En parcourant les cours des manuels scolaires de l’enseignement primaire, je suis tombé sur la leçon concernant “les causes de la traite des Noirs”.
À propos des quatre causes signalées dans la leçon du Cours Moyen 2e année, j’en retiens deux:
Premier point:
– la faiblesse des Américains;
– la force des Africains.
Deuxième point:
La leçon s’achève sur ce flou: “Victor Schoelcher a aboli l’esclavage en 1848.”
Revenons sur le premier point.
Que les causes de l’esclavage soient la faiblesse des Américains, d’une part, et la force des Africains, d’autre part, sont des arguties complètement ridicules et racistes. Qui est plus faible ou plus fort que qui ? Autrement dit, si on a esclavagisé les Noirs, c’est parce qu’ils étaient plus forts que les Amérindiens – précision de l’origine qui est sciemment ocultée. Le terme “américain” a été confisqué par les colons blancs aux Amériques pendant des siècles. Les peuples colonisés et génocidés du continent américain n’avaient droit qu’à l’appelation méprisante d’Indiens ou d’Amérindiens. La précision est importante pour ne pas confondre les bourreaux européens et leurs victimes amérindiennes.
Les peuples amérindiens ne sont pas plus faibles que les autres humains de la terre.
S’agissant de la soi-disant force des Noirs, c’est un mythe répandu par les colonialistes et racistes européens pour justifier l’esclavage. Mais la force des mythes a fait que cet argument fallacieux de la force des Nègres flatte beaucoup de Négro-Africains naïfs. Ce qui veut dire que le Blanc possède l’intelligence et le Nègre la force animale. Historiquement, tous les peuples et races de la terre ont eu à un moment ou l’autre à subir l’esclavage. Les peuples blancs de l’Europe l’ont exercé entre eux quand ils ne l’ont pas subi de la part des Arabes au Moyen Âge ou des Égyptiens de l’Antiquité. Où ont-ils trouvé la force d’être esclaves, ces Blancs ?
Ceux qui confient la rédaction des manuels scolaires de notre jeunesse à des individus incultes et aliénés démontrent ouvertement qu’ils cultivent l’esclavage mental des Africains au service des ennemis de l’Afrique.
Le deuxième point.
“Victor Schoelcher a aboli l’esclavage en 1848”. Voici une assertion pédagogiquement stupide. Schoelcher a aboli l’esclavage où ? Qui est-il pour procéder à cette abolition ? Rien n’est dit à ce sujet. La France, la Grande Bretagne, le Brésil, le Portugal, l’Espagne… ont procédé à des abolitions. Qualifier sans autres précisions Schoelcher d’abolitionniste est une supercherie de la politique colonialiste française dans ses anciennes colonies pour faire accroire à la générosité de ce pays par rapport au crime majeur qu’est l’esclavage. Non. Ce Français n’a pas aboli l’esclavage dans le monde entier. Il l’a fait abolir dans les conquêtes coloniales françaises. Telle que formulée, ce narratif historique est une manipulation, un mensonge pour abuser nos enseignants et notre jeunesse en faisant passer des criminels pour des bienfaiteurs.
La falsification des narratifs historiques cautionnée par nos États africains francophones, est l’une des preuves flagrantes que la grande majorité de nos élites n’a jamais cru à l’indépendance. Au Togo, l’école togolaise est la continuation honteuse de l’école coloniale. Avec cette politique de l’enseignement aliénée, la libération qui est un phénomène d’abord mental, n’est pas pour aujourd’hui. Libération du néocolonialisme et libération de la dictature sont un même combat, celui contre l’oppression obscurantiste et l’exploitation.
On copie le système anglo-saxon Licence-Master-Doctorat (LMD) sans réfléchir. Or un système d’enseignement est lié à un modèle de développement par rapport à un projet de société. Il n’y a ni développement ni projet de société. Conséquence: les universités d’État togolaises sont de grands lycées. Le Togo développe le sous-développement. Pauvre pays !
Sous le couvert humiliant de la politique de la mendicité, le Togo, un pays “francophone”, a adhéré stupidement au Commonwealth britannique. Et le comble du ridicule, c’est que ceux qui prônent l’inculture, enjoignent aux Togolais de parler l’anglais le vendredi ! Ces dirigeants façonnés dans le moule colonial, bien entendu, oublient de nous faire apprendre nos langues togolaises dans chaque préfecture en les imposant à l’école primaire et au secondaire d’abord. Et d’ailleurs, où nous ont-ils appris à parler l’anglais quand eux-mêmes n’arrivent même pas à le baragouiner ? Parieraient-ils sur la disparirion de nos langues maternelles qu’ils n’agiraient pas autrement ! N’est-ce pas là une forme de génocide linguistique ?
Il y a environ six ou sept mois, dans le journal de Radio France International, parmi les langues en voie de disparition dans le monde, on signalait l’ahlon, une langue togolaise d’origine igbo des Plateaux de Danyi. Et après cette réalité inquiétante, des dirigeants, non pas des dirigeants étrangers, mais des dirigeants togolais, nous proposent d’apprendre l’anglais comme si nos langues africaines ne possédaient pas la dignité d’être des langues d’enseignement, de culture et de développement !
Nous parlons mal nos langues africaines ostracisées par la colonisation. Mais des Togolais nous renvoient à la langue anglaise. Quelle honte, quelle légèreté !
C’est dire à quel point nous, les Africains, devons être focalisés sur notre libération en ne nous laissant pas bernés bêtement par les agents du néocolonialisme.
Ayayi Togoata Apédo-Amah
Source : 27Avril.com