Chronique de Kodjo Epou : Grâce présidentielle

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Chronique de Kodjo Epou :  Grâce présidentielle

Faure Gnassingbé, c’est l’homme fort, propriétaire de tous les dossiers, de toutes les vies et libertés. Sous le ciel Togolais. Toutes partent de lui et mènent à lui. C’est le centre de l’État, le cœur de la nation. Chacun lui doit son souffle. Tout cela transparaît dans Republicoftogo. Entre les lignes. Les excités troubadours à la cour du souverain titrent: « Folly Satchivi rend grâce au président Faure Gnassingbe ». Quelle broderie, quel cynisme! On se croirait dans un conte. D’où ce papier jaune a t-il tiré ces mots. De tout temps, Republicoftogo, un organe finance par l’argent du contribuable, s’est érigé en allié du RPT/UNIR, en soutien indéfectible de sa gouvernance de mensonges hardis en binôme avec la violence brute. Naturellement, le site a pris soin de muter la portée réelle de la grâce accordée par le tout puissant à un sujet que la Gestapo bleue, des mois durant, a soumis à un déprimant régime cétogène. La diète noire. En réalite l’acte du président n’est pas un haut fait, encore moins une mansuétude louable. Mais l’humiliation publique d’un jeune plein l’avenir. C’est quoi au fait, cette mesure de clémence?

La grâce présidentielle réduit ou supprime la peine. Il est vrai qu’elle dispense d’exécuter la sentence du tribunal, mais le gracié reste coupable aux yeux de la justice et la condamnation ne disparaît pas de son casier judiciaire. La faute commise et jugée poursuit le gracié. Par contre, en plus de la suspension de la peine permise par la grâce, l’amnistie, elle, efface la condamnation du casier judiciaire; l’intéressé alors est totalement blanchi et peut jouir de tous ses droits de citoyen. Autrement, une personne amnistiée est considérée comme innocente par la justice. C’est en cela que la grâce présidentielle accordée à Satchivi est une double injustice, une malsaine charlatanerie, si l’on connaît toutes les difficultés du monde que les juges manipulés depuis le haut d’en haut ont connues pour gribouiller le chef d’accusation dans un dossier totalement vide selon les témoins de cette affaire. Pourquoi devrait-on mettre en prison quelqu’un qui n’a commis aucun acte de violence alors que les criminels qui font couler le sang tiennent le haut du pave dans notre pays?

Par soucis d’apaisement, c’est une amnistie générale que le président de la République aurait du initier en faveur de tous les prisonniers politiques et des citoyens ayant franchi les frontières craignant pour leur vie. Ç’aurait été un geste présidentiel fort. L’avantage est double: décrisper l’atmosphère sociale et politique, ensuite permettre aux Togolais de regarder 2020 avec plus de calme et de sérénité. Mais, à force de se fier aux faux dévots qui lui vouent une dévotion outrée tant à l’intérieur qu’aux abords de son palais, le président est amené à ignorer l’existence de prisonniers politiques au Togo.

« Il n’y a pas de situation d’urgence au Togo, pas de prisonniers politiques ». Ainsi vociférait, sur les media, son premier ministre pour qui aucun Togolais n’est en prison pour des raisons politiques. Ce sont des gens comme ce brumeux Komi Klassou que Faure écoute, balayant chaque fois d’un revers de main les injonctions de sa propre conscience. Un premier ministre rondement incompétent, bon à rien sauf pour seoir aux personnages de « Pantagruel ». Un gai luron qui laisse son imaginaire s’enchanter et qui, en bon pendentif de la présidence, ne s’est jamais embarrassé de dégainer, en public, les mensonges les plus fous, tel un gamin sans capacité de réfléchir. Le pays est ainsi fait, de sorte qu’à intervalles réguliers, déboulent devant notre peuple, de petits rigolos persuadés d’être dotés d’une mission divine de soutenir la famille Gnassingbé, contre vents et marées. Est-ce du zèle ou de la lubie? Cet état paléolithique qu’est devenu notre pays ne leur fait-il pas honte par moments? Tant ces individus sont butés dans le faux et les supercheries qu’on se demande sur quelle planète vivent-ils, à quel siècle appartiennent-ils. Lorsque sur les médias, par ces temps où les informations filent à la vitesse du son, on entend ces trublions s’emballer avec fortes vociférations et frétillement dans de ridicules efforts visant à tordre le cou à la réalite, on croit revivre, en un flash-back de cauchemar, une période qu’on croyait révolue au Togo.

Folly Satchivi dit n’avoir aucune intention de baisser les bras tant que ses compagnons de misère resteront, eux, en prison, tant que son association « En Aucun Cas » n’aura pas gain de cause. Au-delà du combat que mène ce jeune étudiant, se lit aisément une somme de frustrations qui habitent les Togolais. On doit quand même se demander pourquoi les bouchers de 2005 et les assassins des jeunes élèves de Dapaong Anselme Sinandare et Douti Sinanlengue n’ont jamais été jugés et emprisonnés? Les Togolais veulent le début d’une nouvelle époque. D’où « En Aucun Cas ». C’est tout. Et rien d’autre ! Ils détestent l’état voyou dans lequel certains citoyens, des officiels en quasi rébellion contre les règles de la société, entretiennent des spadassins, foulant au pied toutes les lois, imposant à tous vents une autorité excessive et violente, comme en territoire conquis.

Le Togo vit sur un volcan. A haute voix, Kpodzro était allé le hurler dans les oreilles de la France, devant son ambassade à Lomé. Cette grâce présidentielle est juste un petit pas à mettre au compte des fausses solutions. Comme de coutume, le régime est dans son art habituel, l’art d’apporter des solutions qui deviennent rapidement des problèmes. Non, de sérieuses, mais alors de durables mesures de prévention du chaos s’imposent avec la plus grande urgence. Passer outre pour superposer rodomontades, subterfuges et violences, traîner des pieds et faire de petits calculs visant à installer une présidence à vie, c’est maintenir le Togo dans le passe pour ne pas dire créer une dangereuse exception. Où se trouvent le peuple et la patrie dans les attitudes jusqu’au-boutiste puériles de ces courtisans vénaux qui conseillent Faure Gnassingbé?

Chronique de Kodjo Epou :  Grâce présidentielle

C’est à croire que les Togolais ont à faire à des aliénés dépossédés de toute capacité de réflechir, d’affronter leur âme et conscience et d’agir en hommes libres. Ce qui est plus honteux, c’est quand de si grands gaillards, des pères et mères de familles, peuvent, à cause du matériel, faire éhontément passer facilement du blanc au tricolore, et vice versa. Ce qui leur échappe c’est que les criminels se coupent toujours à leur propre couteau. Vraiment triste pour le Togo.

Kodjo Epou
Washington DC
USA

27Avril.com