L’actuel président de l’Université avait eu un grand moment de rêve : un jour, il voulut créer une filière en master que devait financer Faure Gnassingbé.
Dodji Kokoroko ? Un cas, nous répondit un ancien étudiant de l’actuel président de l’Université de Lomé. Le professeur agrégé de droit qui subjuguait ses étudiants par ses brillantes leçons et sa gouaille a décru dans leurs estimes le jour où ils ont découvert ses accointances avec le pouvoir militaro-civil togolais. Les étudiants que nous avons rencontrés n’ont pas compris comment l’intellectuel contempteur de Faure Gnassingbé a pu devenir son « ami ». «En tout cas c’est l’impression qui s’en dégage », déclare au Temps un des anciens étudiants que nous avons contactés.
En 2013, de nombreux étudiants ont été intellectuellement blousés par le professeur agrégé de droit. Dodji Kokoroko propose à deux ou trois dizaines d’étudiants de s’inscrire dans une filière master qu’il comptait créer spécialement pour eux. L’intitulé de la formation : « Master professionnel – Marchés Publics, Délégation de Services et Partenariats Public-Privé ». La formation était censée débuter courant premier semestre 2014 et durer deux ans. Une bonne intention. Le marché est demandeur de cette spécialité.
Des étudiants ont été sélectionnés après étude de dossier et entretien avec un jury. Mais plusieurs mois plus tard, les étudiants rongeaient leur frein à la maison, tournaient en rond, ne sachant véritablement ce que l’avenir leur réserve. Après plusieurs relances auprès du décanat, le promoteur de la filière Dodji Kokoroko se décide à rencontrer une délégation des candidats retenus.
Faure Gnassingbe va financer personnellement de sa poche la filière
Extrait de la rencontre que le Temps a eu avec les étudiants :
« Le professeur Dodji Kokoroko nous a convoqués un beau matin vers la fin d’année 2014 ou début 2015 pour nous inviter à la patience et nous garantir la tenue effective de la formation car, selon ses mots, il venait de rencontrer personnellement le Chef de l’Etat qui lui aurait promis de financer la formation de sa propre poche. Nous étions tous interloqués par cette nouvelle ligne qui tranchait complètement avec la notoire virulence de l’individu à l’égard du régime et de son chef. Sans le savoir, nous assistions aux prémices d’un copinage qui fera beaucoup de mal à la fac et au débat juridique national. Et malgré cette étrange promesse, la formation ne démarrera jamais et pire, nos frais de dépôt de dossier ne nous seront jamais restitués. »
Le Temps ne s’est pas renseigné auprès du professeur agrégé président de l’Université de Lomé, mais les versions des étudiants se recoupent et sont probantes. La faculté de droit n’a jamais ouvert la filière « Master professionnel – Marchés Publics, Délégation de Services et Partenariats Public-Privé ». Le financement personnel de Faure Gnassingbé a-t-il fait défaut ? On ne le saura jamais. Mais cette déclaration, démagogique, de Kokoroko reposait-elle sur une vraie promesse de Faure Gnassingbé ou était-elle juste une façon de plastronner de l’actuel professeur de l’Université, histoire de faire accroire aux étudiants qu’il serait l’ami du chef de l’Etat ? Est-ce un simple effet de manche ? Dans Le Soleil sans se brûler, l’écrivain togolais Théo Ananissoh attire l’attention sur cette inclination des intellectuels francophones vers la compromission avec les pouvoirs. Avant Kokoroko, feu le Professeur agrégé de lettres classiques Janvier Amelanvi Amela était coutumier de ses plastronnades.
Difficile donc de savoir s’il s’agit d’une gasconnade. Cependant, quand Dodji Kokoroko parvient à la présidence de l’Université en 2016, il prend l’initiative de nettoyer les écuries d’Augias. L’une de ses premières décisions, dans une université qu’il considérait comme un foutoir, est de bloquer la création des filières en Master ! Sauf qu’on ne connait pas les raisons qui sous-tendent la mesure d’interdiction. Est-ce un défaut d’un financement inapproprié par Faure Gnassingbé, ou tout simplement un assèchement des ressources financières de l’Université de Lomé ? Certes, l’UL de Lomé est confrontée à une explosion de son budget; laquelle explosion est due à la croissance de la masse salariale et à la course de nombreux enseignants vers les grades universitaires.
Source : Togoweb.net