’est que le gouvernement a perdu ses repères. Visiblement, l’équipe de dame Victoire Tomégah-Dogbé se trompe de priorités en pensant « gouverner autrement ». Et pour cause, les besoins primordiaux des Togolais, dans leur grande majorité, ne sont pas l’existence d’une compagnie nationale. Il faut des infrastructures routières, des vraies, qui ne se détériorent pas dès les premières pluies.

En pleine pandémie de Covid-19 où les besoins sociaux en augmentation exponentielle ne sont pas satisfaits, on croit bien faire en évoquant la création d’une nouvelle Air Togo. On a vite oublié qu’Air Togo a déjà existé.

G.A.

Source : Liberté.info

Source : icilome.com