Aujourd’hui il y a un match de foot. Le jeu est si important que s’il est perdu, ce serait une catastrophe, un désastre pour notre pays. Le stade est bondé de spectateurs. Les journalistes, les délégués de la FTF, de la Fifa et de la Caf…tout le monde était là. Notre équipe nationale est au complet.
Les onze joueurs sont sur le terrain, bien habillés, bien soignés et sûrs d’eux-mêmes, face à l’adversaire venu de l’étranger, déterminé à jouer et nous battre. Mais nous avons l’espoir que la victoire sera togolaise.
L’arbitre donne le coup d’envoi et le jeu démarre. Pas de temps à perdre, les nôtres se jettent dans la bagarre sans tarder. Mais que se passe-t-il ?! Ils foncent tête baissée, ils plongent, ils cognent et plaquent l’adversaire par terre, ils attrapent la balle avec les mains, ils filent vers les buts et marquent. C’est à n’y rien comprendre ! Ce que notre équipe joue, ce n’est pas du foot. Le football se joue autrement, avec les pieds et non avec les mains et tout !
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L’arbitre n’a naturellement pas hésité à siffler de nombreuses fautes contre nous. Les cartons jaunes et rouges aussi pleuvent et nous pénalisent. Mais cela n’a rien changé : dès que la balle est remise en jeu, notre onze nationale sort les mêmes incroyables brutalités, les mêmes bousculades, les mêmes irrégularités, les mêmes bêtises.
C’est peut-être le capitaine Kodjo qui n’arrive pas à discipliner ses coéquipiers ? Alors le sélectionneur le change et met un autre capitaine du nom de Koffi sur le terrain. Mais rien à faire, rien ne s’améliore. Notre équipe risque d’être sévèrement sanctionnée par l’arbitre, et même par les instances internationales du foot.
L’heure est grave. On prie que la mi-temps arrive vite pour voir ce qui ne va pas. Ah la voilà enfin, cette mi-temps ! Les joueurs rejoignent les vestiaires. Le président de la Fédération s’empresse de les interroger. Sa toute première question était de savoir dans quel club chacun joue avant d’être sélectionné pour l’équipe nationale. Et là, c’est la grande surprise.
Le premier joueur joue dans un club de rugby, le deuxième également, et le troisième aussi. Le quatrième joueur joue dans un club de handball, le cinquième, le sixième, le septième, le huitième et le neuvième sont dans une équipe de football américain, ce football où on est obligé de porter un casque et des protections en métal pour éviter de se blesser, tant le jeu est brutal. Le dixième joueur est handballeur dans le club de la ville où il vit.
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Force est donc de constater que seul le capitaine de l’équipe est footballeur. Les autres sont rugbymen, handballeurs ou joueurs de football américain. Finalement, il fallait se rendre à l’évidence : le jeu est en passe d’être lamentablement perdu.
Cette équipe nationale brutale et qui joue de façon totalement insolite, c’est la ‘‘Force mixte Anticovid-19’’ qui a été mise sur pied pour combattre la propagation du coronavirus. En fait, elle n’est autre chose que la bonne vieille FOSEP. Cette unité rebaptisée est constituée de militaires, de gendarmes, de policiers et apparemment même de paramilitaires. Ils sont généralement choisis parmi les plus durs pour rabattre sans pitié le caquet aux citoyens qui seraient insatisfaits des élections et voudraient manifester leur mécontentement.
Plusieurs sôdja de cette force sont donc entrainés pour mater l’ennemi. Alors pourquoi s’étonner qu’ils exercent une violence presque bestiale sur les civils qu’ils croisent dans la nuit ? Les ennemis du sôdja, ce sont ceux qui refusent de se soumettre à la loi et à l’ordre établi, que cet ordre établi soit bon ou mauvais. Quand il voit quelqu’un après 20h, l’heure du couvre-feu, celui-là est un insoumis, il faut l’éliminer. Ah oui, un ennemi, ça s’élimine, ça se tue ! C’est la règle. Et c’est ce que la Force Anticovid fait, elle qui est la sœur jumelle monozygote de la FOSEP.
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On aura beau changer un colonel Okpaoul par un autre colonel Amana, le résultat restera toujours le même : la Force Anticovid opprime et opprimera. On aura beau changé Kodjo par Koffi pour être capitaine, cela n’empêchera pas l’équipe de foot formée de rugbymen, de handballeurs et de joueurs de football américain d’attraper le ballon avec les mains, cogner et plaquer l’adversaire par terre, jouer comme une équipe folle et perdre.
Quand on veut réparer sa voiture, on la remet à un mécanicien, pas à un menuisier. Quand on veut remporter un match de foot, on le joue avec des footballeurs, pas avec des handballeurs ! Quand on veut une force pour gagner le combat contre le coronavirus, on met sur pied une unité capable de sensibiliser, d’expliquer et de conscientiser ; une équipe qui peut parler aux gens et les amener à la raison ; une équipe qui sait punir sans terroriser. Pour vaincre le coronavirus, on ne déverse pas dans la rue pour patrouiller, des gens incapables de comprendre la civilisation.
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Ramenez donc dans les casernes votre FOSEP réchauffée et mettez sur le terrain, les agents qui maintiennent l’ordre en temps de paix. Ils sont plus proches des citoyens, ils comprennent mieux les problèmes quotidiens des Togolais. Ils sont différents des sôdja sortis des camps militaires, ces hommes qui disjonctent facilement avec les réalités du pays et se métamorphosent en machines à tuer.
N’oubliez pas que les sôdja n’ont eu aucune occasion de tuer au cours de l’élection présidentielle 2020. Il y en a parmi eux que les doigts démangent. Ça les gratte et ils ont envie de… Sahé Sahéa
Sika’a
Source : Togoweb.net