Une nation fait des choix. Être en harmonie avec elle-même pour s’émanciper en tant qu’entité liée par le même destin ou alors, avoir en permanence à gérer des histoires qui la divisent et l’appauvrissent. Entre les deux, notre pays a choisi les histoires dont certaines, à l’instar des scrutins annoncés pour décembre, sont simplement idiotes, à l’encontre du bon sens. N’est-ce pas qu’au Togo on avance à reculons, sans voir le précipice?
Référendum, locales, législatives, le tout en cinq jours. Calendrier titanesque, digne des exploits de Gargantua et Pantagruel réunis. Bientôt, la CEDEAO enverra ses «experts galants» se ballader dans Lomé; leur mission : superviser les joyeuses parodies et cocasseries du superman Kodjona Kadanga. Rien que du très normal, aux yeux de ces experts et de leurs mandataires, pour une République bananière où même les bananes sont un luxe pour les affames à qui la République n’a rien à offrir autre que la débauche, la désespérance et la dépression mentale. Le projet de la CEDEAO pour le Togo, un pays où dirigeants et affidés marchent sur la tête, n’aura été, finalement, qu’une coûteuse oisiveté qui laisse intacte la crise.
Fabre, Adjamagbo et la C14 se sont fait prendre. Leur situation se complique même. Le CAR et le PNP font faux bond au reste du groupe sur la question des meetings. La coalition prend un plomb dans l’aile, donnant lieu à un phénomène flou et bizarre qui a l’air d’un éclatement en gestation. Où est passé l’appel à Faure de venir négocier les conditions de son départ? Où sont les hymnes harangueurs appelant à l’élimination immédiate de Satan, de ses auxiliaires et des loups ravisseurs? L’erreur de la C14 est d’avoir quitté la rue pour le piège du dialogue. Au sortir de ces pourparlers superflus et inopportuns, c’est Faure Gnassingbé qui se frotte les mains, en conquérant: ne doit-on pas dire qu’il a réussi à avoir le beurre, l’argent du beurre et la culotte de la crémière? Où est-elle, cette opposition qui jouait au preux chevalier devant d’immenses foules surchauffées? Dépouillée de son arme et poussée dos au mur, la voilà qui doit maintenant affronter le dilemme d’élections bidons à hauts risques. On croyait la C14 tenir le bon bout, mais c’était sans compter avec son étonnante capacité à trahir les seuls pouvoirs qu’elle possède : le pouvoir de la rue et des principes. En abandonnant ces deux pouvoirs, l’opposition a mal fait son lit. La question est de savoir comment, au soir du 20 Décembre, elle va se coucher. Va-t-elle jeter le manche après la cognée en optant pour le boycott?
L’exercice est difficile, même périlleux. Certes, quelque soit l’option, l’opposition sera perdante. Sauf si elle empêche la mascarade de prendre forme. Au cas où elle n’a aucune action choc à portée de main, elle devra alors envisager de négocier la cogestion du pays jusqu’à la prochaine présidentielle de 2020. Cette dernière stratégie dont les chances de succès sont infimes à cause du caractère gourmand du RPT nous conduit, s’il en est besoin, à un passage du livre de Barack Obama, «Dreams from my father».
Dans ce passage riche en enseignements, Colo, l’époux de la mère de Barack, un Indonésien, tient les propos suivants : Les hommes se comportent exactement comme le font les pays. L’homme le plus fort prend la terre du plus faible. Il fait travailler le plus faible dans sa propriété. Et lorsque l’épouse du plus faible est belle, le fort la lui arrache… Et Colo de demander au jeune Barack : «lequel entre le faible et le fort aimerais-tu devenir quand tu seras grand ?» Voyant le fils de son épouse confus et muet, Colo, le papa indonésien du Kenyan Hussein, poursuit sa réflexion : Vaut mieux être fort, mais au cas où tu ne peux pas l’être, sois habile et rusé. Et si possible, négocie ta part avec le plus fort tout en veillant à ce que cela te procure une paix qui te profite. Toutefois, conclue le père, c’est toujours mieux d’être fort (et craint) soi-même…..
Etre fort c’est la seule quête qui reste à l’opposition à entreprendre. Et comment va-t-elle redevenir forte, respectée et, pourquoi pas, crainte? La réponse à cette question va déterminer la suite de la lutte du peuple togolais pour la démocratie.
Kodjo Epou
Source : www.icilome.com