Compteur à zéro, prestation de serment… : « Faurisation » à outrance de la Constitution togolaise

0
240

La Constitution togolaise est-elle aussi
impersonnelle ? C’est un principe universel. Mais tout porte à croire que
lorsqu’il s’agit du sort de Faure Gnassingbé, la Constitution togolaise est
malléable et façonnable. C’est la grande conclusion à laquelle l’on arrive,
avec la dernière sortie d’Aboudou Assouma sur la problématique de la prestation
de serment de Faure Gnassingbé.

Faure peut prêter
serment quand il veut

Quand est-ce que Faure Gnassingbé doit
prêter serment ? La question a commencé à triturer les méninges depuis
quelques jours, notamment à l’approche de ce qui était admis comme le deadline
constitutionnel pour ce faire.

En effet, conformément aux dispositions de
l’article 63 de la nouvelle Constitution 
adoptée le 8 mai 2019, Faure Gnassingbé déclaré élu dès le premier tour
de la présidentielle du 22 février dernier avec un score sans appel de 70,78 %
des suffrages, devrait prêter serment au plus tard le 18 mars 2020, soit demain
mercredi. « Les fonctions de
président de la République sont incompatibles avec l’exercice du mandat
parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère
national, et de tout emploi privé ou public, civil ou militaire ou de toute
activité professionnelle. Le président de la République entre en fonction dans
les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de l’élection
présidentielle »,
indique in extenso cet article.

Faux, rétorque le Président de la Cour
constitutionnelle, Aboudou Assouma, estimant que ces dispositions ne peuvent
pas s’appliquer dans ce cas de figure, parce que n’ayant pas prévu une élection
au premier tour. «Considérant que dans
l’hypothèse où un candidat à l’élection présidentielle est élu dès le premier
tour de scrutin, en prêtant serment dans les quinze (15) jours qui suivent la
proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle, son entrée
en fonction abrégerait le mandat du président sortant ; que ladite disposition
remettrait donc en cause l’article 51, alinéa 1 de la Constitution qui dispose
que « Le Président de la République est élu au suffrage universel, libre,
direct, égal et secret pour un mandat de cinq (05) ans renouvelable une seule
fois » »,
indique la Cour.

En
clair, Faure Gnassingbé a jusqu’au 3 mai pour prêter serment, et il peut le
faire quand il le voudra.

« Faurisation »
de la Constitution jusqu’au bout

C’est la nième sortie d’Aboudou Assouma
sur l’application de la Constitution togolaise devant des situations précises.
La sortie de la Cour constitutionnelle devrait mettre fin au débat. Mais elle
en rajoute à la polémique, avec une interprétation tendancieuse.

L’article 63 est on ne peut plus clair. Il
n’est prévu en tout cas aucune exception, comme le prétend Aboudou Assouma.
Cette interprétation selon laquelle Faure Gnassingbé n’est pas tenu par le
délai de quinze (15) jours est une première. C’est la quatrième fois que le
« Prince » se présente à une élection présidentielle et en est
déclaré vainqueur. Et toutes ses prestations de serment se sont déroulées sans
cette entorse notoire à la Constitution. C’est la première fois que l’opinion
fait face à une telle interprétation.

La loi par principe est
impersonnelle ;  et à plus forte
raison, la Constitution d’un pays. La nouvelle Constitution adoptée le 8 mai
2019 a été déjà taillée sur mesure pour Faure Gnassingbé. La preuve manifeste,
l’article 158…qui est formulé pour le sortir de situation, qui lui remet le
compteur à zéro et prescrit que les mandats déjà effectués ne comptent pas dans
le décompte final. Une première au monde.

Comme si cela ne suffisait pas, la
Constitution est souvent l’objet d’interprétations bizarres lorsque le sort de
Faure Gnassingbé est en jeu. Alors que la nouvelle loi fondamentale indique
noir sur blanc que la Cour constitutionnelle est constituée de neuf (09)
membres, celle mise en place a été faite de seulement sept (07) membres et cela
a semblé normal pour Aboudou Assouma et les siens. Les cris et dénonciations de
l’opposition n’y ont rien fait.

Aboudou Assouma n’hésite pas à tordre le
cou à la loi fondamentale pour voler au secours de son mentor. « Avant son entrée en fonction, le
président de la République prête serment devant la Cour constitutionnelle,
réunie en audience solennelle, en ces termes : « Devant Dieu et devant le
peuple togolais, seul détenteur de la souveraineté populaire, Nous…, élu
président de la République, conformément aux lois de la République, jurons
solennellement :   – de respecter et de
défendre la Constitution que le Peuple togolais s’est librement donnée ;  – de remplir loyalement les hautes fonctions
que la Nation nous a confiées ; – de ne nous laisser guider que par l’intérêt
général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes
nos forces à la promotion du développement, du bien commun, de la paix et de
l’unité nationale ; – de préserver l’intégrité du territoire national ;  – de nous conduire en tout, en fidèle et
loyal serviteur du peuple»,
indique l’article 64 de la Constitution. Mais
avec cette « Faurisation »
à outrance de la loi fondamentale par Aboudou Assouma, ce n’est pas exclu que
pour une raison ou une autre, ces propos soient modifiés pour le « Messi » lorsqu’il lui plaira de
prêter serment…

Tino Kossi

source : Liberté

Source : TogoActu24.com