Chronique de Kodjo Epou : A brebis tondue Dieu mesure le vent

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jean-pierre fabre leader de l anc togo

L’ANC a dix ans. Que sont devenus les immenses espoirs engendrés par ce radieux dimanche du 10/10/10? Cette question charrient une foule de questions adjacentes, donnant lieu à un triste constat: l’état de somnolence de l’opposition togolaise. Une opposition de petits partis, faibles, ennuyeux, sans plans, qui symbolisent, chacun, une ténébreuse caste insondable. Les leaders, à force de donner tout à leur égo, n’ont plus rien à donner à la raison et au devoir. Comment peut-on prendre au sérieux des partis sans ressources stratégiques qui se permettent, en plus, de refuser une plate-forme commune? Minimiser l’autre au profit de sa chapelle, c’est le jeu favori. Au bout du compte, des perdants affermis, parfois arrogants, répulsifs. On y trouve aussi, en grand nombre, des marmiteux payés à la petite saison électorale, n’hésitant pas à balayer d’un revers de main toute démarche qui ne privilégie pas leur agenda. La côte d’une opposition si hétéroclite, si éparse, dans le public, s’est assoupie. De charisme amaigri, réduit à celui d’une huître, elle ne galvanise plus. Faute de résultats, d’entente et d’actions conjointes. Quand va t-elle comprendre, comme ailleurs, que le temps est plutôt à des alliances inclusives, propices à l’émergence d’une opposition plus forte, plus crédible?

Même les oiseaux et les plantes ont mal sous le ciel togolais, gémissant comme des mâts en travail. Le pays, le nôtre, chaque jour s’affaiblit, s’éloigne des voies de l’émergence et répugne ses enfants. A brebis tondue, Dieu mesure le vent: les Togolais n’ont-ils vraiment aucun choix que de s’en remettre à cette épigraphe c’est-à-dire à la clémence du Ciel? Les temps sont à la réflexion survie d’actions, vers la meilleure sortie. Le Collectif CVU Togo- Diaspora vient de publier une charte pour un Togo sans arbitraire, une proposition de plan de refondation du Togo. Il y est définit les étapes pouvant conduire à la fin du système Gnassingbé. L’opposition va t-elle en prendre connaissance, s’en saisir comme document de travail en vue de sa propre refondation? Ou, va t-on préférer attendre 2025 pour sortir des bois et commencer à braire à tue-tête dans le désordre habituel?

Comment un peuple peut-il s’organiser avec détermination et courage si ceux à qui revient la responsabilité de donner les mots d’ordre s’embrouillent ou s’affrontent? Comment peut-il, ce peuple, transformer sa rage en actions face à l’oppresseur avec des leaders qui sont incapables de dépassement et de génie? Aujourd’hui l’idée d’un sang neuf, d’un nouveau leadership émanant de la société civile est plus que vive mais trop peu de gens pour faire le pas; personne ne veut aller plus loin, par des propositions concrètes.

Pourquoi tout cela? Parce que le panthéon est rempli de mauvaises odeurs, d’ambitions saugrenues, de petits calculs de dingues, parce qu’au Togo, tout le monde croit devoir être président ou directeur de quelque chose. Du coup, militer aux cotés du public, ne voir que l’intéret général devient une croix insupportable. Pendant ce temps, des compatriotes dépriment et meurent de faim, des milliers ont le chomage comme pain quotidien? Parce qu’elle choisit de rester faible, l’opposition se fait ridiculiser, en direct, sur les médias, par de sombres personnages qu’on peut qualifier de professeurs de basse campagne, genre Eninam Trimua ou Kondi Agba.

Lorsqu’on fait un recul intelligent, lorsque, calmement, on s’essaye à une analyse lucide, il apparait clairement pourquoi la communauté internationale n’accorde pas trop d’attention ou de respect à l’opposition togolaise, ne trouvant nulle urgence de la sauver des séances régulières de «sodomie» dont elle fait l’objet par le pouvoir UNIR. Et comme ce pouvoir gouverne mal ou pas du tout, les Togolais, bien que très remontés, ruminent leur colère, leur haine, qu’ils machent et ravalent. La déprime est partout palpable, l’excès de tristesse dans tous les coeurs. Une situation confuse de ni paix ni guerre: « Paix impossible, guerre improbable » pourrait-on écrire.

A cause de tout cet embrouillamini sans fin, le Togo reste un pays malade, où le jugement est quasi- impossible, une nation en pleine déconfiture, morale, sociale et économique. Pendant ce temps, les nombreuses attentes, elles, sont confinées dans des éphémérides trompeuses. Après 2005, 2010, 2015, 2020, on attend 2025. Pauvre peuple qui se doit d’avaler sans les mâcher, les funestes fourberies de sa classe politique gorgée, ici d’opulence et là d’incompétence. Jusqu’à quand cette terre restera-t-elle déserte d’intrépides patriotes ou un petit groupe de tetes fêlées, à leur guise, vont continuer de plonger le peuple dans le Styx, le plus torride des fleuves de l’enfer? Quels supplices, quelle croix nous est devenue cette terre inféconde?

Que de la pitié! C’est le sentiment qu’inspire l’état du Togo. Notre pays. Le désastre, beaucoup plus visible de l’extérieur, échappe, des fois, à ceux qui le vivent à l’intérieur. Parce qu’ils en subissent au quotidien les affres qui aveuglent. Parce qu’ils ont, à longueur des jours, le nez dans le marasme, c’est à peine s’ils arrivent à mesurer à sa juste dimension l’étendue des dégâts. Surtout sur le plan de bonne moralité, de l’intégrité. Mais ce qui est sidérant, c’est quand l’opposition, toutes les fois, en est à ses habituels cafouillages, s’empêche de se mettre d’accord, ensemble, sur la conduite à tenir par rapport aux nombreux obstacles et défis.

Kodjo Epou
Washington DC
USA

Source : 27Avril.com