« CAMESgate » ! C’est sous ce vocable qu’il convient désormais et à juste titre, d’évoquer cette scabreuse affaire qui agite le monde universitaire africain. Ce feuilleton aux allures d’une tragicomédie est en train de connaître un épilogue aux conséquences désastreuses et irréversibles pour les mis en causes. Parmi eux, nous nous intéressons au Professeur Dodji Kokoroko, Président de l’Université de Lomé. Son cas fait couler beaucoup d’encre, déchaine les passions, enflamme la toile. Même si le concerné est très actif ces derniers temps, menant une communication agressive pour les uns, réfléchie pour les autres, les sanctions à lui infligées, ne font plus l’ombre de doute. Est-ce la fin du génie Kokoroko au destin prometteur ? La question mérite tout son pesant d’or. Les spéculations vont bon train. Certains y voient déjà la chute ! Mais, ce jeune et brillant Professeur de Droit va-t-il résister à la tempête ? Pas sûr ! L’avenir est fait de surprises. Tellement son système est lézardé que sa chute risque d’être fracassante. Ses admirateurs évoquent la théorie du complot. Mais, comme le soulignait Pierre-Claude-Victor Boiste, « la vanité dont vous avez rejeté les conseils sourit à votre chute, si elle ne vous y pousse ». Très profond !
Le CAMESgate aux conséquences dévastatrices
Le Secrétaire Général du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES), Bertrand Mbatchi était l’invité de Sikka Tv, une chaine de télévision béninoise, ce lundi 03 juin 2019. Au cours de l’entretien, il a abordé les points débattus lors du Conseil des ministres tenu à Cotonou. Il a été surtout question des sanctions infligées à certains enseignants dans le cadre de l’affaire qualifiée de « plagiat et de fausse co-direction ».
Le SG du CAMES a, au cours de cet entretien fait le point du 36ème conseil des ministres du CAMES tenu à Cotonou du 28 au 30 mai 2019. Selon ses dires, cette rencontre a permis aux pays membres d’évaluer le plan stratégique 2015-2019 de l’Institution. A l’issue de ces trois jours de réflexions, Bertrand Mbatchi a noté de façon globale une forte mobilisation des experts et de pertinentes conclusions pour l’émergence de l’enseignement supérieur dans les pays membres. En ce qui concerne les dossiers brûlants qui secouent depuis plusieurs mois le CAMES, Bertrand Mbatchi a fait savoir que le Conseil de Cotonou était l’occasion propice pour fixer les mis en cause sur leur sort. « Le Conseil a saisi cette opportunité pour réagir en profondeur. Depuis qu’il y a des échanges sur la place publique, le CAMES ne s’est jamais exprimé parce que pour nous il s’agit des affaires en cours. De manière officielle, on n’avait jamais pris part à ce débat. On ne pouvait pas rater l’occasion du Conseil des ministres. », a-t-il précisé.
L’affaire de « plagiat et de fausse co-direction » dans laquelle sont impliqués cinq (05) enseignants est désormais classée par la Commission d’éthique et de déontologie (CED). Selon le Secrétaire Général du CAMES, les sanctions sont tombées à l’encontre des mis en cause suite à une longue procédure d’investigations et de confrontations de preuves. Dans l’ensemble, il informe que les concernés ont écopé de la plus lourde des sanctions conformément aux faits reprochés à chacun d’eux. « De manière globale, tous ont écopé de la plus grande sanction. Pour certains, c’est la rétrogradation, pour d’autres c’est la non-participation aux programmes pendant une durée maximale. », a-t-il précisé. Les cinq (05) enseignants mis en cause dans ce dossier sont Dandi Gnamou du Bénin, Dodzi Kokoroko du Togo, Adama Kpodar , Djedro Francisco Meledje de la Côte d’Ivoire et Ibrahim Salami David du Bénin. Il est reproché à certains d’avoir profité de leur position pour bloquer les dossiers de leurs collègues. Pour d’autres, notamment, Ibrahim Salami, il est impliqué dans une affaire de plagiat.
Invités à donner leur part de vérité devant la Commission d’éthique et de déontologie (CED), les mis en cause auraient opposé un refus. Ils ont rejeté en bloc les accusations portées contre eux, et estimant que la CED ne fait pas une gestion impartiale de ce dossier. Ils ont été soutenus dans cette posture par leurs avocats qui avaient dénoncé un vice de procédure. « Nos clients n’ont jamais eu accès aux pièces de leurs dossiers », avait protesté l’un des conseils.
En conclusion, le Professeur Dodzi Kokoroko fait partie des mis en cause qui ont été sanctionnés. Mais pour l’heure, l’intéressé garde un silence assourdissant sur le sujet.
Kokoroko défend son bilan
Le génie créateur du Le Président de l’Université de Lomé est indiscutable. On peut dire de lui qu’il est le pionnier d’une révolution multiforme sur le Campus de Lomé. Dans une interview bilan des trois ans qu’il vient de passer à la tête de cette institution, il n’a pas manqué de défendre son bilan, élogieux, dans doute !
« Nous voudrions avant tout propos renouveler notre gratitude au Chef de l’Etat, le Président Faure Essozimna Gnassingbé, pour avoir cru en nous. Le changement observable à l’Université de Lomé a une fondation, voire une boussole qui fixe le cap. Il s’agit du Plan Directeur de Développement de l’Université de Lomé qui couvre la période 2017-2020. Il a été élaboré en phase avec notre Plan stratégique 2015-2020. Ce document d’orientation, né sous notre impulsion, est une réponse aux difficultés d’organisation et de planification du développement institutionnel qui sont apparues à la suite de la réalisation de l’audit de prise de fonction. Les universités modernes, à travers le monde, développent des plans stratégiques afin d’offrir des cadres de formation et de recherche conviviaux et attractifs. Nous nous sommes ainsi inspirés de ces pratiques vertueuses pour impulser les transformations infrastructurelles. Celles-ci sont sans doute les mieux perçues par le public car menées selon un plan de développement pensé, adapté et rigoureux.
De façon plus précise, la modernisation des infrastructures n’est pas un feu de paille, elle est une réalité pérenne. L’UL, par-delà la visible amélioration des voies d’accès et de circulation, a procédé également à une réhabilitation des salles d’enseignement destinées aux cours du grade de Master sur toute l’étendue du campus. La plupart des salles rénovées l’ont été dans une démarche prospective, dans l’optique de permettre aux enseignants et aux étudiants d’avoir accès à internet durant les cours. Cela nous permet d’anticiper les évolutions pédagogiques en termes de modalités de transmission du savoir.
La concrétisation de la construction du siège de la présidence de l’Université, tient sans doute d’un symbolisme fort. Pensée et commencée sous le Président Koffi Ahadzi-Nonou, la réalisation de cet édifice a été ardue. Il s’agissait clairement d’une nécessité devant pallier l’éclatement spatial des directions centrales de l’Université et offrir un cadre fonctionnel aux collaborateurs. Nous avons gagné conséquemment en efficience et en efficacité dans le travail quotidien et économisé des ressources qui servaient à payer des loyers. Les déménagements des directions occasionnés par le changement du site de la Présidence de l’Université de Lomé, nous ont également permis d’amorcer la rénovation des nouveaux locaux affectés à la Direction des Prestations de Services et de celle de la Gestion du Domaine Universitaire. Le rayonnement de l’Université de Lomé exige, que la même rigueur dans la planification du développement, soit appliquée aux domaines de la pédagogie et de l’académie, de la recherche, de la coopération et de la gestion institutionnelle.
En termes de pédagogie, un travail de fond a été réalisé sur la gestion de l’enseignement dispensé en quantité et en qualité. Le parcours Licence reste le plus délicat en raison des tensions persistantes que nous observons sur les places assises disponibles. Des efforts sont faits dans la construction d’amphithéâtres pour mettre tant les enseignants que les étudiants en situation confortable pour la formation et l’apprentissage. Relativement au niveau Master, nous voudrions citer essentiellement l’ouverture à cette rentrée 2018-2019 de 44 parcours de Master recherche et professionnel aussi bien en formation initiale qu’en formation continue. Le but visé est de pouvoir accueillir les anciens étudiants qui souhaitent compléter ou actualiser leurs connaissances. Cette rentrée universitaire a également vu s’ouvrir des licences professionnelles dans les domaines des mines, de la comptabilité ainsi que dans celui de l’information et de la communication. La nouveauté, de ce point de vue, est indubitablement l’accès à ces parcours par le biais de la validation des acquis de l’expérience. L’exemple typique sur ce point est la licence professionnelle ouverte aux journalistes en coopération avec le gouvernement français et portée par l’ISICA.
La recherche, qui constitue le troisième programme sur les cinq du plan stratégique 2015-2020 de l’UL, s’établit sur la promotion et la valorisation de la recherche universitaire. La mise en place, le 17 octobre 2017, du cadre juridique portant création, organisation et fonctionnement des structures de recherche universitaires (SRU) à l’Université de Lomé est en soi le début de la mise en route de ce programme. La revalorisation des infrastructures touchera également le domaine de la recherche, puisque des locaux rénovés et remis à neuf ont été attribués en 2018 et en 2019 à des structures de recherche universitaires. La Direction de la Recherche et de l’Innovation (DRI) repensée et rénovée est désormais mise au service de cette promotion et de cette valorisation.
Cependant, la recherche convoque aussi de grands axes de recherche (GARE), ainsi que la plateforme de la recherche où s’arriment toutes les SRU. Je terminerai sur la recherche, par la mise en place progressive et durable des écoles doctorales (ED). En effet, elles participent activement de la formation à la recherche et, structurent efficacement le niveau doctorat pour compléter la formation de nos étudiants », a évoqué Dodji Kokoroko dans l’interview.
Bien qu’il soit l’architecte de ces innovations, tout n’a pas été rose. Sa gestion a été l’objet de critique à plusieurs égards. Aussi, le « CAMESgate » vient-il jeter un discrédit indéniable sur ce parcours enrichissant et enviable.
Une chute inévitable ?
« Plus l’orgueil s’élève, plus il fait de vide au-dessous de lui ; c’est un abîme qu’il se creuse et une chute qu’il se prépare », Alfred Auguste. Ses détracteurs voient en lui, un homme arrogant et imbu de sa personne. Lui, ne rate pas d’occasions pour venter son intelligence et son mérite. Certains de ses admirateurs le vénèrent pratiquement. Jeune, intelligent, avec une ascension fulgurante, il ne peut que forcer l’admiration. Certes ! Mais sa gestion de cette affaire aura montré les failles de cette « intelligence » proclamée.
Déjà à la genèse de cette affaire de CAMES, le Président de l’Université de Lomé s’est jeté dans une communication outrancière. « Il en a mis plein la gueule (concédez-nous cette expression triviale) au CAMES, surtout à son SG ». Des insanités, il en a débité à profusion. « Le Togo n’est pas une colonie du CAMES ». « Je n’accepterai pas les pires banalités de CE Cames-là ! La liste de ses « Punchlines » et répliques est loin d’être exhaustive.
C’est sans doute l’heure de tirer les conséquences qui s’imposent. Il a préféré gagner la bataille de l’opinion, ignorant que le jugement de l’opinion, c’est la passion. Les gens y mettent le cœur ! Mais, celui qui se joue au prétoire du CAMES, c’est le droit, strictement que du droit. Ce faisant, le Professeur Kokoroko a filé le mauvais coton. Sans doute.
Le confrère letempstg.com prédit déjà la fin du séjour du Professeur Kokoroko à la tête de l’Université de Lomé. Trois ans et puis s’en va ? « La gravité des manquements relevés par la CEDC (Commission Ethique et déontologie du CAMES) – une commission réputée pour son impartialité de par sa composition- destitue moralement le professeur Dodji Kokoroko et ternisse l’image même de la présidence et partant de l’institution universitaire. « A travers le président, c’est toute l’institution qui est éclaboussée et affaiblie », explique un universitaire au Temps. « Je le vois mal en train de diriger l’institution », ajoute cet universitaire. Les faits pour lesquels Dodji Kokoroko et ses « comparses » ont été épinglés s’inscrivent dans les mauvaises habitudes que vivent les universités africaines à travers le CAMES. Mais le professeur Kokoroko et ses amis ont « trempé un peu trop longtemps la main dans le pot de confiture ». A la longue, leurs pratiques finissent par ressembler à une mise en place d’un « réseau » destiné à paralyser et impacter de façon durable le fonctionnement du système universitaire, déclare un enseignant au Temps. En sus du discrédit du président, l’Université de Lomé pourrait aussi pâtir sur le plan fonctionnel de la mise en quarantaine de Dodji Kokoroko. De façon pratique, l’Université de Lomé ne pourra plus collaborer avec le CAMES », lit-on sur ce site qui conclut : « Dans ces conditions, les jours de Dodji Kokoroko à la tête de l’Université de Lomé sont comptés, de même que son compère Adama Kpodar, vice-président de l’Université de Kara ».
Loin de nous d’aller trop vite en besogne, il est évident que cette affaire va laisser une trace. Le Professeur Kokoroko va-t-il vivre sa déchéance dans les prochains jours ? Difficile d’y répondre. Si cela arrive à se concrétiser, ce sera sans doute la fin d’un génie, qui aura fait un passage éclair dans l’univers de l’intelligentia togolais, telle une étoile filante. Dieu, qu’une chute est belle quand elle est libre !
Source : Le Tonnerre
27Avril.com