Cité au Quotidien : Encore des choix dictés par d’autres?

0
354

Nous pouvons être sûrs que tout en se mettant au déconfinement, sans être sûrs des mesures qu’ils mettent en place, les pays occidentaux travaillent à ce qu’il faudrait faire lorsque la crise sera derrière nous. Les hommes politiques essaient d’affiner leurs stratégies et pour cela les experts sont au travail : économistes et autres scientifiques essaient de réaliser des études prospectives, de modéliser ce que pourrait être l’avenir.

Et bien évidemment, sachant qu’à notre époque les différentes parties du monde sont interdépendantes, ils ne travaillent pas seulement sur leur propre avenir mais sur l’avenir du monde, et par conséquent de l’Afrique. Ainsi, ils doivent être en train de revoir une certaine répartition des tâches qui prévalait avant le COVID-19. On peut en donner un exemple très simple.

Lorsqu’on s’est rendu compte que dans le monde entier on aurait besoin de masques en énormes quantités, les Européens ont regretté d’avoir exporté la fabrication de ces masques vers les pays du Tiers Monde afin de les produire à moindre coût. Ils ont été obligés de se mettre à en fabriquer chez eux mais lorsqu’on dit qu’en moyenne un masque coûte 1 à 3 euros aux citoyens, c’est cher payé !

Au-delà de l’anecdote, des décisions plus importantes sont en train d’être revues à la lumière de ce que va générer cette crise du COVID-19, une pauvreté que l’Occident croyait avoir dépassée pour toujours. On se croirait dans les pays que les Occidentaux ont baptisés Pays en voie de développement quand on entend les chiffres des nouveaux chômeurs et quand on voit à la télé et sur les réseaux sociaux les images des personnes en difficulté.

Alors, l’Occident n’ira-t-il pas vers plus de protectionnisme? Dans cette perspective, va-t-on encore laisser l’Afrique fournir les matières premières avec le danger qu’elle en fasse un objet de chantage ? Si on la laisse toujours jouer ce rôle, alors, l’Occident ne fera-t-il pas des efforts pour renforcer ses alliés en place, quitte à soutenir encore plus ouvertement des régimes autocratiques ? En effet, l’Europe peut-elle se payer le luxe d’accepter que viennent aux commandes en Afrique des personnes qui ne défendraient pas ses intérêts alors qu’elle est en train de se fragiliser ? Pour faire passer la pilule, pourquoi ne pas agir sur la dette, où sur des éléments relativement gérables comme le franc CFA ?

Et la politique de migration, alors que s’annonce une progression sans nom du chômage en Occident ? En même temps il ne faudra pas oublier les plus de 200 000 personnes décédées, et ce ne sont pas seulement des personnes âgées ! Quelle politique en matière de démographie, sachant que ce sont les migrants provenant d’Afrique et d’Amérique Latine qui présentent les meilleurs taux de natalité ?

Et la Chine, dans ce jeu ? Quelle place va-t-on lui laisser en Afrique ? La même qu’à présent ? Et tous ces pays d’Asie qui ont bien moins souffert du COVID-19 que les pays occidentaux, l’Inde par exemple, leurs appétits ne vont-ils pas s’aiguiser ?

Et l’Afrique ? Telle est la première question à laquelle il nous faut répondre.

Allons-nous encore une fois nous laisser traiter comme un malade qui est sur son lit pendant que les médecins et internes, autour du lit, discutent de son état et du traitement à lui appliquer comme s’il n’était pas là, juste un cas théorique ?

Non, nous ne devons pas nous laisser faire de nouveau, nous laisser encore dicter nos choix par d’autres ! Au cœur de la crise du Coronavirus, nous avons réussi à ne pas nous laisser berner avec cette histoire de chloroquine, nous avons réussi à déjouer ne serait-ce qu’en partie la question du vaccin. Cela devrait nous donner de nouvelles forces pour faire face à notre avenir. Aurons-nous le courage d’oser et l’audace créatrice capable de changer la trajectoire des choses ?

Nous le pouvons, car nous avons des penseurs en Philosophie et en Science Politique, des spécialistes en Economie, en Economie Politique, en Sciences Sociales, en Agronomie, en Education et en Formation, des experts en Ecologie et en Développement durable, etc.

Ils sont à même de penser notre avenir à partir de ce que nous sommes aujourd’hui mais aussi à partir des choix que les puissances occidentales pourraient poser pour s’en sortir dans les années à venir. En effet, nous pouvons déplorer le fait que nos systèmes de formation soient pensés et dirigés à partir de l’Occident, mais cela a tout de même un avantage : nous spécialistes de divers domaines et disciplines sommes formatés à penser comme les occidentaux, nous pouvons dans une certaine mesure anticiper leurs options. C’est dans un second temps que nous aurons à faire l’effort de prendre des distances par rapport aux paradigmes que nous avons intériorisés à l’école, pour enfin inventer un avenir tout neuf pour l’Afrique. Et ce temps c’est maintenant. Il est donc temps !

Cette distance, la crise du COVID-19 nous aura aidés à la prendre. En effet, les Occidentaux sont tombés de leur piédestal aux yeux de ceux pour qui ils constituaient encore des modèles : des Occidentaux perdus dans les mêmes problèmes que nous ; inefficaces, eux les champions de l’efficience, essayant maladroitement de cacher les calculs honteux dictés par les industries pharmaceutiques, changeant d’avis tous les jours, … Plus de leçons à nous donner !

Après la Seconde Guerre Mondiale, le monde s’est trouvé dans une situation à peu près similaire… Et le mouvement anticolonial a trouvé sa force dans l’effondrement de l’Occident qui a suivi cette guerre. Il faut dire qu’à l’époque les USA étaient tout puissants. D’où viendront les Plans Marshall à présent ?

Pour l’heure, les Togolais n’ont pas à répondre à cette interrogation. D’autres défis se présentent à eux. Ils doivent répondre à un certain nombre de questions dont nous ne retiendrons que celles qui s’adressent à deux catégories d’acteurs sociaux :

-Aux universitaires et intellectuels : quelles sont les perspectives qui s’offrent aux pays africains aujourd’hui, leur population est-elle condamnée à une plus grande pauvreté et donc à la misère, ou pourrait-il y avoir d’autres alternatives ? A quelles conditions ? Quel modèle social et quelle économie pour l’épanouissement de l’homme ?

-A tous ceux qui sont dans l’action politique : quel projet politique proposez-vous pour les années à venir ? Est-il véritablement en rapport avec ce qui se passe actuellement ? Permettra-t-il de sortir les citoyens de la pauvreté ?

Mais, ne nous voilons pas la face, les réponses à ces questions ne pourront être élaborées que si nous disposons d’un réel espace de discussion qui permettra l’émergence d’une opinion publique. Pour cela il nous faudra reconquérir le droit à une parole libre.
Car c’est à cette condition que chacun pourra apporter sa contribution pour qu’il y ait un consensus pour répondre à la question fondamentale : quel choix de société pour notre pays (et en même temps notre continent, dans la mesure où aucun pays ne peut plus penser son destin comme solitaire) ?

Mais en attendant, et si nous universitaires qui nous targuons d’être des intellectuels, commencions par réfléchir à notre avenir ? Et si nous organisions un colloque autour de ce thème? Ou bien cela aussi comporte-t-il des risques trop importants ?

Source : icilome.com