Mauvais élève en matière de lutte contre la corruption, le Togo s’est
doté il y a quelques années d’une haute autorité de prévention et de
lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Mardi dernier,
Lomé a abrité un atelier de sensibilisation de cette institution dans
le cadre d’une campagne de sensibilisation lancée il y a une année. Tous
touchés par le phénomène de corruption, de nombreux responsables et
fonctionnaires de l’administration ont eu l’occasion de s’informer des
causes de ce fléau et des peines encourus par les personnes impliquées.
Ouvert dans une ambiance sereine, cet atelier recentre l’éternel débat
sur la corruption au sein de l’administration togolaise.
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Dans le cadre d’un programme général de promotion de la bonne
gouvernance, la Haute autorité de prévention et de lutte contre la
corruption et les infractions assimilées. HAPLUCIA
a organisé le mardi 3 septembre 2019, un atelier de sensibilisation des
différents agents de l’Etat et des responsables d’administration. Cet
atelier a donc connu la présence de nombreux fonctionnaires, de
magistrats, de chefs coutumiers et d’autorités militaire et sécuritaire.
A l’ouverture de l’atelier, Paul Etsè AFFALA, secrétaire exécutif de
Alternative Leadership Group, membre du Collectif des Associations
Contre l’Impunité au Togo (CACIT) a fait comprendre que les membres de
la société civile, du secteur privé et du secteur public ont tous des
corrompus en leur sein. Il a clairement exposé une étude de Transparency
international qui montre que le score du Togo a évolué de 3 sur 10 en
2012 à 2,9 sur 10 en 2014 puis à 3 sur 10 en 2018. Rappelons que lorsque
le score est inférieur à 3/10, la corruption est considéré comme
endémique dans le pays.
Après avoir donné les causes, cité les différentes formes de
corruption et donné des exemples de corruptions, il a expliqué que nous
sommes tous coupables et tous victimes de ce fléau car quand le climat
des affaires n’est pas amélioré, quand la corruption est répandue dans
le pays, les investisseurs ne sont pas attiré et le PND se trouve
affaiblit. Il est clair que la corruption ne crée pas un environnement
favorable à l’investissement.
Dans son allocution, Lardja AROUNA, membre de
HAPLUCIA a donné les objectifs et missions de la haute autorité puis les
sanctions prévus dans le nouveau code pénal. Sur la question de la
sécurité des dénonciateurs, il indique que des mesures sont prises pour
leur protection et poursuit en exposant la question de la présomption
d’innocence des personnes accusées.
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Dans son mot de bienvenue, le président de la Haute Autorité, Essohana Wiyao,
après avoir félicité les différents participants, s’est attardé sur la
répression des actes de corruption et infractions assimilées. Il a
également fait remarqué que les formes de corruption telles que le
trafic d’influence, trafic illégal d’intérêt, le détournement de deniers
publics prennent de l’ampleur au Togo. Etant du milieu de la justice,
le président a donné des exemples de conséquences dramatiques des actes
de corruption.
Il s’est alors félicité de l’arrestation et la condamnation récente de cinq agents corrompus de l’Office Togolais des Recettes (OTR),
accusé d’avoir détourné plus de 17 milliards de francs CFA. Poursuivant
dans cette logique, il a fait observer que pour son plan de
développement, le Sénégal a obtenu près de cinq fois plus que le montant
espéré pour le financement auprès des bailleurs de fonds, alors que le
Togo peine à réunir le montant nécessaire pour la réalisation de son
Plan National de Développement (PND). La raison : « le Sénégal a su
inspirer confiance aux investisseurs, tout dépend de comment le pays
lutte contre la corruption ». Il renchérit : « comme l’a reconnu le chef
de l’Etat, c’est une minorité qui profite des ressources du pays. Si la
minorité persiste, nous allons leur faire la guerre ».
Parlant de l’enrichissement illicite, il a déclaré que « Dans un pays
ou l’informel domine, on ne peut contrôler la source de
l’enrichissement des individus ». Pour lui, « Cela n’a pas été facile
pour nous. J’ai lutté pour que l’infraction d’enrichissement illicite
soit introduite dans le code pénal afin de mieux lutter contre la
corruption ». Seulement, le constat est que, la pénalisation de la
corruption ne figure que dans le code pénal, sans exécution. A ce jour,
malgré les cas de corruption dénoncés çà et là, personne n’a jamais été
inquiété. Ce qui fait dire à des observateurs que HAPLUCIA ne sert que
des paroles. Un serpent sans venin.
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Aussi, le numéro vert de la HAPLUCIA a été donné. Et selon le
président, le 8277 est désormais opérationnel et tout citoyen peut de
façon anonyme déclarer des actes de corruption.
Pour finir, il a expliqué que les affaires des comptes des CAN 2013 et 2017, la problématique route Lomé-Vogan Anfoin,
le problème de la direction des transports routiers et ferroviaires
sont des cas qui sont en train d’être étudiés. Il déclare en effet : «
Si nous parvenons à la conclusion qu’il y a présomption de détournement
de deniers publics, nous transmettrons le dossier au procureur de la
république qui va engager les procédures ». Cette phrase, le magistrat
Wiyao l’a prononcé dix milles fois, sans suite. Les dossiers restent ce
qu’ils sont, les auditions se multiplient et s’annulent, et les accusés
continuent de narguer.
Selon Transparency International,
«la corruption consiste en l’abus d’un pouvoir reçu en délégation à des
fins privées ». L’ONG reconnait que le Togo est l’un des pays africains
les plus corrompus : «Dans ce pays, les lois sont souvent inappliquées
et les institutions ne disposent que de peu de ressources, n’étant pas
préparées pour traiter les plaintes pour corruption. Les conflits
internes et l’instabilité des structures de gouvernance contribuent en
outre à des taux élevés de corruption », indique un rapport de
l’organisation.
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La HAPLUCIA est une institution administrative qui a pour partenaire
le ministère de la justice, le ministère des affaires étrangères et la
cour suprême. Elle se dit pourtant indépendante. Cette institution
est-elle toutefois en mesure de réprimer ce mal qui ronge le pays depuis
des années ? Certes, des efforts ont été réalisés les années
précédentes, mais le pays n’a pas progressé depuis trois ans. Comme l’a
reconnu le président de la Haute Autorité, ce cancer qui gangrène le
pays est un frein au développement et un facteur qui plombent le PND.
Elle est créée par la loi n° 2015-006 du 28 juillet 2015, la Haute
Autorité de Prévention et de Lutte contre la Corruption et les
Infractions Assimilées (HAPLUCIA) vise à réprimer le phénomène de
corruption au Togo.*
Eric Gagli
Source : L’Indépendant Express No.480 du 10 septembre 2019
Source : Togoweb.net